« Les feuilles des arbres se teintent d’un rouge sombre et ploient sous le poids de la gravité , les rameaux se courbent comme des vieillards qui ont trop vécu » .
Un feu d’artifice de 12 000 tonnes. Le fracas est assourdissant. Les lumières clignotent. La catastrophe a eu lieu. On court, on tourne, on hurle. Lorsque la dalle retombe sur le réacteur, son poids le brise de toutes parts et provoque un incendie cyclopéen.
Sa terre est devenue une simple attraction touristique. Sa ville natale est un cimetière dont le sol subit chaque jour les semelles des touristes. Ils écrasent une terre irradiée, calcinée par le feu.
« Si tout le reste périssait et que lui demeurât , je continuerais d’exister;
mais si tout le reste demeurait et que lui fût anéanti, l’univers me deviendrait complètement étranger, je n’aurais plus l’air d’en faire partie » .
LES HAUTS DE HURLE-VENT,
EMILY BRONTË.
Le platane est un arbre extraordinaire. Il s’adapte à tout, il est insensible aux radiations. Un arbre d’avenir dans la région… La sève du bouleau est, elle, dépurative et anticancérigène. Cet arbre est un peu l’alpha et l’oméga de nos forêts. J’ai eu cette idée après avoir lu Le Pavillon des cancéreux de Soljenitsyne.
Elle ne voyait pas vraiment les richesses antiques : des images de Tchernobyl se superposaient aux pierres de Pompéi. En foulant cette terre, elle se rapprochait des ruines de Pripiat, celles qu’elles avaient vues à travers l’écran de télévision. Les graffitis du gymnase de Pompéi lui rappelèrent l’inscription gravée sur le mur du terrain de handball à Pripiat : « Forts, courageux, habiles. » Combien de coureurs s’étaient entraînés à Pompéi ? Combien de collégiens avaient mis des buts dans la cage du gardien à Pripiat ?
Il est des images qu'on garde à l'abri, dans le creux de nos cicatrices. Elles possèdent le goût de la glaise fraîchement retournée et le bruit de la pelle qui heurte les cailloux.
Les dix étrangers découvrent une steppe urbaine. Des portes arrachées et des blocs de béton, tombés des immeubles, se sont amoncelés au fil du temps. Des branches les traversent et les enlacent. Des graffitis griment les maisons, comme le maquillage d’une femme. Au détour des rues, des chiens sauvages traînent leur ventre creux et posent sur les hommes des regards vides. Ces animaux n’ont plus rien à voir avec des chiens, car leurs gènes se sont modifiés avec les radiations. Ce sont des loups au pelage sombre.
Ce jour-là, ils discutèrent du nouveau roman étudié en littérature : 'Les âmes mortes' de Gogol. Leur professeur leur avait interdit de lire le livre seuls : il aimait renforcer leur attente face à l'intrigue et ne lisait que quelques extraits par semaine.
(p. 35)
Les radiations sont le fléau du XXe siècle, une espèce de peste dont les bubons sont invisibles.