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C'est l'histoire de Léna et Ivan, deux très jeunes adolescents très liés, séparés par la terrible catastrophe nucléaire survenue le 26 avril 1986 à Tchernobyl, tout près de Pripiat où ils habitent. Léna, privilégiée a pu partir vivre en France, à une époque où un mur séparait encore l'est et l'Ouest, avec ses parents et sa grand-mère, tandis qu'Ivan a dû rester sur place dans cette zone d'exclusion, puis à Kiev.
C'est à la fois le récit d'une catastrophe humaine sans précédent où des milliers de vies ont été sacrifiées, mais c'est surtout une histoire d'exil, l'exil de tout un peuple, à travers l'histoire de cette enfant, Léna, déracinée pour qui l'oubli est impossible. Elle ne peut en parler à ses parents qui eux désirent oublier. Seule la grand-mère Zenka l'aidera, grand-mère qui sera en quelque sorte sa psychologue et l'accompagnera dans sa quête du soi et son désir de liberté.
J'ai été touchée par cet amour de la nature qui lui permet de s'évader un peu, et plus tard dans sa vie, par cet attrait et cette fusion avec les ruines notamment d'Herculanum et de Pompéi qui sont pour elle comme un ancrage et un appel. C'est un récit émouvant et réaliste, décrivant avec justesse et beaucoup de psychologie ce que peut ressentir un exilé qui a tout laissé et en particulier le sens de sa vie , à savoir son amour, un récit où le suspense est maintenu jusqu'au bout. Les lettres splendides qu'Ivan va lui écrire sans jamais les envoyer, ignorant son adresse, sont bouleversantes et terribles.
Sont abordés dans le roman outre la catastrophe de Tchernobyl, la guerre froide entre les deux blocs Est-Ouest, la présence puis la chute du mur de Berlin le 9 novembre 1989, la vie en Ukraine dans les années 1930 de même que sa sortie de l'URSS en 1991, sans oublier, maintenant les visites organisées dans cette fameuse Zone. En étayant son roman avec tous ces éléments historiques, Alexandra Koszelyck le rend encore plus réel et intéressant.
La beauté, la poésie, la mélancolie imprègnent ce roman qui m'a beaucoup touchée et émue.
L'homme croyant maîtriser la nature est à tout moment faillible et cela peut lui être fatal. Quant à la nature, si l'homme l'abandonne, elle ne s'en porte que mieux. L'environnement et l'amour, les pièces maîtresses de À crier dans les ruines en font un roman très subtil et très contemporain, une véritable ode à la vie, à la liberté et à l'amour.

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Roman sur l'exil, les non-dits, la transmission intergénérationnelle, A crier dans les ruines est surtout une histoire d'amour. Léna et Ivan grandissent côte à côte dans un petit village ukrainien, ils se promettent l'éternité, leurs prénoms sont gravés sur un arbre, ils s'aiment comme des enfants.

... Enfants de la bombe
Des catastrophes
De la menace qui gronde
Enfants du cynisme
Armés jusqu'aux dents...

Cette chanson leur ressemble tellement, pauvres âmes que celles déchirées par l'erreur humaine. La centrale de Tchernobyl s'enflamme, les radiations se répandent comme une mélasse momifiant toute la vie autour.
Sans explication, le père de Léna précipite leur exil vers la France. Pas le temps pour une valise, pour les souvenirs et les adieux, il faut partir.

Les années vont passer. Léna grandira sur une terre qui n'est pas la sienne, rongée par le poids du silence, par les fantômes d'Ivan qui ne cesseront de la hanter. Ivan resté à Piev continuera d'attendre Léna, lui écrira sans jamais recevoir de réponse.

Ce roman est certes signé d'une très belle plume, dont un passage suite à l'incendie de Tchernobyl qui m'a beaucoup charmée et que j'ai lu et relu, je suis mitigée sur l'ensemble. Ce roman selon moi aurait mérité plus de pages afin que les années ne passent pas de manière aussi brusque, m'empêchant de m'ancrer et de m'attacher aux personnages. Il y a pourtant des romans très courts qui se suffisent de peu de pages pour faire mouche mais d'autres comme celui-ci qui mériterait de l'étoffe tant le sujet semble passionnant.

J'aurai tout de même grappillé quelques informations politiques, écologiques sur cette terrible catastrophe de Tchernobyl. J'en attendais plus.

Et la musique résonne encore et encore...

Ils s'aiment comme des enfants
Comme avant les menaces et les grands tourments
Et si tout doit sauter
S'écrouler sous nos pieds
Laissons-les laissons-les laissons-les
Laissons-les s'aimer…
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À crier dans les ruines est un formidable roman qui explore un passé récent et s'avère tellement actuel qu'il ne peut laisser indifférent.

Le nucléaire, cette énergie que l'homme croit maîtriser, énergie électrique fournie chaque jour par des centrales voisines, est au centre d'une histoire bouleversante, à la fois tellement poétique et formidablement réaliste.
Léna revient à Pripiat trente ans après la catastrophe du 26 avril 1986, dans un groupe de touristes sévèrement encadré et c'est tout son passé qui surgit à nouveau. Elle qui, enfant, vivait une amitié magnifique avec Ivan, une amitié allant encore plus loin que l'amour entre deux pré-adolescents, revit toutes ces années : le désastre, la fuite, le passage à l'ouest avec ses parents et surtout l'amour de Zenka, cette grand-mère essentielle.
Inutile de détailler la suite car il faut lire cette histoire à la fois ordinaire et passionnante. Au moment, à une époque où la terre natale ne veut presque plus rien dire, où tant de gens fuient des conditions de vie insupportables pour tenter de survivre, cet amour pour ce coin d'Ukraine ravagé par l'inconscience et surtout la suffisance des hommes, cet attachement viscéral mérite le respect.
Alexandra Koszelik met tout cela en scène, remarquablement, passant de l'extraordinaire au plus simple pour finir au summum de l'émotion. Au passage, elle m'a appris quantité de choses, précisé quelques étymologies et surtout remis les évidences du danger du nucléaire au premier plan.
Dans la zone interdite de Tchernobyl, la nature reprend ses droits, s'adapte mais les radiations sont encore là pour des millénaires ! Comme elle l'écrit, après Tchernobyl, et j'ajoute Fukushima, on continue, malgré tout à construire de nouveaux réacteurs nucléaires sur notre planète sans trop savoir que faire des déchets, d'ailleurs.
J'ai beaucoup aimé ce roman d'une auteure que je découvre grâce à ma médiathèque. Elle m'a fait passer par tous les sentiments au fil de son roman. Même si certains passages sont plus ordinaires, c'est pour mieux rebondir et monter plus haut, plus fort.
J'ai vibré après avoir été très triste en lisant les lettres d'Ivan, resté en Ukraine, lettres qu'il ne pouvait envoyer à Léna puisqu'il ne savait pas où elle était.

La trame de leur histoire d'amour m'a permis de comprendre un peu mieux les difficultés rencontrées par les expatriés, l'aide essentielle apportée par la littérature et surtout, comme je l'ai déjà dit, tous les risque du nucléaire, cette épée de Damoclès terrible, incontrôlable, que nous nous sommes installée au-dessus de nos têtes.


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Les romans sont des instruments efficaces pour mettre en lumière ce que le politiquement correct s'efforce de passer sous silence. Alexandra Koszelyk n'est pas la première à s'y risquer, mais il s'agit pour elle d'une première production.

C'est à Tchernobyl, dans les ruines devenues touristiques que l'on fait la connaissance de Lena. Très vite, son attitude laisse penser qu'elle n'est pas là comme la plupart des visiteurs, juste pour se faire un peu peur, et entendre le discours officiel des guides. Cet endroit lui a été familier.

On revit avec elle l'enfance, éclairée d'un amour inconditionnel pour Ivan. La complicité, le bonheur d'être ensemble jour après jour, le temps qui modifie peu à peu la candeur de leur attachement.

Et puis c'est l'accident, la panique, la fuite, et la séparation. le lien ténu qui persiste jaunit au fond d'une boite, les lettres jamais envoyées en témoigneront des années plus tard.

Léna grandit en France, s'acclimate, se fond dans la foule, riche de son intelligence, mais rongée par les souvenirs de celui qu'elle pense avoir perdu à tout jamais.

L'histoire est intéressante, même si elle prend parfois des allures de romance. On s'attache à la jeune femme vaillante , et fidèle dans ses convictions.
Quelques redites alourdissent un peu le texte, qui reste cependant agréable à parcourir.

Un premier roman salué par les talents Cultura, et riche d'un potentiel d'écriture.

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En 1986, Ivan et Lena ont treize ans et sont inséparables depuis l'âge le plus tendre. Ils habitent à Pripiat, à proximité de la centrale nucléaire, dite de Tchernobyl. Lorsque la catastrophe se produit et que toute la zone est évacuée, Lena part en France avec sa famille et, sans nouvelle d'Ivan, le croit mort. le garçon est en fait resté dans la région. Il est même revenu habiter son ancienne maison malgré le danger. Vingt ans plus tard, Lena entreprend un voyage en Ukraine, sur les lieux de son enfance…


Si l'histoire seule d'Ivan et de Lena pourrait passer pour une jolie romance à l'issue somme toute aussi gentille qu'improbable, c'est elle qui donne vie et émotions à la terrible et stupéfiante restitution de son contexte historique qui, lui, donne tout son poids et son intérêt au roman. le lecteur, plein d'empathie pour les personnages attachants et campés avec justesse, se retrouve plongé dans des événements qui dépassent l'imagination. L'accident lui-même, puis l'incurie des autorités et l'évacuation seulement deux jours après d'une population tenue dans l'ignorance de ce qui se passe, font froid dans le dos. Que dire du sort de ces familles, désormais pestiférées, qui n'ont pu emporter le moindre objet personnel ? Beaucoup mourront, tous se retrouveront dans la misère, et nombreux seront les samossiols : les « revenants », ceux qui retourneront vivre, malgré tout, dans la zone interdite. A jamais figée dans l'instant où la vie humaine s'en est enfuie, la ville de Pripiat tombe peu à peu en ruines, envahie par une végétation rousse et des espèces animales qui profitent paradoxalement d'une intimité inédite. Pendant qu'un mal invisible et pernicieux continue à y décimer la vie qui tente de s'y maintenir, curieux et touristes y viennent aujourd'hui y promener leurs yeux incrédules…


En particulier au travers de Lena et de son émouvante grand-mère, d'Ivan et de son père incapable de survivre à l'arrachement de sa terre, le récit immerge le lecteur dans le déchirement de l'exil et du déracinement, mais aussi dans le désespoir de ceux qui, faute d'une autre solution plus acceptable, se sont résolus à revenir brûler ce qui reste de leur vie au contact du danger. La lecture suscite un mélange d'effroi et de sidération, de désolation et de compassion, tant à propos de cette catastrophe aux responsabilités mal endossées et aux conséquences dramatiquement sous-estimées, que du sort de la malheureuse population ukrainienne, décidément durement frappée au cours du dernier siècle…


Son style fluide, ses personnages attachants et sa stupéfiante plongée au coeur des suites, si peu présentes à l'esprit du public, de la catastrophe de Tchernobyl, font de ce roman un moment de lecture fort qui ne peut laisser indifférent.

Lien : https://leslecturesdecanneti..
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Aujourd'hui, j'avais envie de vous parler d'élégance.

C'est le terme. Exact.

Dans le dictionnaire, je trouve cette définition. « Qualité esthétique de ce qui est harmonieux, gracieux dans la simplicité. »

Alexandra Koszelyk possède de cette grâce innée, et dans ces mots, et dans ce qu'elle est. Croisée en de rares occasions, elle m'inspire un grand respect, non, une grande émotion. Que je ne m'explique pas. Et tant mieux. Et peu importe.

Dans ce premier roman, fou et fort à la fois, elle raconte une histoire d'amour, elle raconte un effondrement.

La catastrophe de Tchernobyl.

Des années après le drame, Lena revient sur les lieux de son enfance. En Ukraine, à Prypiat. Elle n'a pas oublié. Elle a juste un peu avancé. Depuis 1986. Depuis ce "Tchernobyl", cette tâche incongrue dans l'inconscient collectif. Cette folle erreur humaine. Ce drame incommensurable.

Adolescente à l'époque, elle s'est vue séparée de son amour de jeunesse, Yvan, qu'elle a cru mort. Elle s'en va à la rencontre de son passé. de cette frontière entre ceux qui partent. Et ceux qui restent.

J'ai lu ce roman. J'ai vu des choses. Peut-être des fantômes. J'ai entendu ce cri. En moi. En nous. Un cri d'une humanité folle.

Ce roman lyrique, hypnotique comme le sont parfois les contes, documenté et enivrant, parle d'exil, de déchirures et d'abandon. Ce roman, qui ne ressemble à nul autre.

Un premier roman donc qui se lit avec force. Qui se respire presque. Une plume qui envoûte et qui souffle court. Comme ce cri rentré qui a mis des décennies à pouvoir sortir. Sans maniérisme et sans vanité. Chaque mot est habité. Chaque phrase s'allume dans l'esprit de son lecteur.

Il y a de la beauté chez Alexandra Koszelyk. Il y a de ce supplément d'âme.

De l'élégance, vous dis-je, de l'élégance.
Prenons-en de la graine.

Lien : https://labibliothequedejuju..
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Exercice délicat pour un auteur : jouer les cartes de la distinction et de l'érudition sans paraître
- au pire prétentieux (déjà, ce titre : je ne comprends pas le 'À'...)
- au mieux un peu pathétique, façon élève trop appliqué qui imite bien ses maîtres (ah les tics de langage empruntés à quelques écrivain(e)s français : il est des... comme un enfant... évidence... effroi...).

S'agissant d'un premier roman, écrit par une blogueuse que j'ai aimé suivre pendant quelques années, je choisis la seconde impression.

Autre exercice délicat, côté lecteur cette fois : ne pas entrer dans un ouvrage les poils rebroussés par le concert de louanges des 'amis' de l'auteur (nombreux sur la blogo et Babelio), plus ou moins sincères, qui ont accompagné l'arrivée du 'bébé'.

Dans ce roman initiatique, nous suivons Léna, jeune fille ukrainienne dont les parents décident de fuir en France après la catastrophe nucléaire de Tchernobyl, en 1986. Elle part à reculons, laissant sur place Ivan, sa 'moitié', ami d'enfance peut-être promis à devenir davantage. Mais peut-on savoir à treize ans ce que l'avenir nous réserve...

J'ai été longtemps agacée, distante, et souvent tentée d'abandonner ces mots trop parfaits, ces agencements trop propres, cette abondance de symboles, de légendes, de références à diverses mythologies - ce livre too much aux allures d'exposé scolaire.

Je suis contente d'avoir persévéré, car j'ai aimé les cinquante dernières pages, à partir des mots de Zenka.
Le ton était-il devenu plus authentique ? ou bien je m'y suis habituée...

• Quel dommage que la superbe couverture initiale avec des coquelicots & des liquidateurs alignés, jaunes comme des Lego n'ait pas été conservée pour le format poche !
>> https://www.auxforgesdevulcain.fr/collections/fiction/a-crier-dans-les-ruines/
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« Une terre peut-elle pardonner d'avoir été oubliée ? » ou le chant d'amour qui perdure au-delà des ruines
*
Lu dans le cadre des #68premièresfois
*
Encore un livre sur la catastrophe nucléaire de Tchernobyl? Effectivement, j'ai lu il y a peu , le très bon "Traverser Tchernobyl" de Galia Ackerman ainsi que la bande dessinée/documentaire d'Emmanuel Lepage. Vous savez comme moi, que cet accident fascine. On croit avoir épuisé les récits mais l'être humain a cette faculté de toujours écrire pour exorciser la détresse, l'irradiation de ces âmes meurtries.
*
L'auteure, avec ce premier roman, a utilisé l'amour et l'exil pour décrire tout ce que les sacrifiés de Tchernobyl ont vécu.
Il est question également d'identité, de ce qui nous définit, nos racines.
Malgré le coté fictionnel de l'histoire, ce récit se pose comme un témoignage de ce drame qu'a vécu le peuple ukrainien.
*
Sur un ton mélancolique et intimiste, l'auteure raconte tout d'abord la fin de l'insouciance à travers deux jeunes adolescents amoureux puis l'exil forcé.
De manière non linéaire, elle narre une reconstruction morcelée, quelquefois à travers des contes et légendes,et également en puisant dans des symboles littéraires. Ses personnages utilisent tout ce qui est en leur pouvoir pour panser leurs blessures à vif.
*
Plusieurs fois j'ai pensé à une tragédie antique dans l'aventure romanesque de nos deux héros. le titre d'ailleurs en est une allégorie.
Mais à l'inverse d'Aragon dans son poème "A crier dans les ruines" -qui renoue avec le lyrisme négatif dans sa jalousie- , ces amoureux portent un message positif. Celui de la liberté du désir.
Cette âme slave , celle qui clame un retour à la terre. "L'appel de la patrie et de ses racines est plus fort que ces radiations invisibles"
*
Au fur et à mesure de ma lecture, j'ai tout à tour été subjuguée par cette plume si belle, si juste, si maîtrisée. Puis également envoutée par ces contes venus d'ailleurs, émue par le drame personnel de ces jeunes gens, impatiente et fébrile de les voir réunis pour le meilleur et pour le pire.
J'ai été chamboulée par ces mots, malgré toutes mes lectures sur le sujet.
*
Un roman vibrant nécessaire. Pour ne pas oublier que n'importe quelle centrale nucléaire peut potentiellement détruire le Vivant à tout moment.
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Retour à Tchernobyl

L'émotion sourd de toutes les pages du premier roman d'Alexandra Koszelyk. «À crier dans les ruines» est un chant d'amour à une terre, à un serment de jeunesse, mais aussi une terrible déchirure.

Je vous parle d'un temps que les moins de quarante ans ne peuvent pas connaître, de ce 26 avril 1986 où un accident nucléaire dans la centrale de Tchernobyl a soudain transformé les belles certitudes sur le progrès et les avancées de la science en un drame mortel qui a secoué le monde. Je vous parle d'un temps où l'Allemagne et la Suisse interdisaient la consommation de légumes de son potager et où le fameux nuage s'étant arrêté à la frontière, la France ne «courait aucun risque». Je vous parle d'un temps où l'information sur la catastrophe, les victimes, le traitement du problème et la zone contaminée était très parcellaire, en grande partie censurée par les autorités russes (et quand on voit le traitement de l'accident nucléaire des derniers jours, on se dit que rien n'avait vraiment changé de ce côté).
Je vous parle d'un temps qui a fait basculer du jour au lendemain la vie de milliers de personnes, notamment celle de Léna, le personnage au centre de ce beau roman.
Les premières pages se déroulent en 2006, vingt ans après la catastrophe, au moment où Léna arrive à Kiev pour s'inscrire à une excursion vers Pripiat avec quelques touristes dont la curiosité est plus forte que le risque encouru. Mais pour elle, on va le comprendre très vite, ce voyage revêt un caractère autrement plus important: elle revient dans la ville où elle a passé son enfance, dans la ville où elle a connu Ivan, auprès de l'arbre sur lequel a été gravé la preuve de leur amour, là où elle a fait un serment qu'elle n'aura pu tenir.
Le brutal arrachement à cette terre frappe aussi ses parents et sa grand-mère Zenka qui laisse derrière elle, dans le train de l'exil, «son chez-soi, sa langue, et des amis déjà enterrés». Dimitri, son père, a pu trouver un emploi à Flamanville, non loin de Cherbourg, où ses connaissances dans le domaine nucléaire sont appréciées.
Suivent alors des pages fortes sur l'exil et sur la façon dont on peut essayer de surmonter ce déchirement. Léna trouve un réconfort dans la lecture : «Les livres n'étaient pas seulement des outils pour apprendre le français ou pour s'évader: ils comblaient cette absence qui la dévorait et étaient un pont de papier entre les rives de ses deux vies. La lueur d'une bougie blèche au fond d'une caverne.»
La lecture et l'écriture. Car l'adolescente espère toujours que ses lettres trouveront Ivan qui, de son côté lui écrit aussi. Des lettres qu'il n'envoie pas, mais dans lesquelles il dit son espoir puis sa peine. Il raconte la vie à quelques kilomètres de ce maudit réacteur n°4 et le fol espoir né après la chute du mur de Berlin. Il raconte comment la douleur s'est transformée en colère: «J'ai longtemps espéré ton retour. En 1990, j'ai cru chaque jour que tu reviendrais. Tu sais ce que ça fait d'attendre? D'espérer? Quand ça s'arrête, on tombe de haut. Je croyais en toi, en ta force, en notre complicité. Mais ce n'était que du vent. Comme les autres. Tu es comme les autres. Dès que tu as franchi cette putain de frontière à la con, tu m'as oublié. Peu importe ce qu'on avait vécu. Pfft, du vent! Les promesses ne tiennent que le temps d'être dites.»
On aura compris dès les premières pages que Léna n'a rien oublié. Mais peut-on effacer vingt ans de sa vie et retrouver ses racines?
La plume sensible d'Alexandra Koszelyk – qui a eu la bonne idée d'aller, à l'instar de Jean d'Ormesson, chercher son titre dans les poèmes d'Aragon – donne à ce roman une profondeur, une humanité, une force peu communes. Si bien que je n'ai qu'une certitude en refermant ce roman: il ne sera pas inutile de crier dans les ruines, car le message sera entendu!


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Le 26 avril 1986, le réacteur n°4 de la centrale nucléaire de Tchernobyl (Ukraine) explose. Des quantités énormes de radioéléments sont projetés dans l'atmosphère, irradiant des centaines de milliers de personnes. La faune et la flore sont également lourdement touchés.
À crier dans les ruines nous propulse au coeur de ce drame.
Une lecture chargée d'émotions.
Un cri douloureux, un cri nécessaire, un cri qui terrasse.
Un cri de désolation, de tristesse.

Des descriptions remarquables de la nature ukrainienne avant et après la catastrophe.

Deux adolescents amoureux aux destins brisés, Léna et Ivan, séparés par la force des choses. La famille de Léna a fait le choix de l'exil. Léna a été contrainte de suivre; elle est persuadée qu'Ivan n'est plus.
« Face à elle, le réel d'une vi(ll)e à jamais engloutie. »

Vingt ans plus tard, Léna, tiraillée entre deux mondes, revient sur les traces de son passé, revient à ses racines. Malgré les maux, les douleurs, les pertes...subsiste l'espoir.

Un roman puissant, poignant, bouleversant, riche de références littéraires et culturelles, à découvrir absolument !

Un temps suspendu par la grâce des mots.
Merci Alexandra Koszelyk !
Lien : https://seriallectrice.blogs..
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