L'ours est un écrivain comme les autres

S'accoupler avec une femme humaine donnait sans contexte le sentiment d'être quelqu'un. Peut-être ce pour cela que les humains le faisaient autant.

Il sirotait son miel, pas le moins du monde gêné par son aveu, maintenant qu'il avait compris que les gens entendaient toujours autre chose que ce qu'il cherchait à leur dire.

Boykins se raidit. Son client se donnait en spectacle. Cela étant, se laisser tomber de sa chaise pour aller se tortiller sur le sol avec extase au beau milieu d'un repas était la preuve d'une grande liberté, d'une aptitude remarquable à s'affranchir des conventions. Boykins, droit comme un i, aussi physiquement que mentalement, vit en Dan Flakes l'image de ce qu'il n'avait jamais été, un enfant joyeux folâtrant dans le rêve de l'existence.

Dieu entrera à la Maison Blanche, je vous le promets.

Dieu en personne m'a glissé ce matin à quel point il était heureux de votre visite.

« vous attendez des convives, monsieur ? demanda le garçon.
- Il n'y a que moi sourit l'ours en calant un coin de sa serviette dans son col. Il tendit au garçon un billet de cent dollars en guise de pourboire parce qu'il aimait voir les gens heureux et parce qu'il voulait que tout continue à bien se passer sur le plan des repas.

Minus Un et Minus Deux, la main sur les armes dissimulées sous leurs vêtements, avaient emboîté le pas à King Cobra et à l'ours. Si le Gros Plein de Soupe causait des soucis aux King Tones, ils lui ventileraient le cul.

Je peux affirmer sans risque d’être contredit qu’il n’y a pas un ours sur cette terre qui ne rêverait en ce moment même de manger une fricassée de poulet. Mais feraient-ils preuve d’autant de manière à table ? Coinceraient-ils leur serviette sous leur menton ? Pourraient-ils ne pas tremper leur patte dans la soupe ? On n’a rien sans rien. Un autre ours sans la même situation baverait et lâcherait des pets. Il chierait peut-être même à côté de la chaise, pour montrer au monde que tout ce qui se trouve sur la table lui appartient. Mais j’ai tenu bon. Ça n’a pas été facile. Mais c’était nécessaire.

Arrivé au bas des marches, le mâle menaçant se dirigea vers le vice-président. Il s’appelait Wilfrid Gagunkas et s’apprêtait à se faire exploser, emportant le vice-président avec lui. Ce désir altruiste qu’avait Gagunkas de mourir, en emmenant tous les gens présents dans le lobby, était motivé par une terrible information, une information selon laquelle on était en train de convertir une ancienne gare ferroviaire de Boston en crématorium géant afin de se débarrasser de ces hommes, de ces femmes et de ces enfants innocents qui résistaient à l’invasion du Monde Unique. Les troupes de l’ONU avaient déjà marqué les panneaux de signalisation dans Boston et ses environs à l’aide d’autocollants : orange pour la confiscation d’installations alentour, bleus pour les zones de crémation, verts pour les aires d’atterrissage des hélicoptères. Gagunkas conservait, roulé dans sa poche arrière, un exemplaire du dernier numéro du Constitutionnaliste, qui recelait des informations vitales sur les tremblements de terre en Californie. Gagunkas avait été stupéfié d’apprendre que six des plus gros tremblements de terre de l’histoire récente s’étaient produits en conjonction avec des événements liés à l’avortement ou aux droits des homosexuels.

Quel dommage que je ne puisse pas ralentir les choses songeait le chien en fixant le sol. Si je cassais les biscuits en petits morceaux, je pourrais savourer l’expérience. Mais je ne sais pas pourquoi, dans la passion du moment, je ne me contrôle plus.