En 1948, quand il rentre en Allemagne après 10 ans d'absence, Richard Kornitzer espère reconstruire sa vie, et participer à la réorganisation de l'Allemagne démocratique. En 1939, ce jeune juriste juif passionné a dû quitter l'Allemagne pour Cuba. II avait préalablement envoyé ses deux enfants d'Angleterre, et il laissait, avec ses certitudes, sa jeune épouse protestante chef d'entreprise.
Au retour, il faut recommencer avec les nazis d'hier. Avec ceux qui pensent que Richard, ayant échappé aux camps, aux bombardements, aux combats, n'a pas eu un si mauvais sort que ça. Il faut retrouver l'autre, il faut trouver du travail et un logement dans une Allemagne anéantie par les bombardements, il faut essayer de récupérer les enfants. C'est un long cheminement semé d'embûches, où les joies sont trop souvent voilées par les déceptions : Richard Kornitzer n'a pas fini de payer son tribut au Troisième Reich.
C'est un livre extrêmement documenté, qui, comme on dit, part d'une histoire vraie, s'appuyant sur des archives scrupuleusement réunies par
Ursula Krechel. Il s'ensuit un livre où alternent les parties très romanesques, et les parties plus documentaires.
Côté roman, il faut accepter une certaine froideur, une certaine distance. Mais on sent que cela palpite là-dessous. Claire et Richard, s'ils sont bien obligés de se laisser dicter leur conduite, veulent cependant exercer au maximum leur maîtrise sur leur destin. Ils laissent rarement leurs émotions les submerger, ils veulent se détourner de ce passé qui les a détruits. le désarroi affleure à peine sous le contrôle, jusqu'à ce que finalement, il prenne le dessus, et tout leur échappe à nouveau.
Côté documentaire, on apprend énormément de choses, sur des sujets rarement abordés : l'aspect matériel et individuel de cette reconstruction de l'Allemagne, mais aussi, du fait du passé des personnages, sur les enfants déplacés en Angleterre , et surtout sur l'exil juif à Cuba, auquel est consacré une bonne partie du livre.
Il m'a manqué une meilleure subtilité dans le mélange des deux genres, j'aurais aimé que le travail historique soit plus intimement mêlé à l'intrigue, les documents et archives plus assimilés. le roman y aurait gagné en équilibre. Il y a aussi quelques lourdeurs dans l'écriture, dont je ne sais s'il faut les attribuer à l'auteur ou à sa traductrice. Ces réserves ne sont cependant que des péripéties, c'est un ouvrage tout à la fois émouvant, et passionnant, mon intérêt n'a pas faibli.