Qui est cet Adolf Hitler qui semble en voie d'accéder au pouvoir en Allemagne? Ce que je lis sur son compte m'inquiète beaucoup.
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Max, je crois qu'à nombre d'égards Hitler est bon pour l'Allemagne, mais j'en ne suis pas sûr. Maintenant, c'est lui qui, de fait, est le chef du gouvernement. Je doute que Hindenburg lui-même puisse le déloger du fait qu'on l'a obligé à le placer au pouvoir.
Max Eisenstein, janvier 1933, questionne son ami Martin qui vient de s'installer à Munich, Allemagne.
Ma seconde lettre, qui contenait plus d'encouragements que de mises en garde, m'a été retournée, non ouverte, avec la mention "Inconnu à cette adresse". Quelles ténèbres véhiculent ces mots... Comment pourrait-elle être inconnue au théâtre même où elle joue?
Parce que, tu sais, Max, depuis que je suis dans ce pays, je les ai vus, ces gens de ma race, et j’ai appris les souffrances qu’ils ont endurées toutes ces années, le pain de plus en plus rare, les corps de plus en plus maigres et les esprits malades. Ils étaient pris jusqu’au cou dans les sables mouvants du désespoir. Ils allaient mourir, mais un homme leur a tendu la main et les a sortis du trou. Tout ce qu’ils savent maintenant, c’est qu’ils survivront. Ils sont possédés par l’hystérie de la délivrance, et cet homme, ils le vénèrent.
Tu sais, mon ami, l'ancienne plaie s'est refermée, mais parfois la cicatrice me lancine encore.
C'est dans le besoin qu'on reconnaît ses amis.
Vaincre le désespoir nous engage souvent dans des directions insensées.
"Inconnu à cette adresse". Quelles ténèbres véhiculent ces mots...(...) Il s'agit sûrement d'un message signifiant qu'il lui est arrivé malheur. "On sait ce qui s'est passé, mais vous, vous n'en saurez jamais rien", disent ces cachets sur l'enveloppe.
Tu dis que nous persécutons les libéraux, que nous brûlons les livres. Tu devrais te réveiller : est-ce que le chirurgien qui enlève un cancer fait preuve de ce sentimentalisme niais ? Il taille dans le vif, sans états d’âme.
Personnellement, je ne suis pas aussi heureux que toi. Le dimanche matin, je me sens désormais bien seul - un pauvre célibataire sans but dans la vie. Mon dimanche américain, c'est maintenant au-delà des vastes mers que je le passe en pensée. Je revois la grande vieille maison sur la colline, la chaleur de ton accueil - une journée que nous ne passons pas ensemble est toujours incomplète, m'assurais-tu.
Je ne trouve plus le repos après la lettre que tu m'as envoyée. Elle te ressemble si peu que je ne peux attribuer son contenu qu'à ta peur de la censure. L'homme que j'ai aimé comme un frère, dont le coeur a toujours débordé d'affection et d'amitié, ne peut pas s'associer, même passivement, au massacre de gens innocents.