Pran se relève et tambourine à la porte, cette porte qu'il connaît si bien, avec ses clous et ses gonds de fer, sa peinture bleue un peu écaillée. La foule l'examine avec curiosité, à la recherche du moindre signe de ses origines anglaises, et chacun de faire remarquer à son voisin les traits étrangers qui soudain semblent l'évidence même.
Pran, gelé et désorienté, ouvre les yeux sur la grisaille du matin. Juste au-dessus de lui se profile une série de formes brunes irrégulières qui sont autant de paires de fesses décharnées. Tout près de lui, des conducteurs de rickshaw et des vendeurs de rues sont accroupis les uns à côté des autres au-dessus du caniveau, occupés à cracher, à bavarder, à se laver les dents et à déféquer ; il se déplace légèrement pour se protéger davantage et se souvient soudain, pris de panique, de l'endroit où il est.