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EAN : 9782267043686
368 pages
Christian Bourgois Editeur (01/04/2021)
3.12/5   17 notes
Résumé :
Après avoir reçu une bourse, un écrivain américain se rend en résidence dans une prestigieuse institution artistique à Wannsee, dans la banlieue de Berlin. Mais une fois arrivé, il ne parvient pas à écrire une ligne : il préfère regarder Blue Lives, une série TV policière ultraviolente qui l'obsède de plus en plus... Dans l'ambiance étrange de ce centre, où la transparence est le maître-mot, il sent son univers mental et politique vaciller...
Wannsee est un e... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (7) Voir plus Ajouter une critique
Hari Mohan Nath Kunzru, né à Londres en 1969, est un écrivain et journaliste anglais. D'origine anglaise et indienne (Cachemire), Kunzru a grandi dans l'Essex. Il a fait ses études à Oxford et obtenu un Master of Arts en philosophie et littérature à l'Université de Warwick. Il a travaillé comme journaliste depuis 1998, écrivant pour des journaux tel que The Guardian et The Daily Telegraph. Il a aussi été correspondant pour le magazine Time Out et comme présentateur TV, faisant des interviews pour une chaîne anglaise. Red Pill son nouveau roman vient de paraître.
Ecrivain d'origine indienne, le narrateur est invité en résidence à Wannsee dans la banlieue de Berlin, quartier au passé historique lourd. Il quitte donc New York, sa femme Rei et leur petite fille, persuadé de pouvoir y travailler sérieusement à son livre. Bien vite il déchante quand il réalise qu'il n'a pas bien lu avant de s'engager, le règlement intérieur strict qui l'oblige entre autre, à travailler dans un open space, entouré de collègues, ou qu'un rapport hebdomadaire recense le temps passé sur son ordinateur… Lentement, comme un étau qui se resserre, il se sent surveillé jusque dans sa chambre ; pour se détendre, il marche et va sur la tombe de Heinrich von Kleist, un écrivain prussien, poète, dramaturge et essayiste mort en 1811, ou bien il regarde sur son ordinateur personnel, Blue Lives, une série policière qui va s'avérer être une prise de tête et un début d'engrenage effrayant…
Ca c'est du roman ! Même si ce n'est pas une surprise puisque j'avais adoré Larmes blanches (2018) dans un autre registre. Par contre sachez que le début du livre m'a paru « compliqué », le narrateur évoquant son travail d'écriture sur un livre très complexe, un essai très intellectuel, qui pourrait faire fuir certains lecteurs ; passez outre, l'embellie est proche. Ce qui devrait vous inciter à poursuivre votre lecture, c'est qu'immédiatement on voit que le gars sait écrire, le talent saute aux yeux. Une narration finement développée, pas strictement linéaire pour stimuler vos petites cellules grises, un vocabulaire et des tournures de phrases chiadées, un style insidieux, Hari Kunzru en garde sous la pédale mais on devine sa grande culture.
Revenons-en au roman qui s'étire sur une année, celle qui s'achèvera avec l'élection de Trump à la Maison Blanche. Notre héros, légèrement dépressif « tombe » dans Blue Lives, comme dans un puits sans fond. Si les dialogues paraissent quelconques au téléspectateur lambda, lui l'intellectuel y reconnait les sources dont ils sont tirés et les intentions subliminales fascisantes qu'ils distillent. Un hasard lui fait faire la connaissance d'Anton Bridgeman, le réalisateur de la série, et dès lors un combat intellectuel va se livrer entre les deux hommes ; Anton est sûr de sa force alors que notre narrateur est un peu mou de la réplique, au point que celui-ci en vient à se persuader qu'Anton corrompt son cerveau (comme dans un bouquin de Philip K. Dick ?). Persuadé qu'il a une mission d'intérêt général à accomplir il va pourchasser Anton à Paris puis sur une ile abandonnée en Ecosse où il s'apprête à en finir, le Bien contre le Mal, Saint-Georges terrassant le Dragon etc.
Mais tout ceci est-il bien réel ? Ne seraient-ce pas les propos d'un paranoïaque croyant à ses propres fantasmes où le monde irait au désastre ? Où est la vérité ? Police, hôpital psychiatrique et traitement adapté, retour à New York, femme et enfant effrayés. Tempête sous un crâne, espoir d'accalmie et paf ! Trump est élu…. Aaaaaargh ! le cauchemar devenu réalité ?
Ne craignez pas que j'aie tout dit du roman, loin de là. Je ne m'inquiète pas, je sais que vous allez le lire.

PS : Certains pourront se demander pourquoi ce titre de roman ? La définition donnée par Wikipédia me paraît convaincante : « Les termes « pilule rouge » et « pilule bleue » font référence à un choix entre la volonté d'apprendre une vérité potentiellement dérangeante ou qui peut changer la vie, en prenant la pilule rouge, et celle de rester dans une ignorance satisfaisante en prenant la pilule bleue. Ces termes font référence à une scène du film Matrix. »
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C'est un rêve d'écrivain : une résidence tout confort à Berlin, pourvue d'équipements dernier cri, partagée avec des artistes prestigieux… le narrateur de Red Pill pense y trouver la sérénité qui lui manque pour avancer dans son projet de livre. Mais, derrière la bienveillance de façade des responsables des lieux, se profile bientôt leur exigence tyrannique de transparence et de productivité. Mal à l'aise, le narrateur se replie sur lui-même. Dans sa chambre, il regarde sans fin des épisodes de Blue Lives, une série policière au sous-texte politique ambigu qui ne fait qu'entretenir sa paranoïa, jusqu'à le pousser à fuir Berlin.

A la satire hilarante d'une résidence d'artistes absurde, croisement entre un espace de coworking snobinard et un club de vacances infantilisant, succède une turbulente errance aux quatre coins de l'Europe. Alimentée par d'inquiétantes réminiscences des totalitarismes européens, la fuite en avant du héros de Hari Kunzru prend des airs de lutte contre une société de la surveillance de plus en plus coercitive. Rappelant d'autres grands thrillers hallucinés comme Cosmopolis de Don DeLillo ou Glamorama de Bret Easton Ellis, Red Pill nous entraîne dans une spirale narrative grinçante, reflet de nos sociétés toujours plus perméables à des idéologies autoritaristes et liberticides.
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Un écrivain se rend à Wannsee pour écrire. Au lieu d'y trouver la sérénité, il se sent envahi par une atmosphère délétère. Mieux que quiconque, Hari Kunzru joue avec le périmètre de nos facultés mentales, fait surgir des fantômes du passé et joue au magicien ès sortilèges. Il montre sans efforts à quel point notre monde repose sur des illusions et est fragile. Avec « Red Pill », il offre un puzzle obsessionnel qui prouve à quel point chacun peut basculer dans la névrose ou le néant sans qu'il y soit préparé. Il signe un roman rudement bien écrit, nourri de références mais diantrement chirurgical qui laisse une impression de froid qui parcourt l'échine.
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Dans ce roman décalé, Hari Kunzru éclate tous les codes et les repères. On y découvre un écrivain américain qui débarque à Berlin pour écrire et qui fait la connaissance d'Anton, le réalisateur d'une série policière addictive mais violente. Très vite, il se rend compte que ce dernier véhicule des idées malsaines et une idéologie réellement inquiétante, faisant référence au passé douloureux de l'Allemagne ou aux événements politiques américains récents. Ce roman noir est très surprenant et assez perturbant. Hari Kunzru a l'art de nous déstabiliser dans nos habitudes de lecteurs. C'est âpre, mais bien écrit et surtout bien traduit par Elisabeth Peelaert. J'ai été très inspirée par le visuel et même si j'ai trouvé le roman troublant, je suis contente d'avoir été bousculée et d'avoir fait une nouvelle découverte. le titre est une référence à l'univers de Matrix. La pilule rouge va emmener le narrateur, et le lecteur aussi par la même occasion, au fond du « gouffre ». Il y a beaucoup de références à la psychologie, à la philosophie, mais aussi à la poésie et au conte. En réalité (si tant est que l'on reste connecté à la réalité dans ce texte), n'est-ce pas un conte cruel ? Tous les aspects les plus sombres et cauchemardesques de notre société sont condensés dans ce « Centre » qui aurait pourtant dû être auréolé de tranquillité pour le travail d'écriture du narrateur. le voilà donc embarqué dans une spirale infernale, aux confins de la folie. J'affectionne particulièrement les romans publiés chez Christian Bourgois et celui-ci nous réserve encore bien des surprises !
Lien : https://cafenoiretpolarsgour..
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Publié en 2020 et offrant une action se déroulant l'année avant l'élection de Trump, "Red Pill" n'a pas prédit l'assaut du Capitole en janvier 2021 par les partisans du président, même si les personnages de ce roman font partie de groupuscules extrémistes et préparent un soulèvement? L'auteur insiste
sur la prolifération des théories héritées du fascisme à travers forums ciblés sur Internet et sur les théories conspirationnistes. Il nous plonge dans un monde underground fait de racistes, de déçus et de toute une faune de personnages prêts à en découdre au nom de leur nation, pour ne pas modifier leur manière de vivre ou plus simplement pour en découdre. Effrayant ...

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critiques presse (3)
LeFigaro
20 mai 2021
Un écrivain américain en résidence à Wannsee sombre dans la paranoïa.
Lire la critique sur le site : LeFigaro
RevueTransfuge
27 avril 2021
Avec Red pill, Hari Kunzru réfléchit avec brio sur la possibilité d’être un individu dans un monde où repères et certitudes se dissolvent.
Lire la critique sur le site : RevueTransfuge
FocusLeVif
23 avril 2021
Roman captivant sur le fil retors de la paranoïa, Red Pill met un auteur en crise existentielle face à ses craintes d'un retour de la menace fasciste.
Lire la critique sur le site : FocusLeVif
Citations et extraits (14) Voir plus Ajouter une citation
Chaque fois que je tente de trouver un point d’origine, un lieu où me positionner pour défendre cette partie de mon histoire, un tentacule narratif surgit du marais, m’obligeant à battre en retraite. Je n’ai aucun doute sur certains évènements qui se sont produits au cours des jours précédant mon départ de Berlin. J’en soupçonne d’autres d’avoir été en bloc introduits dans ma mémoire, pas exactement produits par mon imagination. Pas mon imagination. Des souvenirs provenant d’une source externe. (…) Je les vois comme des glissements – des réagencements ou des distorsions d’un matériel déjà existant.
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Ce n’était pas le livre que j’étais censé écrire, l’œuvre ambitieuse dans laquelle je projetais de présenter la démonstration concluante du potentiel révolutionnaire de la culture. Le livre sur le goût s’était fait pour ainsi dire malgré moi, d’abord parce qu’il me détournait des carnets que je remplissais de citations et d’idées destinées à ma démonstration concluante du potentiel révolutionnaire de la culture, ensuite parce qu’il me distrayait de mon sentiment insidieux de n’avoir aucune démonstration concluante, ni même provisoire, à avancer. Je ne savais rien des raisons pour lesquelles la culture intéresserait quiconque, voire inciterait à la révolte. La culture était un vrai sujet pour moi, mais j’étais essentiellement un cossard, et toute ma vie durant, les autres n’avaient jamais aimé ma production. Le seul mot d’ordre politique qui m’ait un jour ému était : Ne travaillez jamais*1, et ma tentative d’appliquer ce principe s’était heurtée aux obstacles prévisibles. Le problème, c’est que le dehors n’existe pas, que le marginalisé n’a nulle part où aller. Le refus a un sens quand il est mené en masse, mais la plupart des gens préfèrent se rapprocher de quiconque possède une parcelle de pouvoir, et rien n’est plus terrifiant que de rester en première ligne quand la foule reflue derrière vous.
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Je fis ce qu’on fait quand on a un livre qui marche. Je donnai des interviews. J’acceptai des invitations à des festivals et à des conférences. On vendit des traductions. Les gens m’invitèrent à dîner. Et puis, peu à peu, mon éditeur commença à me poser des questions sur la suite. En gros, dans un futur proche, j’allais me marier, déménager, avoir un bébé, ne pas dormir, m’apercevoir qu’un livre à succès n’est pas la même chose qu’un film à succès ou qu’une chanson à succès, écrire une poignée d’articles mal payés pour des magazines prestigieux, accepter d’assurer un nouveau cours, dormir peu mais plus qu’avant, et pas encore assez pour pouvoir écrire sans recours à l’automédication. Je le savais, je devais publier de nouveau, le plus vite possible, mais la perspective d’achever (ou même de commencer sérieusement) un manuscrit semblait mystérieusement hors de portée. Juste au moment où les choses commençaient à devenir vraiment compliquées, le comité ou le jury attribuant les bourses Deuter entendit parler de moi.
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Le chemin parcouru, voilà qui représentait à mes yeux une source d’étonnement, cette chaîne d’événements qui m’avaient conduit à une chambre un peu trop chauffée, à une femme que, si le sort en avait décidé autrement, je n’aurais jamais rencontrée ou reconnue comme la personne avec laquelle je voulais passer ma vie. Au bout de cinq années de mariage, j’étais toujours amoureux de Rei et elle était toujours amoureuse de moi. Tout cela était une réalité établie, heureuse. Notre fille de trois ans dormait dans la chambre à côté.Notre bonheur lui-même me mettait mal à l’aise. C’était, je le savais, une réaction malsaine. Celle de l’avare inquiet pour sa cassette émotionnelle.
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J’étais ce qu’on appelle un « chercheur indépendant ». J’avais accessoirement un job à l’université, mais dans le département de Création littéraire, et je m’efforçais de ne pas y penser sauf quand je me retrouvai confronté à la réalité, assis dans une salle de séminaire, fixé par les regards vides de la douzaine d’étudiants de troisième cycle endettés qui attendaient mes consignes. Mes écrits paraissaient dans des revues et dans des magazines, pas des publications évaluées par des pairs.
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