On destinait Manet à la magistrature. Si vous ne voulez pas d'un peintre, déclara-t-il à ses parents, je serai marin. Il partit alors (il avait seize ans) pour le Brésil, peignant en route non ces marines si justes qui comptent parmi les plus liquides, les plus remuantes de l'école française, mais... des fromages de Hollande—raconte Théodore Duret—dont l'eau de mer avait terni la couleur et que le capitaine le pria de remettre à neuf. Ce n'est pas dans l'atelier de Couture, où il entra dès son retour en France,
Manet en 1865, c’est la révolution ; en 1830, c’est la tradition.
Il (Manet) n’a pas mangé de vache enragée. Il n’a point mâché sa misère et trouvé dans son amertume, inconsciemment chérie des bohèmes, l’aliment de sa révolte, le ferment de son art. Il n’a vécu dangereusement que dans le plan de son art même.
Antiromantique, donc. C'est ainsi que nous le voyons. Correct mais non guindé; cherchant à plaire mais par les moyens qui précisément déplaisaient; réservé mais souffrant de n'être pas compris, alors que le romantique se glorifie de son isolement, se réjouit de n'être pas semblable aux autres hommes. Pas d'attitude chez Manet, pas de lyrisme en dehors de la toile, pas d'autre passion que celle du métier.
Peu de vocations de peintres furent plus imprévues et plus impérieuses que celle d'Edouard Manet. Il naquit à Paris, le 23 janvier 1832. Apprêtons-nous à célébrer un nouveau centenaire, celui d'un fils de bourgeois riches, d'un « homme du monde », d'un homme d'esprit.