Le connard : Enjeux et perspectives

Elle n’échappe pas, comme l’ignorance ou la bêtise, au champ de la responsabilité ; par conséquent, on peut résumer les choses en disant que ce n’est pas d’être bête ou malappris qui constitue une faute, c’est de le rester. Celui qui se comporte de façon désagréable ou déplacée par manque d’attention ou de rigueur est donc – sauf exception – responsable de ses actes ; c’est précisément ce qui fait de lui un connard.

La politesse ne tombe pas du ciel. Elle n’est pas dans nos gènes et nul ne peut être tenu pour responsable d’avoir reçu une éducation de gougnafier. Tout le monde n’a pas la chance de naître avec une cuillère en argent dans la bouche et les codes qui permettent de s’en servir avec élégance.

Dans une société, tout le monde n’a pas exactement les mêmes droits au même moment. Au supermarché, l’hôtesse de caisse a des droits que vous n’avez pas, dont celui d’ouvrir le tiroir pour y ranger votre argent. Vous n’avez pas non plus celui de monter sur le marchepied du camion poubelle qui passe même si vous en rêvez depuis que vous avez trois ans (c’est le cas de l’auteur), etc.

Le connard est toujours subi, détestable, méprisant, exaspérant. Il prend les autres pour des cons. Dans sa version atténuée, il arrive en retard, ne répond ni aux emails ni aux sms (sauf quand ça l’arrange) et ne craint jamais de faire perdre du temps aux autres.

Il se croit réellement au-dessus des autres et il le dit : Il n’est pas n’importe qui et il exige des passe-droits parce qu’il mérite des privilèges. Il se considère en permanence comme un VIP de l’humanité, doué de qualités hors du commun et généralement imperméable au doute comme à la décence. Il est facile à reconnaître : il est du genre à menacer ceux qui le remettent à sa place en leur disant : « Vous savez qui je suis ? »

Il est intéressant de noter que les nuances apportées par l’ajout d’adjectifs ne modifient pas substantiellement le sens du mot et qu’aucune n’est méliorative : on ne peut pas, comme avec grand con, gentil con ou bon con, rendre le connard plus sympathique en l’assortissant d’un adjectif : gentil connard n’a pas de sens.

La connarderie, en revanche, évoque un système d’organisation sociale fondé sur la connardise. Ainsi, la trop grande tolérance d’une société à la connardise individuelle la conduit à un état de connarderie générale

Le connard est quelqu’un qui se croit tout permis.

Pour le dire plus simplement, le connard n’admet jamais ses torts et c’est à ça qu’on le reconnaît. Son incapacité à se remettre en question le définit avec plus de certitude que les préjudices qu’il cause. Alors, avant de traiter une personne de connard, vérifiez toujours qu’elle ne manifeste ni remords ni doute. Si c’est le cas, vous pouvez y aller ! Cette astuce atteste la nature du connard plus sûrement que le port d’une Rolex.

L’asshole décrit par A. James est donc sous nos longitudes un peu plus qu’un simple connard : c’est un connard caractérisé, un vrai connard, un connard professionnel ou de compétition, bref, un super connard et fier de l’être comme seuls les États-Unis, patrie de l’affirmation de soi, savent parfois en élire. Notre connard à nous est plus discret (mais pas moins désagréable).