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Critique de DianaAuzou


Racines siciliennesGilles La Carbona, 5 Sens Editions Genève
lecture octobre 2023

Besoin de retracer l'histoire « il fallait qu'un La Carbona écrive »….. « toucher d'un peu plus près l'authenticité », la mémoire ne présentait que « trop d'incertitudes » et le passé restera une énigme ! « à chacun de deviner ce qui est vrai de ce qui ne l'est pas », « le mur du silence nous empêche encore de progresser dans la vérité » p.10, ...et le livre commence avec la naissance de Pietro en 1842.
La lecture des premières pages m'a apporté un léger sourire, plutôt intérieur, en pensant à l'effort déployé pour chercher la vérité et à l'obstination de cette dernière de ne pas se laisser dévoiler, il paraît que ça arrive souvent.
L'histoire continue sur quelques centaines de pages en suivant la vie de Pietro et de ses descendants jusqu'après la deuxième guerre mondiale, les années cinquante, et elle s'annonce « riche, complexe, belle et cruelle »p11. Plusieurs générations de siciliens qui ont marqué leur présence sur les terres de l'Afrique du Nord, défilent à l'intérieur des pages de ce roman. Et le fil conducteur est Pietro, peut être pas un fil mais une corde, âpre, fibreuse, dure, rigide, résistante, fière, et plus encore, mais il lui manque quelque chose… d'essentiel, peut-être une certaine souplesse, une certaine ouverture vers ceux qui font l'histoire avec nous.
L'auteur, Gilles La Carbona retrace le passé de ses ancêtres, affronte les incertitudes et les développe avec « une bonne dose de fiction » p.10 en laissant le soin à ses lecteurs de « deviner ce qui est vrai de ce qui ne l'est pas » mais « le mur du silence nous empêche encore de progresser dans la vérité ». C'est « le récit hors du temps de cette famille »p.10
Le temps d'un siècle et quelques générations de vie remplissent les pages de cette investigation familiale du passé. Récit social et politique sur lequel se greffent des existences dont la pâte est durement pétrie et la tradition s'impose farouchement, s'accroche à tous les descendants, implantent ses impitoyables serres et exige le respect.
J'ai parcouru les pages du livre sur la trace des pas des personnages et la corde qui trace le chemin est faite de colère, de fierté démesurée, d'intransigeance, de ténacité, de mutisme, et d'égard pour une tradition qui n'accepte aucun pas de côté ; cette corde est dépourvue de fragilité, de sensibilité, de vibration, de tendresse. « L'honneur, le respect de la parole donnée, la droiture et la fidélité » p.29 sont des préceptes respectables tant qu'ils ne restent les seuls dans la vie d'un homme.
Les failles ne sont pas acceptés, et pourtant c'est à travers les failles que passe la lumière. Souvent la faiblesse et les larmes ne demandent pas notre avis pour couler et nous inonder.
Hommes et femmes traversent les années, la femme soumise mais bien présente, l'homme fort, autoritaire pas toujours juste mais toujours sûr de lui.
Le destin et la dureté de la vie semblent avoir le rôle clé dans la sculpture des personnages, ils tracent leur chemin.
Gilles La Carbona accompagne de loin et de près ses héros, ancêtres et fantômes, d'une voix d'historien philosophe, d'un Ulysse vers une impossible Ithaque, une sorte de parcours initiatique de l'auteur ainsi que de ses protagonistes.
Le texte est vif rythmé par des dialogues entraînant le lecteur près de chacun des acteurs de l'histoire , tout près, mais pour l'intérieur, les portes sont plutôt fermées, on n'y passe pas, on n'en a pas le droit. C'est leur temps.
Sicile, Tunisie, Algérie, et le fil rouge marque chaque rencontre et chaque rencontre les dévoile et les oblige à se regarder dans le miroir et à découvrir le monde dans ses reflets. Construire le bonheur et la liberté c'est tâche ardue.
« Pietro traversait son époque en marge de sa propre existence ».p.206
Les pas de Pietro traversent, foulent, se cramponnent, piétinent, toujours attachés au sol, jamais en envol, il porte le fardeau de son passé, auquel s'ajoute ce que la vie lui impose chaque jour.
L'auteur narre une histoire, celle de ses ancêtres et refait le chemin avec eux en voix off, essaie de comprendre des époques, les hommes et les femmes qui les ont vécues, essaie de transmettre à ses lecteurs un canevas avec son dehors et son dedans, les événements historiques et la marque qu'ils ont laissée dans la vie des gens, comment ces événements ont construit une force d'âme, modelée d'une inavouable faiblesse.
« Avec lui s'éteint le dernier des Siciliens. Ce qui reste de cette famille, est un composé de déracinés perdus dans un ailleurs où réussir est une nécessité, comme l'obligation de se construire une nouvelle vie, fort du passé. » p.256
Livre de réflexions sur l'histoire et son avancement, des hommes et des femmes qui subissent, résistent, gagnent ou perdent, les deux à la fois, des vies endurcies qui se plient et continuent la marche.
Sur le fil des événements, l'auteur construit ses questions, ses compréhensions des actes des humains, il devient une voix dont la philosophie s'appuie sur l'existence de quatre générations dont l'histoire se répète jusqu'à la rupture réalisée par Nicolas, le poète et sa femme Emilienne avec la force de la vie, sa souplesse et son intelligence.
On ne peut pas vivre sans repères mais de quelle manières ils nous émancipent ou nous aliènent ? « nous sommes tous des aditionnés », disait Émile Ajar, alias Romain Gary.
Un très grand merci à Gille La Carbona pour m'avoir offert le plaisir et l'expérience de cette lecture.
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