AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet

Chatelaine (Illustrateur)
142 pages
Librairie L. Borel (01/10/1901)
4/5   1 notes
Résumé :
Nous n’avons pas encore dans notre base la description de l’éditeur (quatrième de couverture)
Ajouter la description de l’éditeur

Vous pouvez également contribuer à la description collective rédigée par les membres de Babelio.
Contribuer à la description collective
Acheter ce livre sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten
Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Personnalité atypique et toujours intrigante, le comte Adolphe Célestin Ferdinand d'Espie fut un authentique patricien méridional de la Belle-Époque, actif jusqu'à la moitié du XXème siècle, et qui, à la suite d'une éducation jésuite particulièrement traumatisante, se consacra presque exclusivement à la littérature populaire sous toutes ses formes, par le biais d'une quinzaine de pseudonymes identifiés, dont le plus célèbre reste Jean de la Hire.
Sa production graphomane variait excessivement d'un livre à l'autre, et si l'on s'accorde aujourd'hui à trouver remarquables et furieusement prophétiques ses romans de science-fiction, et en particulier « La Roue Fulgurante », féérie interplanétaire considérée comme le texte fondateur du sous-genre "space opera", force est de constater qu'en s'éparpillant avec une telle frénésie, Mr le Comte a beaucoup dilué son talent, souvent en des oeuvres mieux rédigées que conçues (sa longue série des « Nyctalope » apparait aujourd'hui terriblement nanardesque), voire parfaitement contradictoire - si l'on rapproche par exemple les romans de moeurs puritaines signés sous le nom d'Edmond Cazal du type de romans historico-érotiques parfaitement débridés auquel appartient « Maîtresse de Roy ».
Collant à chaque genre littéraire avec un bel académisme qui n'excluait pas une imagination baroque et un souci permanent de fluidité, Adolphe d'Espie, l'homme de lettres, l'individu, continue à nous échapper derrière sa galerie de masques. On sait qu'il fut très bel homme, et collectionna volontiers les conquêtes féminines, tout en maintenant à flot un authentique mariage d'amour avec une femme de lettres passionnée de peinture. le couple disposait d'une fortune personnelle qui ne nécessitait absolument pas que Jean de la Hire doive se dévouer à une telle production littéraire pour vivre. On sait enfin que sa conversion à la littérature populaire semble être née d'une amitié avec le romancier historique Michel Zévaco, pourtant ultra-républicain voire même de sensibilité anarchiste.
Enfin, rien n'explique non plus chez cet homme indéniablement sensuel son implication politique soudaine, pendant l'Occupation, aux côtés du parti collaborationniste RNP de Marcel Déat, pour des raisons qui semblent avoir été d'ailleurs plus anglophobes que germanistes, et qui lui valut une mise à l'écart du monde des lettres après la Libération.
Longtemps reléguée dans l'oubli, l'oeuvre d'Adolphe d'Espie est progressivement redécouverte depuis la fin des années 90, et la réédition de quelques uns de ses romans de science-fiction signés Jean de la Hire, ayant d'ailleurs amené à un regain d'intérêt pour cette proto-science-fiction nommée "merveilleux scientifique", et qui touche beaucoup les amateurs de l'école américaine "steampunk" qui en est déjà inspirée.
Mais en dehors de ces récits futuristes ou merveilleux clairement identifiables, les romans signés Jean de la Hire sont nombreux et variés, et il n'est pas inintéressant de se pencher sur ce « Maîtresse de Roy » publié en 1901 dans une édition grivoise abondamment illustrée. Ce court récit est une évocation de la vie de Madame du Barry, la charmante dernière maîtresse de Louis XV qui enchanta les cinq dernières années sa vie, et qui dicta son excellent goût et sa fraîche jeunesse au château de Versailles.
Il ne faut cependant pas s'attendre ici à une oeuvre historique ou une biographie même succincte. Jean de la Hire a pris le parti d'une fantaisie érotique assez érudite et documentée, mais qui s'accorde de très notables largesses avec la réalité, et inclut également des épisodes totalement imaginaires ou des personnages réels mais qui n'ont jamais mis un pied à Versailles. L'esprit voisine ici avec le roman libertin du XVIIIème siècle, où l'érotisme était généralement présenté avec beaucoup d'ironie et d'hédonisme, comme une licence gastronomique autorisée à l'élite.
« Maîtresse de Roy » reprend cet esprit lttéraire, au sein d'un Versailles aux faux airs de jardin d'Éden, où d'accortes nymphettes passablement déshabillées, seulement revêtues de leurs bijoux clinquant et de leur perruques diaphanes se roulaient dans l'herbe et dans l'eau, dans l'attente du beau marquis qui allait les chevaucher au sein même de la verdure. Tout ici entretient le rêve voluptueux d'une cour débauchée et joyeusement impudique, placée au-dessus des contingences terrestres et n'ayant d'autres préoccupations que de batifoler entre le banquet de midi et le repas du soir. Cette ambiance onirique, conforme à un certain imaginaire fantasmatique entretenu au XIXème siècle sur le souvenir fort sublimé de la cour de Louis XV, mais aussi de la Régence qui l'avait précédée, est merveilleusement suggérée par les gravures de talentueux illustrateur que l'on ne connaît que sous le nom de Chatelaine, et qui restitue ici un Versailles idéalisé, peuplé de jeunes filles aux corps graciles, souriantes et disponibles, parfois liées en des étreintes saphiques de toute beauté.
Ces magnifiques illustrations servent énormément le récit qui restitue, de manière bien peu réaliste mais avec énormément de poésie, une sorte de jardin d'amour paradisiaque, décomplexé, où l'on ne manque pas même de se faire des farces grivoises, comme celles consistant à faire asseoir une jeune fille dans des fauteuils d'où il était compliqué de se relever quand on portait un corset et une robe à frous-frous, et que l'on baptisait par ironie les fauteuils "Heureux Dénouement", car tout jeune homme s'asseyant brusquement sur les genoux d'une jeune fille qui était assise dans ces fauteuils aux accoudoirs perfides, pouvait la dévorer de baisers sans que la jeune fille soit en mesure de se dégager ou même de faire basculer le fauteuil. On ne sortait pas vierge ni habillée du fauteuil "Heureux Dénouement" !
Jean de la Hire eût certainement signé là un merveilleux classique du roman érotique, s'il avait montré plus d'ambitions dans ses prétentions littéraires. Mais conscient de rédiger un texte devant être accompagné de gravures éloquentes, l'auteur enchaîne, avec très peu de descriptions, des petites scénettes factuelles sans forcément de continuité, chacune sur un thème ou sur un point d'histoire, ne dissimulant rien des intrigues et des complots qui furent réellement noués contre Madame du Barry, mais qui apparaissent plutôt comme de sympathiques rebondissements qui empêchent que cette existence perpétuellement orgiaque ne devienne trop monotone. Jean de la Hire va même jusqu'à imaginer une tentative d'assassinat de Madame du Barry montée par d'autres favorites de la cour, et qui sont violées et assassinées la veille de l'attentat par Le Marquis de Sade lui-même, charmé de rendre service à la délicieuse Comtesse. Cette énormité laisse tout de même un peu dubitatif...
Cependant, l'auteur, à mon sens, aurait dû achever son récit à la mort naturelle de Louis XV et à la disgrâce de Madame du Barry, dont la scandaleuse réputation s'est retrouvée sans protection, et dont la fin de vie fut marquée par quelques soucis financiers, avant qu'elle ne soit arrêtée et exécutée par les révolutionnaires. Au lieu de cela, enfilant sans mot dire son costume de biographe, Jean de la Hire nous dépeint Madame du Barry comme une femme qui, parvenue en âge de maturité, recherche des relations stables et un amour pur.
Restée malgré tout une esthète, la Comtesse se sent vite dépassée par le vent de l'Histoire, et tarde tragiquement à comprendre de quel crime on l'accuse et pourquoi on lui en veut. Si cette attitude est effectivement avérée selon les archives historiques, quel intérêt de rapporter cette fin douloureuse, où il n'est alors plus question d'érotisme, sinon pour relater des anecdotes d'humiliation ou de viol en cellule, apparemment inventées, ceci afin de terminer le livre sur l'avilissement et le massacre d'un ange de volupté par une populace de bêtes sauvages, de prolétaires aux mains calleuses et d'ouvriers-pue-la-sueur ? Cette brusque flambée de haine qui clôt sinistrement un livre qui n'avait pas pour vocation de servir de biographie officielle, se révèle aujourd'hui profondément gênante à lire, d'autant plus gênante que Mr le Comte d'Espie semble avoir oublié que les prolétaires aux mains calleuses et les ouvriers-pue-la-sueur formaient tout de même la majeure partie de son lectorat…
Cette triste fin de martyre, aussi fondée fut-elle dans le sens où la Comtesse du Barry n'était qu'une catin bien inoffensive et probablement très ignorante en politique, fait sortir le livre de sa fantaisie érotique pour dresser une opposition stupide entre deux visions au final aussi caricaturales l'une que de l'autre : celle d'une monarchie libertine ne vivant que de volupté et celle d'une révolution qui n'aurait été menée que par des pithécanthropes ensauvagés.
D'autant plus qu'en mêlant quelques faits historiques à des poussées imaginatives récurrentes, Jean de la Hire nous partage surtout SA comtesse du Barry, celle de ses fantasmes personnels, créature essentiellement modelée de bonne humeur, d'accommodements et de chair voluptueuse. Elle n'est qu'un rêve, et il ne servait donc à rien de décrire avec d'atroces détails l'assassinat de ce rêve, qui plus est à la seule fin de rappeler la hiérarchie déterministe entre les grands et les petits, hiérarchie que Jean de la Hire ne respectait guère lui-même, n'étant lu par aucun grand.
A-t-il craint qu'on ne lui reproche une vision orientée et irrespectueuse envers les souffrances de la monarchie ? Ou au contraire, s'est-il senti obligé de rompre dans la douleur et dans la brutalité avec ce personnage fantasmatique et idéal auquel il avait donné vie et dont il redoutait de ne pouvoir se détacher ? Toujours est-il que pour le lecteur, la douche froide est sacrément dure à passer après le bain chaud et parfumé, et que c'est infiniment regrettable…
Commenter  J’apprécie          30


autres livres classés : merveilleuxVoir plus
Acheter ce livre sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten


Lecteurs (1) Voir plus



Quiz Voir plus

Les plus grands classiques de la science-fiction

Qui a écrit 1984

George Orwell
Aldous Huxley
H.G. Wells
Pierre Boulle

10 questions
4903 lecteurs ont répondu
Thèmes : science-fictionCréer un quiz sur ce livre

{* *}