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Critique de Agneslitdansonlit


J'avais déjà lu " Bénédict" de cette même auteur. Je retrouve cette même écriture poétique qui s'attache à décrire avec sensibilité l'intime, qui a cet art de se détacher de l'événement lui-même pour toucher à l'universel. Cela peut rendre la lecture difficile car ce n'est pas tant le récit des évènements qui compte que les considérations que l'auteur en tire, faisant de ce récit peut être moins un roman qu'un essai quasi philosophique, comme l'a souligné une autre lectrice.
Cécile Ladjali gravite ici autour de plusieurs thèmes : celui de la filiation, celui du processus créatif mais aussi de destruction de son oeuvre, celui de l'autodafé à travers le sujet de thèse de l'héroïne sur les bibliothèques incendiées au cours de l'Histoire, le tout en côtoyant Franz Kafka et Sadegh Hedayat, conférant presque au récit un aspect de biographie. Alors forcément, même si l'on sent le style très érudit de l'auteur, une écriture extrêmement travaillée, et une structure qui se veut plus esthétique que classiquement narrative, j'ai souvent décrochée au risque de trouver le tout un peu décousu, à la limite du "mélange des genres".


Sur quel pied danser ?
Est-ce l'histoire de Luce Notte, jeune femme venant de perdre sa maman et obsédée par son père qui les a quittées sa mère et elle, emportant tous les ouvrages de la bibliothèque familiale, en ne laissant pour seul souvenir qu'une photo pliée tant de fois que le sujet photographié en devient "invisible", nous confortant dans la sensation que Luce poursuit un fantôme.
Ce faisant, et toujours à la "poursuite" de son père dont elle a juré à sa mère qu'elle les vengerait, Luce quitte Berlin et part à Pragues en tant que jeune fille au pair, dans la famille de Franz Kafka.
Alors, est-ce pour autant le récit- biographie de Kafka, Luce étant proche de ce dernier, sa quasi conseillère, et nous plongeant dans la vie de cet auteur en proie aux affres de la créativité autant qu'à la maltraitance psychique d'un père écrasant son fils ? Cette immersion en 1912 dans la vie des Kafka reste très intéressante et éclaire subtilement l'écrivain dans cette tranche de vie. Cependant, Luce dont on n'a plus besoin, poursuivra sa quête en quittant Prague pour Paris où elle ouvrira au final une librairie, les livres (objets symboliquement dérobés par ce père déserteur) ne la quittant jamais durant son cheminement.
Elle y fera la connaissance dans les années 50 de l'auteur Sadegh Hedayat, Iranien, comme Cécile Ladjali (un hommage à son écrivain préféré ?). Et nous revoilà à côtoyer un personnage réel, frôlant à nouveau le genre biographique. Ce dernier est bien plus avancé dans le processus destructeur que ne l'était Kafka lorsque Luce le quittait. C'est un auteur dont la vie ne tient plus qu'à un fil, foulé au pied, avec son oeuvre, par son pays d'origine, qui ne reconnaît en rien son talent mais l'a plutôt condamné, comme on l'aurait fait d'un érudit éclairé au Moyen-âge, taxé d'hérétique.
Alors est-ce un essai sur la "valeur" d'un écrit, en fonction de ses lecteurs ? " Ce sont les lecteurs qui arrachent les oeuvres à la damnation, aux flammes de l'oubli..." Que vaut l'écrivain, et son oeuvre, s'ils ne sont pas lus ? Et d'ailleurs que valent les livres quand ils sont brûlés ? Et puis... Que vaut une fille quand elle n'est "de personne" ?
Dans ce récit que l'on pourrait juger décousu, tout se tient en réalité. Un fil ténu, invisible et délicat brode ce récit. Je ne peux que reconnaître l'art d'avoir évoqué et lié tout en poésie ces différents thèmes, c'est une pièce d'orfèvre, mais on ne peut nier la difficulté à y entrer.
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