La vie est une ardoise où les mots et les gestes sont trempés dans une encre indélébile.
Trop fragile.
Depuis une semaine, il ne pensait plus qu’à son retour à la maison familiale. Chaque jour, chaque heure, chaque seconde, cette pensée provoquait chez lui un serrement au cœur. Même la nuit, blanchie par l’insomnie, lui présentait le spectre du passé. Son passé.
Le retour à la maison lui semblait difficile, impossible. Car rien ne s’efface jamais complètement. La vie est une ardoise où les mots et les gestes sont trempés dans une encre indélébile. Il le savait depuis fort longtemps. Sans doute depuis toujours.
Le temps arrange les choses, dit-on. Il désirait ardemment croire que oui. Après deux années et demie d’exil, il ne voyait plus la vie de la même manière. Il vivait désormais, entouré des attentions amoureuses et des délicatesses de sa grand-mère. Il n’entretenait plus de sordides et sanglants desseins. Il ne voulait plus tuer sa sœur aînée.
Pourtant, il se sentait vulnérable. Il craignait de retomber un jour dans cette faiblesse et cette folie qui l’avaient habité pendant de longues années. Il redoutait que sa nouvelle existence s’effondre d’un seul coup, comme un château de cartes. Change-t-on vraiment ? À cela aussi, il voulait y croire. Le salut de son âme en dépendait.
L’œil ne voit dans les choses
que ce qu’il y regarde
et il ne regarde
que ce qui est déjà dans l’esprit.
Alphonse Bertillon