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Citations sur Les pays (92)

[ Claire, qui a grandi dans un village du Cantal, évoque sa nouvelle vie en ville, dans un appartement ]

Dans le terrier des villes, les choses ont une place, le territoire de l'intérieur est sous contrôle. Le monde énorme palpite en ses entours, cogne et bat de l'autre côté des fenêtres, de la porte, des cloisons, du plafond, du plancher. Des vies vont leur cours là, empilées, du rez-de-chaussée au cinquième étage, ça macère dans la nasse, ça grouille et fourmille en son tréfonds. Sur le palier du premier étage, au moins deux fois par jour, Claire frôle une vie encalminée derrière une porte vernie, dans le trois pièces où vit madame Vidal, cent quatre ans, née dans l'immeuble, dans l'appartement et peut-être dans le haut lit de bois vernis où elle se couche chaque soir. Madame Vidal ne sort plus dans la rue, mais chaque matin, vers huit heures et demie, elle descend et remonte l'escalier, un sac poubelle minuscule et fermement ficelé en main. Elle apparaît, elle est transparente, elle avait dix-neuf ans à la fin de la Première Guerre mondiale et quarante-cinq au moment de la libération de Paris, des veines bleues strient ses chevilles nues que laissent apercevoir des mules à talon compensé, roses. Les mules roses de madame Vidal glissent en silence derrière la porte sur le parquet des trois pièces où elle achève d'être, très sourde et très organisée.
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Il ne voulait que ça, écrire, et lire, et rien d'autre. Lire écrire c'était comme respirer, inspirer expirer, de tout le corps. Il pouvait vivre comme ça [...]
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Sa tante n’avait jamais eu ce don et se comportait avec les machines comme une poule qui a trouvé un couteau, l’enfant riait à cette expression singulière qu’il ne manquerait pas de resservir à Claire dès que l’occasion s’en présenterait. On avait d’ailleurs craint le pire quand, à huit ans, s’initiant sur le tas au maniement du râteau, ladite tante avait entrepris de n’user du fatidique instrument qu’à reculons. Les choses étaient rentrées dans l’ordre, mais il avait d’emblée été acquis qu’elle n’eût pas fait une paysanne, à la différence de son aînée, à l’évidence magistrale dans le registre agricole.
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Longtemps Claire avait tu ses enfances, non qu’elle en fût ni honteuse ni orgueilleuse, mais c’était un pays tellement autre et comme échappé du monde qu’elle n’eût pas su le convoquer à coups de mots autour d’une table avec ses amis de Paris.
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Dans le train et dans le métro, au bord des personnes et dans la stridulation des machines plus ou moins dociles, locomotives wagons portiques portes coulissantes, Claire laisse s’opérer la jonction entre les deux pays, les deux temps, les deux corps. Se raidir ne sert à rien, vouloir non plus, il s’agit juste d’attendre et de faire les gestes. Vider le sac, ranger les victuailles, suspendre la clef de la maison à sa place, dans le placard où, à la moindre occasion, elle sera vue, manipulée du regard. Dans le terrier des villes, les choses ont une place, le territoire de l’intérieur est sous contrôle.
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Il neigeait dans la nuit froide et Claire sentait le film s’enfoncer en elle comme un coin dans le bois.
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[…] tout, chez les parents de Lucie, trahissait une aisance qui semblait à Claire son exact envers. Elle sentait qu’ils n’avaient pas peur, ils étaient revenus de ce pays, ou ils ne l’avaient pas connu.
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Lire écrire c’était comme respirer, inspirer expirer, de tout le corps.
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Elle pensait à d’autres formules que ressassait le père ; c’était pas du rôti pour elle, elle était le crapaud monté sur un pot de sucre tandis que les vrais étudiants, les légitimes, s’ébattaient à l’envi dans les grasses prairies de la pensée comme des rats dans une tourte.
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Il fallait toutefois en sortir, à intervalles réguliers, pour la redoutable épreuve des achats en librairie. Un tel afflux de livres, rassemblés au même endroit, éventuellement sur plusieurs étages, la privait de tout discernement ; c’était trop de tout, et tout à la fois, d’un seul coup. Les livres qu’elle n’avait pas lus, ceux qu’elle ne lirait jamais, et ceux, perfides entre tous, qu’elle aurait dû avoir déjà lus, auparavant, dans les lointaines années de sa première vie, tous les livres étaient là, en bataillons réglementaires, en régiments assermentés, offerts et refusés, gardés par des créatures minces et bien vêtues qui faisaient, à l’entrée des rayons, barrage de leurs corps policés et dont la carnation distinguée semblait emprunter à la matière même des ouvrages les plus précieux.
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