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Citations sur La couleur de l'aube (30)

Le Blanc nous a apporté le malheur d'une main et des promesses de bonheur de l'autre. Qui, à moins de n'être pas normalement constitué, ne voudrait pas de cette chose extravagante qui a pour nom le bonheur et que l'on a fait miroiter au loin ? Toujours au loin. Et c'est d'ailleurs pour nous prouver que ce bonheur était à portée de main, que John a partagé quelques uns de nos maigres repas, a payé des notes de pharmacie de Mère et, à une période de vaches maigres, a même consenti à régler les funérailles d'une cousine qui n'existe pas. Nous avons empoché l'argent en silence. Il a deviné le subterfuge mais a joué le jeu pour amuser sa mauvaise conscience de messager des cieux. D'autant plus que sur terre, il voulait de Joyeuse. Et la première République noire plie ses femmes à genoux, pour quelques dollars, un repas, des carrés de chocolat. John regardait Joyeuse, il la regardait et avait du mal à se retenir pour ne pas planter ses dents dans ce morceau de chair fraîche et la dévorer là, sous nos yeux. Et cela, Joyeuse le sentait. Joyeuse était déjà si différente de moi. Grande, pulpeuse. Si sûre d'elle. Si effrontée et si sexuelle. Oui, le mot est lâché, c'est bien ce qu'elle est Joyeuse. Sexuelle.
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(p. 203)

(…) Que d’amour pour toi petit frère mort.
Tu es parti de nuit, l’enfant têtu d’une terre qui entend fermer les yeux sur ses forfaits. Pour ne plus entendre ce tumulte du monde qui faisait si mal aux oreilles. Pour ne plus rien savoir des anciennes rancoeurs, des détresses d’hier, des « bayahondes » de la peur. As-tu chanté ta dernière composition de reggae en voyant la mort avancer ?
Je t’imagine fonçant à vive allure, entêté de rêve, obstiné d’avenir, la tête portée en avant comme un jeune taureau. As-tu demandé de te frapper jusqu’au sang, jusqu’à la moelle ? Quelles images ont pu se dérouler derrière tes paupières ? Quel coin de lune a dû t’éclairer pour la dernière fois ? (…)
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Mère eut un mari, beaucoup d'amants mais aucun homme ne la posséda. Aucun d'eux ne fut son seigneur ni son maître. Ils partagèrent à peine leur soulagement passager . Ils ne lui apprirent pas grand chose hormis certains gestes au lit. Ne lui donnèrent rien à part quelques dollars. Mère n'est pas femme à acheter la paix d'une maison en vendant son a^me;
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Avant de rencontrer John je ne savais pas qu'on pouvait gagner sa vie à aimer les pauvres. Qu'aimer les pauvres était un métier.
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Dieu, s'il a crée le monde, je lui souhaite d'être torturé par la remords
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Avec Gabriel ont commencé mes nuits blanches, mes matins désolés. Avec Gabriel a commencé ma solitude à moi. Avec l'enfant commence la solitude de toutes les femmes...
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Quand en fin d’après-midi, il est revenu à la maison, un poste de télévision posé sur la tête, je l’ai vertement réprimandé. […] Et à mesure que ma colère s’endormait, j’ai regardé Fignolé avec une admiration qui m’a moi-même surprise. Au fond de moi un feu étrange s’est mis soudain à crépiter. Et j’ai senti qu’il crépitait parce que je l’approuvais. Oui, je l’approuvais. Je compris ce jour-là qu’il y a de quoi devenir méchant quand on est asservi. Quand la vie est sans issue pour vous et tous ceux qui vous ressemblent depuis le commencement du monde et qu’un homme, un jour, une fois, vous indique une sortie. Alors si étroite, si basse, si sombre soit-elle, vous vous y engouffrez. Tête baissée. Et j’ai baissé la tête.
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Le quartier de tante Sylvanie est à la limite de plus pauvre encore que lui. Parce que dans cette île, la misère n’a pas de fond. Plus tu creuses, plus tu trouves une autre misère plus grande que la tienne. Alors entre Sylvanie et ce qui n’a pas encore de nom, il n’y a qu’une eau prisonnière. Gonflée de limon et de boue. A faire remonter vos viscères en boules nauséeuses. Là-bas, de l’autre côté, là où les vies tiennent en équilibre entre les pelures de tout ce qui se mange, les cadavres d’animaux, les incontinences des vieillards, les visages poisseux de morve des enfants et l’eau aigre que rejettent les estomacs affamés. A côté des chiens et des porcs, surgissent souvent des silhouettes sinistres. Le dos voûté, elles se mélangent aux bêtes. Quand elles ne leur disputent pas les restes, elles fouinent furtivement à leurs côtés dans la puanteur et la pourriture des immondices.
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Rancœurs, haines, privations, je les accueillerai bientôt toutes. Sans distinction aucune. Comme des commères bavardes. Je porte au-dedans de moi tant d’autres femmes, des étrangères qui empruntent mes pas, habitent mon ombre, s’agitent sous ma peau. Pas une ne manquera à l’appel d’une jeune femme de trente ans que le temps a usée sur toute sa surface.
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De cette ville j'ai tiré une leçon, une seule : ne jamais s'abandonner. Ne laisser aucun sentiment vous amollir l'âme. Au lieu du coeur, une matière dure et rude avait pris place à l'intérieur de ma poitrine juste entre les deux seins. J'ai reconnu ma petite pierre grise. Et j'ai respiré très fort pour être bien certaine qu'elle tenait encore solidement à sa place.
Dans cette île, dans cette ville, il faut être une pierre.
Coincée dans ce tap-tap, je me laisse petit à petit envahir par le bavardage de Lolo, assise à mes côtés. ...
Lolo parle beaucoup. Parle trop. D'ailleurs en ce moment même, elle glousse déjà avec son nouvel amant, "son vieux" comme elle l'appelle. Soixante ans bien sonnés et qui a peur. Peur de vieillir. Et qui veut éprouver sa virilité dans le velours de sa jeunesse à elle, dans les eaux de jouvence de ses vingt ans. "Alors il paie", m'a encore répété Lolo en me dressant la liste de tout ce à quoi elle estime avoir droit : un voyage à Miami, une implantation de cheveux à la Naomie Cambell, "Fini Joyeuse, ces rallonges jamais aux couleurs qu'il faut pour faire des tresses interminables comme une Blanche", des cartes pour son téléphone portable et bien sûr des vêtements, des vêtements en veux-tu, en voilà. Elle m'a confié qu'après son premeir voyage à Miami elle reviendrait pour ne pas éveiller des soupçons mais qu'au second elle disparaîtrait dans les champs d'orangers en Floride. "Tu sais bien que la misère et moi nous ne nous entendons pas bien du tout. Je ne suis pas comme tous ces gens autour de nous qui attendent que Dieu, Notre-Dame du Perpétuel Secours, saint Thérèse, Agoué, le patron, le gouvernement ou la révolution vienne à leur secours. Personne ne viendra nous sauver, Joyeuse, personne. Alors le vieux il ne reverra plus Lolo." Il y a un mois, curieuse, je lui ai demandé "Ton vieux, il est vieux comment ?". Elle m'a répondu comme si, concentrée et pensive, elle cherchait des mots pour décrire une expédition dans une contrée lointaine, l'Antarctique ou le pôle Nord : "Vieux comme quelque chose qui m'est étranger, Joyeuse, comment te dire...Quelque chose que je ne connais pas. Vieux comme la neige, froid comme l'hiver."
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