Le nom d'André Poisson évoque-t-il quelque chose pour vous ? Et celui de Victor Lustig ? Vous avez certainement entendu parler de cette histoire, surnommée "l'escroquerie du siècle"… Dans les années 1920, Lustig a vendu la tour Eiffel à Poisson. En effet, il était prévu depuis son inauguration en 1889 que la tour serait détruite vingt ans plus tard. Profitant avec habileté de la naïveté de Poisson, ferrailleur de son état, Lustig réussit à lui faire croire qu'il était mandaté par la ville de Paris, désireuse de se débarrasser d'un monument dont l'entretien coûtait cher. Mieux, il lui demanda de lui verser des pots-de-vin pour lui assurer la priorité de la transaction, le faisant basculer dans l'illégalité et lui interdisant de porter plainte par la suite. Poisson a marché.
Le narrateur du présent roman, Thomas Poisson, est l'arrière-petit-fils d'André. Il a grandi avec cette histoire, l'héritage de cet ancêtre qui fut la risée d'une génération.
Pourtant, Thomas a d'autres préoccupations, car il a perdu son boulot et son couple va mal. Alors, peut-être pour échapper à cette sombre réalité, il décide d'enquêter sur cette affaire, afin de déterminer si tout cela a effectivement eu lieu, si son arrière-grand-père a vraiment été à ce point naïf et ridicule, ou si cette histoire a été inventée de toutes pièces. Il n'est pas entièrement seul, car il a des amis, une petite bande hétéroclite rencontrée à la médiathèque, des gens aux parcours chaotiques et difficiles, mais dont l'esprit de solidarité est à toute épreuve. Thomas part en Charente rendre visite à son père, désormais résidant d'un EHPAD, afin de l'interroger sur le passé familial, sur lequel il n'a jamais été très bavard.
Je suis les romans de
Jean-Claude Lalumière depuis plusieurs années, et j'ai vu sa plume s'affiner, son style s'affermir et sa sensibilité s'aiguiser. Au-delà des récits, cet auteur fouille les sentiments humains et les ramène au premier plan pour en montrer la délicatesse et les valeurs les plus importantes à ses yeux : la solidarité, la tendresse, l'amitié. Ce bouquin s'inscrit parfaitement dans cette lignée. Bien sûr, il y a l'histoire de cette escroquerie, et l'excellente idée de donner la parole à un descendant de la victime. Surtout, il y a les errances émotives de Thomas, sa relation amoureuse qui sombre dans l'ennui, et les doutes qu'il a sur la véracité de cette arnaque. Comme si les éventuelles erreurs de son aïeul pouvaient peser sur sa capacité à mener sa propre existence.
Alors, cette histoire, inventée de toutes pièces, ou bien réelle ?