Citations sur La perte du temps - On ne peut pas dépenser des centimes (33)
Sur le trottoir au soleil
assis à l'envers
les coudes
au dossier
de sa chaise de paille
avec derrière
la maison silencieuse
et devant
la fumée vide et bleue
de sa pipe
les yeux déjà
comme ceux du merle
et plus de cheveux
blancs que de noirs
p.52
Leçon pour survivre : tue
le moins possible le mieux
possible
prépare avec art et mange
avec respect
pour que
ne soit pas inutile ou laide
leur mort
certains ont trouvé l'amour
pareil à la timidité
des tortues
p.59
Montaigne et Diderot
ont écrit
tous deux : il fait laid
longtemps après sont
arrivés
hypermarchés et autos
p.53
J'ÉCOUTE MOURIR
et remourir
la mer
mais la mer est
toujours là
qui veut mourir
en épousant
l'horizon
Je vois paraître
et reparaître
l'étoile
mais le ciel est
toujours là
qui veut
disparaître et se
jeter dans le
vide
Je sens passer et
repasser les
jours
et rien jamais ne
me lasse
de cette mort
qui ne peut pas
p.17-18
PLUS RIEN NE COMPTE
hors l'inconnu continent
du corps confiné
sa remontée d'Orénoque
vers les pics
au-delà des chutes d'eau
le retournement d'image
des miroirs biseautés
du monde
la maternelle dissolution
des fins dans
les puisards de l'espace
car l'outrage
ira jusqu'à son terme et
l'immortelle lave
la levée
incandescente des orgues
basaltiques
de la rage amoureuse
dans la curée de l'érosion
p.14-15
MESDAMES MESSIEURS
nous entamons la descente
tout le monde sait cela
depuis la naissance
ceux
qui ne sont pas tranquilles
ont droit à un bonbon
les autres se penchent aux
hublots pour
voir le terrain d'atterrissage
p.13
PARMI CEUX QUI LISENT
le livre du corps
et louent les bactéries
légendaires dit-on
solfatares et caresses
de cyclone
feux grégeois
à même la déchirure
des chairs entre
les tenailles cruelles
du crabe
chroniques
dont resteront la fin
imparfaite
et la peau du hareng
qu'on jette
aux otaries de l'écrit
p.12
LES HOMMES SE DÉVORERONT
comme des insectes
croiront
dans l'ordre l'argent et dieu
la nature
indifférente suivra le ruban
du piano mécanique
du temps
le silex de l'univers lancera
ses étincelles froides
p.22
DOULEUR !
Douleur comme l'hélice
qu'on ne voit pas
tourner
Le cœur !
Le cœur et le moteur qui
rugissent
mais l'hélice ne dira rien
que le frottement
contre la cicatrice de l'air
contre la plaie qui s'ouvre
et pèse du poids
énorme
d'une personne absente et
de la peur
p.28
À L'HÔTEL DE
La Porte qui Claque
j'ai pris
ta brosse à dents
c'est tout ce qui reste
pour retrouver le goût
de ta bouche dans
la mienne
j'ai payé
la note du bar
c'est tout ce qui reste
je suis sorti
les yeux dans les yeux
vides du ciel
la pluie n'avait pas de
paupières
p.30