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Werner Lambersy (Autre)Yordan Eftimov (Autre)Krassimir Kavaldjiev (Traducteur)
EAN : 9791093569253
266 pages
Editions Le Soupirail (29/10/2020)
3.17/5   3 notes
Résumé :
Ces quatorze "âmes vagabondes" constituent une anthologie des poètes symbolistes bulgares les plus emblématiques du début du XXe siècle et ne manqueront pas d'étonner le lecteur français tant leurs poèmes, fortement marqués par la philosophie de Schopenhauer et de Nietzsche, nourris d'influences russes, allemandes et polonaises, révèlent, tout en conservant une esthétique propre, des échos très vivants du symbolisme français...
Un élan vers l'Absolu. Par aill... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
Je voudrais saluer le travail du traducteur Krassimir Kavaldjiev, traducteur depuis le français en bulgare de Albert Camus, André Makine, Tristan Todorov, Jacques Lacan ainsi que depuis le bulgare de Angel Wagenstein, Tsvetanka Elenkova, Georgi Grozdev, Tchavdar Moutafov : si le talent et l'inspiration des auteurs est indéniable, celui du traducteur qui doit à la fois trouver les mots adéquats en total respect du travail original, tout en restituant la métrique des vers et l'esthétique de la poésie, est à mon humble avis une oeuvre titanesque. le recueil est généreusement accompagné d'un avant-propos de Werner Lambersy, poète belge, et d'une postface de Yordan Eftimov, auteur et critique littéraire bulgare.

Krassimir Kavaldjiev a fait le choix de présenter quatorze poètes : chacun d'entre eux est introduit par une courte biographie qui replace le contexte d'écriture. S'ensuit une petite sélection de poèmes de longueur inégale, certains assez longs, d'autres plus courts. Voici donc les quatorze auteurs : Pentcho Slaveykov, Ivan Andreytchine, Peyo Yavorov, Dimitar Boyadjiev, Teodor Trayanov, Sirak Skitnik, Ven Tin, Ekaterina Nentcheva, Nikolaï Liliev, Emanouïl Popdimitrov, Dora Gabé, Dimtcho Debelianov, Christo Yassenov, Christo Smirnenski. Je n'avais pas eu encore l'honneur de croiser leurs noms ni de près, ni de loin. La poésie reste encore un des domaines de la littérature difficile à explorer et à parler, et davantage encore lorsqu'elle provient d'un pays dont la littérature reste globalement un domaine assez confidentiel.

Parler de poésie oblige à parler versification, dans la limite de mes connaissances. On observe globalement un certain classicisme dans la forme : tout est versifié, quelques sonnets, beaucoup de quatrains, des odes (strophes en trois vers), beaucoup de huitains, on observe une métrique assez régulière. Si la forme reste globalement régulière, le fond reste beaucoup plus complexe. Je ne vais sûrement partir sur de l'exégèse poétique, je n'ai aucune prétention, certainement pas celle de vouloir décoder les intentions des poètes : même La quinzaine littéraire ne s'y aventure pas. Ce sont des poètes issus du symbolisme, les compagnons d'âme de nos Verlaine, Baudelaire, et autres illustres. Moi, j'y vois beaucoup de poèmes aux influences romantiques, Des âmes vagabondes, l'appel à la muse inspiratrice, l'ode à la nature, sa célébration à travers certains vers très lyriques – l'ode aux voyages, à la mort, au désespoir, à la souffrance.

J'ai eu une préférence pour les poèmes aux strophes courtes – de trois, quatre, cinq vers – mais aux vers très gutturaux une fois prononcés mentalement, ceux qui jouent des échos des assonances et allitérations. Ces poèmes qui insèrent de véritables coupures et laissent le temps au lecteur de réfléchir et s'approprier chaque strophe, l'une après l'autre. de même, peut-être poussée par une bouffée mélancolique, j'ai été davantage réceptive à ces vers où les poètes, qui finissent bien souvent mal – chute à cheval, suicide, mort à la guerre, mort inexpliquée, j'ai été surprise par la violence et la soudaineté de leur mort – par ailleurs, expriment leur détresse, un désespoir diffus qui bien souvent se propagent à leur environnement immédiat, qui endossent le mal-être des poètes. Je pense ici aux poèmes de Dimitar Boyadjiev, qui sont particulièrement sombres et funestes, pas de demi-mesure, la description de la ville éponyme Marseille est particulièrement sinistre et éprouvante, le mal-être indéniable de l'auteur est presque contagieux.

D'autres s'adonnent davantage dans la description, l'automne, qui est symboliquement la mort de la nature – de la sénescence des roses, des lys, des violettes – est un motif récurrent – tout comme ceux de la nuit, du déracinement, de la perte de soi et l'être aimé : les inspirations sont décidément d'ordre mélancolique, mais si on ne peut nier la beauté des vers entre l'accumulation de métaphores, de personnifications parfois difficilement déchiffrables, et des images aux dimensions démiurgiques qui dépassent la dimension humaine visiblement. La mort, la souffrance, le chagrin, et puis la guerre (des Balkans) transparait de ces lignes – notamment celles de Teodor Trayanov, à l'évidence marquées par son expérience et qu'il transpose en chants de souffrance, d'agonie.

À la lumière mes tentatives pour cerner le symbolisme à travers synesthésie et métempsychose, j'ai ressenti chez Ekaterina Nentcheva, dans le poème (Le soir dans le doux murmure) cette idée d'associer le bruit et la sensation du vent, sa mélodie, aux intonations du poème, aux allitérations ronronnantes des /s/ et des /r/, qui emporte cette voix dans l'inconnu et le silence des points de suspension et de la mort qui s'accroche aux /t/ durs de cette corde.

Le titre, il me semble, est une excellente synthèse entre synesthésie, le traducteur a su transmettre la musicalité de ces éléments de la nature auxquels les poètes vivent en communion, et la métempsychose qui laisse transparaître le déplacement continuel de ces âmes de poètes. Cette errance, cette transmutation, ou quel que soit le mot que l'on emploiera, chacun des auteurs s'emploie à sa manière à la mettre en mots, et surtout en images, en sonorités, en couleurs, en sensations audio et visuelles. le choix de l'automne, en outre, comme saison de passage entre la vie estivale et la mort hivernale est finalement totalement cohérente.

Tous ces poètes mériteraient chacun un développement beaucoup plus approfondi mais il faudrait oeuvrer dur pour trouver des recueils complets traduits en français. Ce qui différencie ces poètes de nous autres, simples mortels, c'est cette capacité à percevoir dans la vie, la nature, des choses et des sentiments que l'on n'est pas capables de percevoir, ils sont les interprètes d'un monde, d'un langage, qui nous est inaccessible. le traducteur Krassimir Kavaldjiev, a, dans le choix des poèmes traduits et réunis ici, façonné un recueil assez homogène, malgré la diversité des sensibilités de chacun, ou les poèmes sonnent souvent en écho entre eux, à travers leur thème et leur tonalité. le titre de l'ouvrage Des âmes vagabondes transmet ainsi cet appel, cette célébration, cette personnification de la nature, cela aurait aussi bien pu être la lune, qui est une figure qui les hante tous, comme l'automne, je le disais plus haut. Mais l'association âmes-vague-vagabondes qui constitue ce beau titre est définitivement la meilleure définition qui soit du symbolisme.


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Krassimir Kavaldjiev, grand traducteur d'auteurs français en bulgare, répare une forme d'injustice en faisant publier, aux éditions le Soupirail dans la Vallée d'Auge, une anthologie de poètes symbolistes bulgares, assez méconnus en France.

Ne connaissant aucun de ces poètes, je me suis lancé sans a priori dans la lecture de ce choix de quatorze poètes des plus emblématiques du début du XXeme siècle. Sans nier l'important travail de traduction de tous ces textes, et la qualité de l'édition avec une fiche biographique par auteur, je m'interroge sur la cible de cet ouvrage. Les universitaires trouveront certainement là matière à analyse approfondie, mais je crains que ces poètes symbolistes aient du mal à passer à notre époque. J'ai beau chercher des pointes de modernité dans ces 266 pages, mais je trouve plutôt des textes désuets comme celui-ci :

Tu es venue, ô créature pure et dévouée,
telle une soeur chez son frère morose ;
de tes mèches claires tu as pansé les plaies,
tu les as caressées de ton haleine de rose.
(Teodor Trayanov 1892-1945)

Parfois, l'on ne peut s'empêcher de comparer certains poèmes et le Mort dans les Plaines de Trayanov, est loin d'être à la hauteur du Dormeur du Val...

Et ce n'est pas chez moi une volonté de renier les poètes du passé, car on trouve des poètes chinois et japonais du 8ème siècle au style curieusement très actuel. Il ne faudrait laisser penser à un jeune adolescent qu'il faille écrire de la poésie ainsi. Il y a tellement trop d'apprentis poètes à écrire ainsi avec toute la grandiloquence du symbolisme....

Ce n'est pas un hasard si Albert Samain, poète symboliste français cité en exergue par Ven Tin, est un peu délaissé au Panthéon des Poètes...

Mais bon, qui suis-je pour être si sévère et critiquer tout ce travail des auteurs et du traducteurs ? Ne soyons pas trop injuste, la préface de Werner Lambersy et la postface de Yordan Eftimov nous éclairent sur l'histoire littéraire de la Bulgarie. le symbolisme a eu une importance majeure dans la littérature bulgare avec quelques influences françaises.

Et puis, il y a quand même quelques extraits qui m'ont tout de même accroché :

La nuit est plus profondément pensive
que le jour ; le souffle de l'éternité
est une haleine nocturne. A l'homme
appelé, la nuit dévoilera sa vocation
pour la première fois ; elle l'allaitera
comme une mère allaité son premier-né...
La nuit est la mère de la lumière.
(Pentcho Slaveykov (1866-1912))

*

Derrière moi, partout, le vent recouvre mes pas
de cendres : à jamais effacés.
Je ne vis pas - je brûle ! - et de cendres sera
ma trace dans l'infinie obscurité.
(Peyo Yavorov (1878-1914))

*

Sur la maison, le calme. Une alouette libre
tresse son chant accueillant
et tu es toujours l'enfant insouciant
qui épelle son premier livre.
(Nikolaï Liliev (1885-1960))



Pour tous ceux qui aiment ce genre de poésie :
L'aube s'avancera, ses sourires féeriques brillant
telle une flamme dans un calice de corail sacré.

Ou encore :
Rendez-moi mon amour éthéré,
rendez-moi mes songes d'hier
et la Thrace au firmament azuré
et la Thrace aux azurs sans frontières !

N'hésitez pas, offrez-vous ce livre et savourez-le avec ses ô, ses firmaments et ses azurs....


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Quatorze âmes vagabondes du début du XXe siècle en Bulgarie venues jusqu'à nous... d'abord, l'intérêt est culturel : découvrir une poésie cousine des francophones Verlaine, Baudelaire, Maeterlinck côté belge... très lyrique-romantique (l'influence allemande ?) et assez dépressive dans l'ensemble, ce qui en fait un morceau un peu lourd au final, d'autant que je suis de celles qui préfèrent la poésie en petits recueils, ou en lecture "je pioche de temps en temps" (mais là c'est une masse critique donc j'ai tout lu en un mois). L'automne, la pluie, la mort, la solitude... thèmes déclinés sur des poèmes aux formes classiques mais diversifiées tout de même. amoureuse de Verlaine, je n'ai pas eu de coups de foudre pour ces écritures mais quelques tournures, quelques textes, m'ont plu et ce livre reste à portée de feuilletage dans ma bibliothèque.
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Citations et extraits (8) Voir plus Ajouter une citation
VAGUES SOURIANTES

Vagues souriantes près de côtes fleuries de joie -
un long tintement doux annonce le jour doré.
Des horizons secrets m'appelle une tendre voix...
- Que signifie ce rêve si étrangement embrumé ?

N'est-ce pas toi, ô mer des jours heureux,
apaisée dans la nuit après tes fous ébats,
et par des mots enflammés d'avenir lumineux
ô rêve bien-aimé, ne m'appelles-tu pas ?

La vigueur de jadis rejaillira-t-elle au fond de mon être,
les fleurs printanières lèveront-elles le front,
grandies dans le noir, fanées dans les ténèbres,
sous les ailes glacées de solitude et d'affliction ?

Croire ou non ?... Vagues près de côtes fleuries de joie,
un long tintement doux annonce le jour doré.
Des horizons secrets m'appelle une tendre voix....
- Que signifie ce rêve si étrangement embrumé ?

Dimtcho Debelianov
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Immortalité

A travers la palissade, des roses fleuries
et une calme cour d'église blanc-gris ;
pénombre et humidité. La vieille fontaine
chante tout bas et s'écoute elle-même.

L'église veille-t-elle jour et nuit sans arrêt ?
Les saints aux yeux éternellement ouverts
y regardent encore depuis tant d'années...
Et leurs tâches lunaires - aériennes, légères -
glissent sur les lourdes icônes d'argent forgé
et s'éteignent tard, à la nuit avancée.

Est-ce la mort qui y est tapie
ou bien l'haleine même de la vie ?
La nuit abaisse sa cape froide
et veille au milieu du calme.
Je me rappelle deux yeux, des larmes... Ô chagrin
familier et immortel ! -
Dehors, les pétales
des roses gisent sur les dalles
et un souffle lourd porte leur parfum.

Dora Gabé.
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Edeland

La trirème me porte vers toi, Edeland,
ma patrie, mon pays natal, ma lande !
Sur les sables, miroitent les diamants,
paresseux et brûlant, rampe un serpent.

Tu es une noble terre, Edeland !
Stérile ! - Les vagues meurent sur ton bord,
les lagunes reflètent le volcan mort,
un arc-en-ciel domine les rochers blancs.

Ô signe immobile, inutile et saint :
le soleil chavire - énorme diamant.
Je dépéris et tout retour semble vain.
La trirème me porte vers toi, Edeland !

Emanouïl Popdimitrov
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Derrière moi, partout, le vent recouvre mes pas
de cendres : à jamais effacés.
Je ne vis pas - je brûle ! - et de cendres sera
ma trace dans l'infinie obscurité.
(Peyo Yavorov (1878-1914))
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Le désert de ma vie chagrine est rendu amer
par la chaleur et les rafales de vent ardent.

Et un banc de nuages dans le ciel brûlant
ne l'éclipsent que d'ombres légères.

Ils ne l'éclipsent que d'ombres légères
pour passer vite leur chemin dans les airs.

Et, rarement, jailli de tourments,
un flot de larmes arrose le sol ardent.

Pentcho Slaveykov
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Vidéo de Werner Lambersy
Avec Arthur H, Rim Battal, Zéno Bianu, Kent, Abdellatif Laâbi, Mélanie Leblanc, Hervé le Tellier, Marie Modiano, Jean Rouaud, Mylène Tournier, Hélène Arntzen (saxophone) & Sébastien Volco (claviers)
Cette anthologie du Printemps des Poètes rassemble plus de cent poètes francophones contemporains autour du thème de l'éphémère. Là où dansent les éphémères se veut un témoin du foisonnement de la création poétique actuelle. Ici, aucun courant poétique ni aucune doctrine littéraire ne font la loi. L'anthologie est constituée essentiellement d'inédits.
Le livre est dédié aux poètes disparus en 2021 : Philippe Jaccottet, Bernard Noël, Werner Lambersy, Joseph Ponthus et Matthieu Messagier.
À lire – Là où dansent les éphémères – 108 poètes d'aujourd'hui, Anthologie réunie par Jean-Yves Reuzeau, le Castor Astral, 2021.
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