(En Autriche)
- Vous chercherez, répondit Agata. Les coupables ne manquent pas. Il y avait un monde, et il n'est plus. Vous savez, j'ai encore connu ce monde-là dans mon enfance (...) J'ai entendu ma nurse demander à ma mère "lequel de vos enfants vous accompagnera en promenade ?", et ma mère répondre : "Celui qui va avec ma robe bleue".
Chacun se croit toute sa vie appelé devant le tribunal de sa propre enfance, et cela aussi est superflu. Nous perdons beaucoup de temps à ne pas nous savoir innocents, à ne pas exempter les autres de notre pesanteur.
L'enfance des autres est un pays étrange.
Je crois que la guerre abat ou rachète. Elle pousse les abjects plus bas qu'eux-mêmes ; elle révèle aux valeureux leur courage bien au-delà de ce qu'ils pouvaient imaginer.
Tu fuyais cette mort vivante que les photographes avaient infligée à ta jeunesse, tu avais été cette ombre qu'ils voyaient apparaître sur la plaque, fille de l'eau renaissant dans le temps arrêté. Mais pour moi ton corps vivait dans sa saveur, son mouvement, non plus le reflet d'un passé, mais l'éternité d'un instant arraché aux images où le temps t'avait emprisonnée. En te serrant contre moi, je sentais la houle d'une vie traquée battre contre la mienne, et le temps s'arrêtait dans la certitude d'avoir trouvé enfin ce pour quoi j'étais là.
Les femmes vous savez... Ce sont des traces qui s'effacent sur le sable. Quand il y a des guerres, elles sont obligées de savoir que les hommes sont mortels. Alors elles les aiment un peu mieux.
Ce ne sont pas les photos qui vous survivent. On survit plutôt à ses photos, aussi longtemps que l'on peut vieillir. Chaque cliché est une première mort.
Le cadre d'un tableau est comme un trou dans le crâne d'un peintre, par où l'on voit danser ses démons.
Et je me souviens, mais comme tout le monde, n'est-ce pas, d'une femme.
C'est dans le pire qu'on est libre, c'est en s'évadant que l'on apprend à aimer.