1941

Qui n'est pas Français et n'a pas appris l'histoire de France à l'école, et encore moins celle entourant Vichy, trouvera peut-être qu'il y a beaucoup de noms à chercher pour tout saisir du roman de Marc Lambron intitulé 1941 qui se déroule, vous l'aurez compris, en 1941, à Madrid dans un premier temps, puis à Vichy.

Un roman dont la toile de fond est bien sûr l'Histoire mais aussi un roman de moeurs où chacun des protagonistes auxquels sera confronté Pierre Bordeaux, jeune diplomate muté dans la ville où siège le gouvernement de Pétain, tentera par toutes sortes de moyens d'accéder à de hauts postes et à des privilèges.

Roman touffu, parce que noms s'y accumulent, mais passionnant parce qu'on sent battre le coeur d'une époque dans un Vichy de carton-pâte, 1941 est un roman qu'on ne peut pas lâcher tant qu'on ne sait pas ce qu'il adviendra du héros, que d'aucuns considéreront comme un traître, dans une époque qu'on appellera « pas ordinaire ».

Même s'il s'agit là de fiction, les acteurs de ce Vichy de 1941 sont pour la plupart des personnages qui font partie des livres d'Histoire — Pierre Laval, Pierre Pucheu, Marcel Déat, François Darlan, Joseph Barthélémy, pour ne nommer que ceux-là — ou qui se sont démarqués autrement, comme Jean Giraudoux ou un certain Ionescu sous lequel se cache bien entendu Ionesco (même si celui-ci est arrivé à Vichy après 1941).
Cela donne d'ailleurs lieu à une scène burlesque que je dois absolument partager avec vous.

« Un nouveau gémissement s'éleva du côté de Ionescu.
-L'Académie française est une géhenne… L'enfer de Dante peuplé par des diables verts… Ils dorment dans des fauteuils…
-Vous n'aimez pas les fauteuils? s'alarme la charitable Mrs Corrigan.
-Non, dit Ionescu. Je préfère les chaises. »

Donc, si vous avez envie de découvrir des personnages étoffés, colorés et hors du commun et si vous aimez les recherches afin de réunir les pièces du puzzle manquantes, vous ne pourrez que savourer le roman de Marc Lambron, lequel possède un sens aigu de la description et un vocabulaire d'une richesse qu'il est rare de trouver dans la littérature contemporaine, et cela sans le pédantisme qui pourrait être attribuée à un tel vocabulaire.
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Lecture à la fois instructive et épuisante. le lecteur se perd souvent dans cette fourmilière qu'était Vichy sous l'occupation, au point que les non initiés risquent de passer du temps sur Wikipédia à identifier les personnalités citées. L'auteur est de la race des écrivains hauts fonctionnaires à la Morand ou à la Giraudoux, il portraiture (le plus souvent avec talent) ses nombreux personnages d'une plume vive et acérée (le style est parfois un tantinet maniéré...). Et c'est peut-être là le talon d'Achille du livre: la documentation est impressionnante, trop peut-être, cela sent son grand oral de l'ENA (dont Lambron, conseiller d'état, est issu), on a souvent le sentiment que l'élève (l'écrivain) a parfaitement travaillé son sujet, et tient à épater le jury (ses lecteurs). le récit historique y gagne ce que le roman y perd... A lire en parallèle avec "Quarante ans", où Lambron raconte l'échec de son livre au Goncourt 1997.

Voilà une lecture dont je me suis régalé ! Une petite précision nécessaire pour apprécier ce roman , connaître l'époque , ses tenants et ses protagonistes est un plus .
Ceci dit ce roman est un petit bijou dans lequel on voit évoluer toute la crème de l'État vichyssois au début de l'occupation.
Marc Lambron mêle adroitement personnages historiques et personnages de fiction à un point tel que parfois il est difficile de faire la différence entre le réel et la fiction .
Et puis cerise sur le gâteau c'est écrit dans une langue parfaite sans pour autant être pompeuse et élitiste .
Un moment de lecture intense comme je les aime.