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Citations sur Le Lambeau (562)

Elle a cet étrange privilège : être une amie et un souvenir – une amie éloignée, un souvenir vivant.
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Mais étais-je, à cet instant, un survivant ? Un revenant ? Où étaient la mort, la vie ? Que restait-il de moi ? […] Les mots permettent d’aller plus loin, mais quand on est allé si loin, d’un seul coup, malgré soi, ils n’explorent plus, ne font plus de conquêtes ; ils se contentent maintenant de suivre ce qui a eu lieu, comme de vieux chiens essoufflés. Ils fixent des limites artificielles, trop étroites, au troupeau anarchique des sensations et des visions. (p.82-83)
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victimes des censeurs les plus efficaces, ceux qui liquident tout sans avoir rien lu
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L'attentat crée une chaîne de souffrances subites, communes et particulières, où chaque ami de la victime semble soudain marqué, comme du bétail, au fer rouge : le viol est collectif. C'est pourquoi, à partir du 7 janvier, ma vie ne m'a plus appartenu emploi. Je suis devenu responsable de ceux qui, d'une façon ou d'une autre, m'aimaient. Mes blessures étaient les leurs. Mon épreuve était en indivision.
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Je reviens aux locaux. Ils signalaient l'appauvrissement progressif, bordélique et enjoué du journal qui les occupait. On s'y apostrophait à l'étroit, comme si, face à la disparition des lecteurs, ces ingrats, les murs s'étaient peu à peu resserrés, telles les parois d'une benne à ordures, autour des corps et des mots.
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J’étais, comme jamais, reconnaissant à mon métier, qui était aussi une manière d’être et finalement de vivre : l’avoir exercé si longtemps me permettait de mettre à distance mes propres peines au moment où j’en avais le plus besoin, et de les changer, comme un alchimiste, en motif de curiosité.
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"J'étais un malade reconstitué et sous tuyaux, avec un os de jambe à la place du menton, personnage assez peu digne de figurer dans les Mémoires de Retz ou de Saint-Simon, mais peut-être assez digne pour répandre une sympathie sans laquelle cette chambre serait vite devenue insupportable."
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Il y a certes bien des façons de réviser encore et encore la copie de ses propres deuils. Mais, pas plus qu’à l’école une fois la copie rendue, chacun ne dispose d’une gomme à effacer ce qui a eu lieu. p 72
(…)
Lorsqu’on ne s’y attend pas, combien de temps faut-il pour sentir que la mort arrive ? Ce n’est pas seulement l’imagination qui est dépassée par l’évènement ; ce sont les sensations elles-mêmes. J’ai entendu d’autres petits bruits secs, pas du tout d’effrayantes détonations de cinéma, non, des pétards sourds et sans écho, et j’ai cru un instant… mais qu’ai-je cru exactement ? Si j’écris une phrase comme : J’ai cru un instant que nous avions des visiteurs imprévus, peut-être indésirables, voire tout à fait indésirables, je voudrais aussitôt la corriger par une grammaire qui n’existe pas. Elle unirait toutes ces propositions, et en même temps, les éloignerait assez pour qu’elles n’appartiennent plus ni à la même phrase, ni à la même page, ni au même livre, ni au même monde. Sans doute avais déjà comme les autres basculé dans un univers où tout arrive sous une forme si violente que c’en est comme atténué, ralenti, la conscience n’ayant plus d’autre moyen de percevoir l’instant qui la détruit. J’ai aussi pensé, je ne sais pourquoi, que c’était peut-être des gamins, mais « pensé » n’est pas le mot, ce n’était qu’une succession de petites visions aussitôt évaporées. p 75
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Le 7 Janvier 2015 vers 10 h 30, il n’y avait pas grand monde en France pour être Charlie. L’époque avait changé et nous n’y pouvions rien. Le Journal n’avait plus d’importance que pour quelques fidèles, pour les islamistes et pour toutes sortes d’ennemis plus ou moins civilisés, allant des gamins de banlieue qui ne le lisaient pas aux amis perpétuels des damnés de la terre, qui le qualifiaient volontiers de raciste. Nous avions senti monter cette rage étroite, qui transformait le combat social en esprit de bigoterie. La haine était une ivresse ; les menaces de mort, habituelles ; les mails orduriers, nombreux. Il m’arrivait de tomber sur un kiosquier, généralement arabe, qui prétendait ne pas avoir reçu le journal, avec un air mauvais qui semblait revendiquer le mensonge. Insensiblement, l’atmosphère changeait. Il est arrivé un moment, sans doute après l’incendie criminel de 2011, où j’ai cessé, non sans honte, d’ouvrir Charlie dans le métro. Nous attirions les mauvais sentiments comme un paratonnerre – ce qui ne nous rendait, je l’admets, ni moins agressifs ni plus intelligents : nous n’étions pas des saints et nous ne pouvions tenir les autres pour responsables du fait que l’état d’esprit de Charlie était périmé. Au moins, nous le savions et ne cessions pas d’en rire.
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Ce que je voyais, dans mon village, comme dans le service hospitalier qui m'avait reconduit vers la vie, c'était tout simplement des femmes et des hommes de bonne volonté. Ils savent et ils sentent –du moins m'a-t-il semblé- qu'ils ne veulent pas d'une société où le sommeil de la raison engendre des monstres semblables à ceux du 7 janvier. Savent-ils ce qu'ils veulent ? Employons au conditionnel un mot de Rousseau : ils voudraient, sans doute, un contrat social efficace, équitable et civilisé. Mais, s'il y a une majorité de gens pour le signer, il n'y a plus personne en France pour l'écrire et le mettre en œuvre.
J'essayais de le composer en marchant le long du canal lorsque, soudain, j'ai de nouveau pris conscience de mon état de revenant. On ignore à quel point les lieux où l'on a grandi nous façonnent jusqu'au moment où l'on y retourne comme si l'on était mort. Le corps et l'esprit retrouvent l'espace familier, mais ils ont changé. Comme les nerfs autour d'une greffe, le paysage, la lumière et l'air tentent de se frayer un passage jusqu'à eux, mais n'y parviennent pas. Tout s'affole, s'électrise. Tantôt c'est la surchauffe, tantôt l'insensibilité. Tout est en place, comme toujours. Mais le lieu familier, avec ses centaines de microscopiques histoires, ses kilomètres mille fois arpentés, ne vous reconnaît plus. Vous êtes entièrement chez vous et vous êtes un étranger. Et les souvenirs qui restent les vôtres renvoient au fil de l'eau, vers l'avenir incertain : « Je » fut quelqu'un, sera un autre, et, pour l'instant, n'est plus. 
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