AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Citations sur La langue de ma mère (20)

Mon frère n’était pas le seul à aimer contempler la fin de journée de travail dans le quartier. Beaucoup de ménagères plaçaient à côté de leur porte ouverte une chaise sur le trottoir, le dossier appuyé contre le mur, et regardaient la rue les bras croisés ou en tricotant paisiblement, certaines sirotant aussi un verre de trappiste, toutes bavardant sans discontinuer, s’interpellant d’un côté à l’autre, la main en porte-voix quand passait un bus ou un camion. Chez nous les commérages n’étaient pas chuchotés.
Commenter  J’apprécie          110
Il n’était pas un père qu’on doive combattre. Pas un patriarche à assassiner, symboliquement ou avec une vraie hache.
Commenter  J’apprécie          70
Car maintenant on veut faire des lofts de n’importe quoi, même d’anciennes bibliothèques dans lesquelles vous avez jadis lu à vous abîmer les yeux, sans en avoir jamais eu un moment de regret, et où à une certaine époque il ne restait plus un livre à lire en rapport avec votre catégorie d’âge, suite à quoi le bibliothécaire - que sa mémoire soit honorée, son nom loué et sa descendance bénie - vous autorisera à commencer la lecture des ouvrages de la catégorie supérieure à condition que vous n’en parliez à personne, et il en fut ainsi.
Commenter  J’apprécie          80
Les asperges, maigres et pâles comme les doigts d'un pianiste mort.
Commenter  J’apprécie          10
Et j'aimerais vous avertir, lecteur. Si vous n'aimez pas les écrits qui reposent en grande partie sur la vérité et vous laissent imaginer les parties manquantes, si vous êtes déçus par les romans qui, de l'avis de beaucoup, ne sont pas des romans parce qu'il leur manque une tête convenable, une belle queue en panache et un tronc adéquat, et qu'ils n'ont pas, en guise de viscères, un récit proprement cohérent, et si vous êtes indisposé par les textes qui sont à la fois une lamentation, un hommage et un juron grinçant, car ils parlent de la vie même mais présentent en même temps un seul personnage, un parent chéri par l'auteur, alors... Alors le moment est déjà venu pour vous de fermer ce livre.
Reposez-le sur la pile dans la librairie où vous vous trouvez, remettez-le entre les autres ouvrages sur l'étagère de votre club, de votre maison de retraite, de votre bibliothèque publique, du salon de vos amis ou de la maison que vous êtes venu cambrioler.
Achetez autre chose, empruntez autre chose, volez autre chose.
Et passez-vous de l'histoire de ma mère.
Commenter  J’apprécie          00
Tant chez les connaisseurs que chez les non-initiés persiste opiniâtrement le malentendu selon lequel écrire signifierait « conserver ». Fixer ce qui a existé, tel que cela a existé. Il est évident que c’est exactement le contraire. Écrire, c’est détruire faute de mieux. C’est seulement après cela et à cause de cela que ce que vous écrivez devient du passé. La littérature consiste à lâcher prise. Écrire, c’est chasser de son souvenir.
Commenter  J’apprécie          52
[Lorsque l’auteur décide de refuser qu’on s’acharne à nourrir par sonde sa mère agonisante:]
Je ne lui ai jamais témoigné plus d’attachement et de respect qu’au moment où nous lui avons enfin permis de partir. Un homme n’a de véritable dette qu’envers une personne au monde. Je crois l’avoir apurée là. Peut-être l’amour ne peut-il accomplir véritablement qu’une seule chose. Tuer par amour.
Commenter  J’apprécie          300
Avec la sonde dans l'estomac, elle aurait pu encore tenir des semaines, sinon des mois. C'est ce qu'on nous assurait. Je n'ai rien à faire de ces sortes d'assurances. On peut dire ce qu'on veut du Moyen-Age, avec sa Mort Noire et son hygiène défaillante, ses furies et ses bûchers, avec l'espérance de vie en rapport, mais quand il était temps de partir, on pouvait partir. La mort était une vieille connaissance, pas une raison de tomber dans l'hystérie. Le peu de science ne s'était pas encore transformé en un mal grotesque capable de maintenir en l'état tous les maux et de les augmenter au lieu de les combattre. Et en arrière-pensée n'existait pas encore cette méfiance lancinante: quand donc notre formidable sécurité sociale, consolatrice des faibles, s'est-elle convertie en un jackpot pour l'industrie pharmaceutique et ses filiales? Les patients qu'on prolonge rapportent plus qu'une vache laitière. Chaque jour supplémentaire est un jour de bénéfices. Cela rend les recommandations de résignation et de patience plus rentables que la vente de souffrance courte.
Commenter  J’apprécie          320
De son vivant, on pouvait sans exagérer dire de Liza que c'était un être déplaisant et grincheux. Elle était grasse comme une motte de beurre et elle était solitaire, même si elle ne vivait pas seule. Sa solitude était dans sa tête.
Son corps était tout aussi avenant. Il semblait vouloir combler tous les vides, ceux de son esprit et ceux de son entourage. Quand Liza prenait place sur une chaise, son séant informe débordait et pendait tout autour du siège. Le corps humain en tant qu'illustration de l'horreur du vide. Son visage aussi souffrait des lois de la pesanteur et de la propension à combler le vide. Les lèvres, les coins de la bouche, les joues, les sourcils, les paupières, les cernes sous les yeux, les lobes des oreilles, les mentons, tout en Liza était démesuré et tout pendouillait avec conviction. Sa poitrine ne faisait pas exception, naturellement.
Commenter  J’apprécie          60
Tant chez les connaisseurs que chez les non - initiés persiste opiniâtrement le malentendu selon lequel écrire signifierait ´ conserver ´ . Fixer ce qui a existé , tel que ça a existé . Il est évident que c'est exactement le contraire . Écrire , c'est détruire , faute de mieux . C'est seulement après cela et à cause de cela que ce que vous écrivez devient du passé . La litterature consiste à lâcher prise . Écrire , c'est chasser son souvenir .
Commenter  J’apprécie          100






    Lecteurs (118) Voir plus



    Quiz Voir plus

    Français ou Belge ?

    Georges Simenon

    Francais
    Belge

    10 questions
    431 lecteurs ont répondu
    Thèmes : roman , littérature française , littérature belgeCréer un quiz sur ce livre

    {* *}