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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
« Allons-y donc. Prenons congé. Faisons une croix bien grosse et bien épaisse là-dessus, même si nous la traçons avec tendresse. Une croix sur elle, sur lui. Leur quartier, leur époque, leur existence. Les grands tableaux d'un coin de petite ville et d'une famille nombreuse, dans une maison d'angle sans jardin, un magasin dont la porte ne cessait de sonner (...) Je passe au hachoir toute la zoologie humaine de ma jeunesse. C'est à ce prix seulement qu'elle, la Josée, deviendra ce qu'elle a toujours voulu être. Plus grande qu'elle-même. (...)
Ca suffit, maintenant. Hache et tranche, dénude chaque petit os, commence. N'importe où. Mais commence ».


Et quand il commence, il s'emballe, Tom Lanoye.
« C'est ainsi, c'est comme ça qu'on raconte et qu'on se rappelle les choses dans ma famille et dans ma région, ainsi est notre parole, ainsi est notre chair : abondante ».
C'est avec une langue somptueuse, pleine de verve, d'emballements, de détours et de retours que Tom Lanoye nous raconte son enfance, sa famille, ses voisins, la boucherie de son père, et surtout, sa mère. Sa Mère, l'autoritaire, la maitresse-femme, la rebelle, l'éclatante, l'opulente. Une femme qui manie le verbe avec aisance, qui aide à la boucherie, certes, mais qui fait du théâtre en amateur, qui adore se montrer, s'exposer. Rien ne se fait simplement, avec elle. Rien, même pas son attaque cérébrale qui la laisse démunie et, ironie du sort, sans langage. Une espèce de charabia informe remplace pour toujours ses discours toujours construits avec emphase, et puis le charabia lui-même cédera la place au silence et à la désagrégation de tout ce qui avait construit cette femme hors du commun.


Aujourd'hui, je referme ce gros livre et j'ai un peu le cafard. Je me plaisais bien, moi, là-bas, à Saint-Nicolas, au nord de la Belgique. Et puis Tom Lanoye a l'air d'un bon gars, vraiment. Bon fils, attentionné. Bon écrivain, excellent écrivain, je peux vous l'affirmer ! Son écriture baroque, son vocabulaire exaltant, ses phrases à l'emporte-pièce, ses digressions, ses mélanges, sa volubilité, sa franchise, tout ceci me fait dire que c'est un écrivain de premier ordre. Encore un écrivain belge que j'ai le devoir, le privilège, l'immense plaisir de vous faire connaitre.
J'avais lu et adoré « Troisièmes noces », j'ai lu et adoré « La langue de ma mère ».
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J'ai beaucoup hésité avant de lire ce livre. Parce que l'auteur y parle de sa mère qui, après une attaque cérébrale, ne s'exprime plus que dans un baragouin incompréhensible et qui, au fil du temps et d'autres attaques en série, est lâchée par son cerveau et par son corps, et tout ce que cela suppose d'humiliation. Parce que ma propre mère est atteinte de la maladie d'Alzheimer depuis plusieurs années et qu'elle ne s'exprime plus désormais que dans un baragouin dans lequel on parvient de temps en temps à reconnaître un mot ou un bout de phrase, et que son cerveau l'a lâchée sans espoir de retour, avec ce que cela implique en perte d'autonomie et donc de dignité (mais « heureusement », elle ne s'en rend plus compte), et sans compter, pour l'entourage, le déni d'abord, la révolte ensuite, puis la tristesse, mais pas l'acceptation. Bref, je me demandais si ce bouquin allait remuer le couteau dans la plaie. Pourtant je l'ai ouvert, lu, et je ne le regrette pas.

Tom Lanoye y raconte à la fois l'histoire de sa mère et l'histoire du livre lui-même et des difficultés qu'il a eues pour seulement arriver à en commencer l'écriture.

Josée, sa mère, est bouchère et comédienne de théâtre amateur à Saint-Nicolas (Sint-Niklaas), petite ville de la province d'Anvers. Commerçante et actrice, elle est une femme et une mère théâtrale, psycho-rigide, écrasante, qui n'hésite pas à jouer du chantage affectif sur ses enfants, feignant angoisse et désespoir dès que l'un d'eux dépasse de cinq minutes la permission de minuit. Autoritaire, fière, à la fois généreuse et « près de ses sous », obsédée par le qu'en-dira-t-on, elle-même n'a pas sa langue en poche et possède un art consommé de la répartie. Un sacré personnage, jusqu'au jour où elle est victime d'un AVC, perd ce qui la caractérisait, l'art de la parole, et décline peu à peu, malgré quelques périodes de rémission.

L'histoire du livre, c'est celle de la pression ressentie par l'auteur, de la part de sa mère d'abord : « tout de même, à quoi ça me sert d'avoir un fils écrivain célèbre si je ne suis même pas le personnage d'un de ses livres? Quelle ingratitude, de quoi j'aurais l'air ? » Déception pour elle puisqu'il n'écrira pas de son vivant. Pression de son père, après la mort de Josée, qui aurait tellement aimé voir son adorée ressusciter dans les pages d'un « beau gros livre ». Déception bis, Tom Lanoye ne commencera à écrire qu'après le décès de son père, deux ans après. Parce que « La vie de ma mère ne pouvait se décrire sans la sienne et inversement. C'est ainsi que ça se passe avec ces foutues amours éternelles, ces vies inséparables d'un temps révolu.[...] Avant que naisse le livre qu'il attendait si passionnément, il fallait qu'il la suive. Sa fin était l'un des chaînons de ce qu'il aurait lui-même aimé lire et partager, avec des baisers et des apéros en échange. « A ta santé, ma petite femme ! » ». Parce que « Ecrire, c'est détruire, faute de mieux. C'est seulement après cela et à cause de cela que ce que vous écrivez devient du passé. La littérature consiste à lâcher prise. Ecrire, c'est chasser de son souvenir ».

Je ne regrette pas cette lecture, malgré quelques scènes poignantes, qui réveillent de pénibles échos. Mais Tom Lanoye ne fait ni dans le pathos, ni dans l'angélisme, il raconte la vie comme elle est, avec ses montagnes russes, et les gens comme ils sont, qualités et défauts, doutes et certitudes inclus, il y en a un peu plus, je vous le mets quand même ? Et puis (ça ne parlera sans doute qu'aux Belges), mention spéciale à ce parler de chez nous (et au traducteur qui l'a si bien rendu en français): en lisant j'entendais dans ma tête ma grand-mère et ma marraine et leur patois flamand, bien loin du beau néerlandais du dictionnaire. Réaliste, truculent, pudique, tendre, nostalgique, plein de belgitude et écrit avec une grande justesse de ton, ce livre est un hommage très touchant de l'auteur à ses parents. Et pour moi, une belle découverte.
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C 'est un hommage que l'auteur fait à sa mère, je l'ai connu avec le magnifique, magistral " gaz- plaidoyer d'une mère damnée" ça m'a donné envie de lire son oeuvre, c'est donc le deuxième que je lis. le moins qu'on puisse dire c'est que sa mère est un personnage, un sacré personnage même. L'histoire de ce livre est assez touchante, en effet, la mère de Tom Lanoye voulait qu'il écrive un livre sur elle, elle meurt avant suivi deux ans après par son père qui ne verra pas non plus le livre sur sa femme. C'est une volonté délibérée de l'auteur qui ne voulait pas édulcorer, tricher avec la vérité et qui du coup à préférer le faire après leurs disparitions. Il parle de sa mère qui faisait partie d'une troupe de théâtre amateur et qui maniait bien les mots et avait le sens de la formule. Malheureusement, vers la fin de sa vie elle fut victime d'aphasie la privant de la possibilité de parler et d'utiliser les mots qu'elle aimait tant.

J'aime la sensibilité, l'humanité qui se dégage de l'écriture de Tom Lanoye, son univers et ses choix dans les sujets qu'il traite me touche profondément. Il a cette capacité à traiter des sujets difficiles et il faut le dire, assez casse-gueule, avec une distance et une classe folle. En effet, il serait tellement facile de sombrer dans le pathos, d'essayer d'extirper des larmes aux lecteurs de façon tout à fait dirigée et il ne tombe jamais dans ce travers, il laisse le lecteur à ses propres émotions, il ne les prends pas par la main pour leur suggérer que penser, que ressentir et ça me plaît.

Ce livre parle de la vie, de l'injustice de la vie parfois, il parle de la famille aussi entre ce que l'on croit savoir et ce que l'on sait, ce qui reste caché, il nous rappelle que l'on a pas toujours le dessus sur les événements qui parsèment nos existences. J'aime beaucoup les souvenirs de certains objets, de personnes de son entourage qui sont superbement décrites on a vraiment l'impression qu'il invite le lecteur chez lui. J'ai été prise dans l'histoire de Josée sa mère bouchère et de son père amoureux transi . C'est une histoire de famille pas banale ou on trouve en alternance la vie et les souvenirs de l'auteur avant et après la maladie de sa maman. Parfois, on sourit et parfois on pleure presque. Une réussite encore.

VERDICT

Un superbe roman qui ne laissera personne indifférent. Je le conseille vivement.
Lien : https://revezlivres.wordpres..
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Un livre attachant que j'ai refermé à regrets. Belle écriture. Tom Lanoye utilise les mots justes pour décrire la décrépitude de la femme qui est sa mère. Il fait des aller-retours dans le passé, dans des jours meilleurs où la maladie n'avait pas encore fait ses ravages. Beaucoup de tendresse se dégage de son récit, mais on rit aussi de certaines situations que l'on imagine comme si on y était et qu'au final, on a tous vécu. A d'autres moments, c'est plutôt une larme que l'on doit retenir .
Je vous recommande chaudement ce beau livre!
Merci M. Lanoye
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Une famille flamande comme tant d'autres. Un couple marié durant la seconde guerre mondiale, une boucherie à tenir, cinq enfants à élever. La vie qui défile avec ses joies et ses peines, son quotidien si belge, le théâtre et les spirites... L'existence d'une femme, Josée, digne mère de l'auteur. La matriarche règne avec une toute puissance infinie sur le doux Roger, son époux, mais également sur ses enfants. Férue de théâtre, elle transforme les tensions quotidiennes en véritables saynètes dramatiques.

 Tom Lanoye se sent une dette envers sa mère. Pour l'apurer, il nous livre ce récit. Récit d'une vie, récit d'une femme de langue frappée d'aphasie à la fin de ses jours. le sujet semble peu engageant et pourtant, on rit beaucoup en se plongeant dans le quotidien de cette famille qui ressemble tellement à la nôtre. C'est drôle et émouvant à la fois. J'ai rarement lu si bel hommage.
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