Je suis parti le dix-neuf juin vers six heures trente. Il faisait encore frais et la rue commençait à peine à s’animer. Ceux qui rentraient se coucher croisaient ceux qui s’en allaient bosser. Quelle joie de n’être ni l’un ni l’autre !
Quand quelqu’un bouge, les immobiles disent qu’il fuit.
- Et euh j’veux dire. Vous êtes un SDF ?
- Non. Je suis un écrivain.
- Un écrivain ?! Vous devez être un mauvais écrivain pour passer la nuit sur un quai de déchargement ! Non ?
- Bon... Tu lâches ta femme, ton domicile et ton boulot en quelques heures... C'est quoi ? La crise de la quarantaine ? T'aurais eu moins d'emmerdes si tu avais acheté une Porsche ! Et puis passer d'écrivain à clochard, c'est quand même un grand pas en arrière, non ?
...Mais dès qu'on exprime le désir de se modifier l'esprit, surtout au travers d'une délicieuse ivresse, on devient un méprisable déséquilibré...
Si tu sais être silencieux et écouter comme un animal, alors tu entendras des vérités insaisissables…Mais tu seras alors alourdi d’un fardeau supplémentaire.
- Je ne le sens pas ce type...
- Pourquoi ?
- C'est toute cette graisse qu'il se trimballe...ça...ça me dégoûte... T'as pas vu ?! Ça ballotte dessous ses bras... Je suis sûr qu'il a des seins, tiens ! Arh ! Rien que d'y penser... Arrête de rigoler ! tu te rends compte à quel point il faut se détester pour s'infliger ça ?!
Il m'aura fallu attendre que mon père meure pour ne plus me satisfaire de "Ma minute réglementaire". Aujourd'hui si j'ai besoin de plus de temps...Je le prends.
Et s’imbiber du matin au soir, tu vas me dire aussi que c’est le chemin de la sagesse ?
Si j’étais persifleur, je dirais qu’un policier qui donne des leçons sur l’alcool, c’est ce qu’on pourrait appeler un « beau paradoxe »
- Alors dès que quelqu'un ouvre une bouteille , tu rappliques ! C'est ton super pouvoir , en somme...comme les x-men...