Il est fatigué, un peu ivre aussi de cette journée passée au grand air. Il garde dans les yeux l'éblouissement des étendues neigeuses, le gris soyeux des arbres, le vol furtif des oiseaux engourdis. p 43
Il descend vers le grand étang gelé qu'il a dessiné de loin la veille, désert à présent, car il est trop tôt pour que les patineurs s'y rassemblent. Il aimerait pourtant les croquerde plus près pour donner à son tableau plus de précision et de vie. Il attendra s'il le faut le début de leurs jeux. Il se dit qu'il a tout son temps, ce grand temps des saisons où rien ne presse, où tout revient toujours. Il s'imagine comme un point noir parmi d'autres. dans le vaste paysage blanc qui se déploie sous le ciel plombé. p 32
Il songe que l'homme n'est qu'un point dans l'ordre immense de la nature et que c'est peut être une consolation.
Aux abords du village, un lièvre traverse en flèche un champ de neige, poursuivi par une petite meute bruyante. Long corps de fourrure palpitante et rousse, il file à l'instinct vers le bois qui lui donnera refuge, laissant derriere lui la trace de son désir de vivre.
Jamais il n'avait eu cette impression de vivre dans un paysage comme dans une peinture et il savait en être redevable à Maecke
Il s’allonge sur le lit, dans le silence de la maison, reste là un moment, songeant aux images du pays et de ses habitants dont il a rempli son carnet de dessins pour les tableaux à venir.
Plus que tous les sujets bibliques ou historiques, c’est eux qu’il aime peindre, dans leurs travaux et leurs fêtes, pour donner gloire à leurs vies promises à l’oubli, comme recouvertes déjà du drap blanc de la neige.
C'est ainsi qu'il peignit avec une patience infinie les champs et les bosquets de la vallée, s'ingéniant à nuancer les blancs et les gris pour donner au paysage la profondeur légère et glacée qu'il désirait.
La face de l'aubergiste semble vivre à présent d'une vie autonome. l'homme la colore avec son crayon rouge comme si la lueur du feu l'éclairait, puis le crayon blanc vient encore réhausser des détails.
Les arbres au tronc nu et l’étendue gelée des lacs où s’agite une foule menue