"Imaginons. D'abord, les fortes odeurs mêlées de paille et de bière, la stridence des cornemuses, le brouhaha des convives. La noce bat son plein dans la grange. C'est tout au fond de la Campine flamande, un jour d'été, après les moissons. [...]
Et puis ceci. Nous sommes le 5 juin 1568, sur la Grand-Place de Brussel. L'échafaud est dressé, entouré de soldats en armes contenant la foule. Les comtes d'Egmont et de Hornes ont été condamnés à mort par le Conseil des troubles [...]
Et ceci enfin. Dans son atelier, un homme d'une quarantaine d'années, d'allure solide, un peu paysanne, est debout face à son chevalet. Il a pris du recul pour observer le tableau auquel il travaille."
Voilà campé le décor et le contexte dans lesquels se déroule ce nouvel ouvrage de cette collection qui nous plonge dans l'histoire d'un chef d'oeuvre où celle d'un chef d'oeuvre dans
L Histoire.
Quel est le point commun entre Hans Franckaet marchand à Anvers, Abraham Ortelius geographe à Anvers, Maarten de Vos peintre à Anvers, Giulio Clovio miniaturiste à Rome, Mayeken Coecke van Aelt sa veuve à Brussel, Mayken Verhulst miniaturiste à Brussel, Nicolaes Jonghelinck banquier à Anvers, Antoine Perrenot de Granvelle Cardinal à Naples,
Karel van Mander peintre et biographe à Amsterdam et enfin
Pieter Bruegel le Jeune peintre à Anvers son fils :
Vous l'aurez compris il s'agit de Pieter Brueghel l'Ancien
On le connaît pour "La Tour de Babel" ou plutot les 2, "le cycle des Mois" qui raconte la marche du monde selon les lois de la Nature dont le plus connus est certainement "Chasseurs dans la neige" ou encore dans un autres registre "Le Dénombrement de Bethléem".
Mais le connaît-on vraiment tant c'est un artiste qui nous semble insaisissable : la biographie de Pieter Brueghel l'Ancien, fondateur de la dynastie, reste entourée de mystère.
De son lieu de naissance (Dans ses Vies des plus excellents peintres, sculpteurs et architectes le peintre et biographe
Giorgio Vasari nomme le peintre "Pierre Brueghel de Bréda", puis "Pierre Brueghel d'Anvers, maître excellent") même sa date de naissance reste floue.
Le choix de l'auteur se porte ici sur "Le Repas de noces" peint en 1568 à la fin de sa vie, qui est une oeuvre caractéristique du style de Bruegel, en représentant le monde paysan dans cet instant de festivité et qui se singularise par rapport à la production de son époque.
Le monde rural n'attire pas l'attention de la bourgeoisie et de la noblesse, il est plutôt l'objet de moquerie et de sarcasmes, voir d'indifférence tout simplement.
Nul n'ignorait les allusions contemporaines qu'il avait glissées dans certains de ses tableaux religieux, et même des oeuvres plus simples qu'il avait peintes comme ce Repas de noces ou La Danse des paysans, se cachaient des messages discrets qui déplaisaient au duc d'Albe qui voyait en elles l'exaltation pernicieuse des franchises et traditions flamandes.
Afin de lever le voile sur cet artiste, l'auteur a convoqué les témoins cités ci-dessus racontant leur(s) part(s) de vie avec lui en alternant avec ces instants de vie à l'époque qui filent sous l'oeil de l'artiste.
Le mot de la fin de cette critique revient au célèbre géographe Abraham Ortelius :
"Dans toutes ses oeuvres, il y a toujours quelque chose à comprendre en plus de ce qui est peint".
Et ce livre y contribue avec brio