Au milieu des années cinquante, Londres pullulait de petits clubs où le monde entier défilait pour écouter la fine fleur des musiciens de jazz américains en tournée qui passaient par la capitale britannique et souvent prolongeaient leur séjour indéfiniment.
Ce grain qui se sert de votre peau comme d’un tamis pour atteindre plus loin les profondeurs de votre chair et se mêler à votre sang. Cette voix qui appelle l’amour et la pitié, la brutalité mais aussi la tendresse. Qui fait de vous son frère, son père et son amant. Qui ne voit pas tout ça est foutu pour l’humanité.
C’est dommage de se rendre compte quand il est trop tard de la place qu’occupent les êtres et les objets dans une vie à peine éclose et déjà si pleine.
Quand on n’a que l’expérience du baraquement, la vie de célibataire a de quoi effrayer.
La guerre et le rôle qu’y avaient joué les infirmières avaient considérablement contribué à magnifier l’image des soignantes anglaises. Les jeunes recrues affluaient du monde entier pour embrasser cette carrière tant convoitée par les femmes, si méprisée par les hommes. Les classes étaient multicolores et ça caquetait dans toutes les langues.
On n’arrive pas là par hasard. C’est un chemin de désenchantement et d’incompréhension, un chemin où l’amour se désapprend, un chemin qui mène au massacre. On ne se retrouve pas par hasard sur la route de celui qui pourvoira, se servant toujours en retour, se servant de petits bouts de votre vie additionnés les uns aux autres jusqu’à ce qu’il n’en reste plus un.
Un soir, lassée par ces sonorités exaspérantes, je me suis retranchée dans ma chambre et j'ai repris le livre de Billie Holiday. Il m'arrivait souvent de l'ouvrir, comme un recueil de haïkus dans le quel on trouve toujours un sujet de réflexion. Il était mon livre de chevet, ma bible.
Devant le regard hypnotisé de Wilfred, la plus grande chanteuse de jazz de tous les temps, l’idée absolue que n’importe quel amateur se fait de LA chanteuse de jazz, la voix la plus douloureuse et la plus blessée du jazz, demeure intouchée, même pas écornée.
C’est étrange comme elle lie dans une fraternité morbide son mari Louis McKay et l’héroïne, sa sœur des jours mauvais. L’un inséparable de l’autre. Les jumeaux d’un carnage annoncé.
comme on inviterait un intrus à prendre place car on sait qu’il est là pour un moment et qu’on ne le délogera pas. De toute façon, rêver est inutile.