" Chasse à l'enfant ' Poème de Jacques Prévert écrit en 1938, lors de la révolte des pensionnaires du bagne pour enfants à Belle-Ile-en-Mer
Bandit ! Voyou ! Voleur ! Chenapan !
Au-dessus de l'île on voit des oiseaux
Tout autour de l'île il y a de l'eau
Bandit ! Voyou ! Voleur ! Chenapan !
Qu'est-ce que c'est que ces hurlements ?
Bandit ! Voyou ! Voyou ! Chenapan !
C'est la meute des honnêtes gens
Qui fait la chasse à l'enfant
Il avait dit "J'en ai assez de la maison de redressement"
Et les gardiens, à coup de clefs, lui avaient brisé les dents
Et puis, ils l'avaient laissé étendu sur le ciment
Bandit ! Voyou ! Voleur ! Chenapan !
Maintenant, il s'est sauvé
Et comme une bête traquée
Il galope dans la nuit
Et tous galopent après lui
Les gendarmes, les touristes, les rentiers, les artistes
Bandit ! Voyou ! Voleur ! Chenapan !
C'est la meute des honnêtes gens
Qui fait la chasse à l'enfant
Pour chasser l'enfant, pas besoin de permis
Tous les braves gens s'y sont mis
Qui est-ce qui nage dans la nuit ?
Quels sont ces éclairs, ces bruits ?
C'est un enfant qui s'enfuit
On tire sur lui à coups de fusil
Bandit ! Voyou ! Voleur ! Chenapan !
Tous ces messieurs sur le rivage
Sont bredouilles et verts de rage
Bandit ! Voyou ! Voleur ! Chenapan !
Rejoindras-tu le continent ? Rejoindras-tu le continent !
Au-dessus de l'île On voit des oiseaux
Tout autour de l'île il y a de l'eau
Ici, les traits paraissaient burinés par la misère et le vice. Même ceux qui n'avaient pas le crâne tondu n'offraient guère un meilleur aspect.
Puis, comptant les étoiles comme autant de raisons d'espérer, comme autant de morceaux de pain blanc à manger, il promènerait ses yeux ravis sur l'infini du ciel, sans crainte qu'ils ne se heurtent à de hauts murs gris.
Des immenses tablées disposées en fer à cheval s'élevait à présent un brouhaha confus où dominait le cliquetis des couverts. Parfois, un rire fusait. Automatiquement, 1'une des blouses noires se dressait. La surveillante prenait un air soupçonneux et tragique, à croire qu'un crime était dans 1'air. Le responsable, baissant immédiatement la tête, enterrait sa gaieté sons une pelletêe de pois cassés.
Dieu de Dieu ! De quoi étaient-ils coupables ces gosses pour que l'on pût impunément les torturer de la sorte ?
Qu'attendaient-ils, les pères de ces orphelins de guerre, pour jaillir de leurs glorieux linceuls de merde et rappliquer au secours de leurs enfants martyrisés par la Patrie reconnaissante ?
Pour ce jour tant désiré, pour ce jour où, enfin, il ne serait plus un numéro matricule, mais un être libre, il se promettait une chose: d'aller revoir la petite ferme de son enfance, surplombant la mer. Et une fois sur place, il irait dans le crépuscule silencieux s'étendre sur l'immense plage déserte.... Cette plage de sable fin apporté par l'Océan qui se fout de la méchanceté des hommes. Il creuserait ce sable de ses reins, laisserait le clapotis des vagues caresser ses pieds endurcis pas les nuits de pelote. Puis comptant les étoiles comme autant de raisons d'espérer, comme autant de morceaux de pain blanc à manger, à son tour il promènerait ses yeux ravis sur l'infini du ciel, sans crainte qu'ils ne se heurtent à de hauts murs gris.
Voyons, est-ce naturel de fournir la somme de travail que nous fournissons avec des corps sous-alimentés ?
- On peut pas dire qu'y nous chatouillent avec des plumeaux, répondit-il enfin.
Quand les gaffes se mettent à trois, quatre sur un gniard et qu'ils le roulent à coups de godasses, si t'appelles pas ça être battu, alors y n'nous battent pas !