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EAN : 9782268029368
248 pages
Les Editions du Rocher (18/11/1998)
4.12/5   45 notes
Résumé :
Un silence pesant écrasait le réfectoire. Seules le troublaient, par instants, les louches heurtant les grosses assiettes de faïence ébréchées par l'usage. Les serveuses en tablier gris distribuaient une égale mesure de pois cassés à tous les pupilles. Ceux-ci, le buste droit, les avant-bras croisés dans le dos, attendaient, l'oeil rivé sur le crâne rasé de leur vis-à-vis, que Mme Lerbier, la directrice, leur permit d'avaler leur pitance. Les plus affamés guettaient... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (11) Voir plus Ajouter une critique
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Dommage qu'Auguste le Breton ait un peu trop forcé le trait sur le phrasé argotique même quand cela n'avait pas lieu d'être et se soit laissé aller à une écriture passablement facile. Car, s'il est vrai que le sujet se suffisait à lui-même, en soignant un peu mieux son style, il tenait là un véritable chef-d'oeuvre.
Servez un grand cru classé dans un gobelet, il n'en sera pas dénaturé. Mais servez-le dans un verre à pied, ses arômes seront sublimés. C'est subjectif, certes, mais c'est comme ça.

Lorsqu'une histoire est contée oralement, les émotions, l'intensité de la narration, sont reçues sans filtre à travers le ton de la voix, le regard, les expressions du visage, la gestuelle... mais toutes ces sensations ne passent plus lorsqu'on écrit comme on parle.

Cela étant, c'est le seul reproche que je pourrais faire à ce livre heureusement sauvegardé par ses nombreux dialogues où, dans ce cas, l'emploi du langage parlé et argotique s'imposait.
L'histoire en elle-même est prenante, forte et touchante et vaut vraiment d'être lue.
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Nous sommes en France, durant les premières années de l'entre-deux guerres. Yves Tréguier a 14 ans, il est pupille de Guerre depuis 6 ans. Son père est mort au combat quelque part sur le Front. Orphelin à 8 ans, il a été confié aux Services de l'Etat. La Patrie reconnaissante s'est occupé de lui, ou aurait du le faire dans la pleine reconnaissance des droits de l'enfant. Or il n'en est rien, lui et les autres dans le même cas ne sont désormais que gènes économiques. Ils doivent disparaître du paysage social. du passé faire table rase. Il suffira de les oublier...

Forcé de quitter la protection relative d'un l'Orphelinat de Guerre à la suite d'une tentative d'évasion ratée, Yves est enfermé dans une Maison d'Education Surveillée (prémisse de celle de Correction). Il s'y mêlera aux orphelins "classiques et réputés difficiles", à ces Pupilles de la Nation tout aussi oubliés, meurtris et malheureux que lui... S'en suivra le trajet d'un enfer légal sur Terre, au regard de considérations économiques privilégiées, de lâchetés humaines participant à l'innommable et d'une volonté d'état fermant les yeux sur ses propres manquements. Yves échouera dans le Milieu et se fera écrivain. C'est, semble t'il, le sujet de "La loi des rues" à suivre. Il nourrira ses écrits de ses expériences de vie, retrouvera sa respectabilité et réglera ses comptes avec certaines institutions...

Le temps décrit dans "Les Hauts Murs" est celui des blouses grises, sales et déchirées; des crânes rasés (et écorchés) ainsi protégés des parasites; des châtiments corporels d'une virulence inouïe s'abattant aux moindres prétextes; des sabots frappant une cadence militaire au sortir des repas; des nuits de punition (on ne dénonce pas les copains) durant lesquels les orphelins tournent inlassablement en rond dans la cour de l'établissement; des réfectoires sales et puants où la nourriture n'est que l'ombre d'elle-même; des matons aux gestes gratuits, lestes et sans pitié; d'un directeur éternellement endimanché et plus soucieux de soirées huppées au bras de sa belle épouse que du bien-être et de l'avenir de ses protégés; des amitiés indéfectibles qui se nouent entre certains enfants face à l'adversité; de celles très particulières qui usent souvent du viol.

Bienvenue en pays de la force brutale omniprésente. Elle règne comme seule évidence sociale. Elle est offerte à l'enfance en rançon de la mort glorieuse du Poilu. Tout cela ne sera pas sans conséquence sur les ages adultes de ceux qui pâtirent des faux-semblants administratifs.

Le récit, empruntant à des faits réels, est largement autobiographique; même s'il n'use pas du "Je" narrateur. Sous nos yeux se déroulent des premiers pas de vies, ceux si décisifs, qui auraient pu être autres si la malchance n'était pas venue.

"Les Hauts Murs" se veut l'écho dissimulé, car peu reluisant, d'une parenthèse de l'Histoire. Les orphelins de guerre, paix revenue, devinrent dégâts collatéraux embarrassants. Ils rappelaient des heures sombres qui devaient s'effacer face au positivisme national à afficher. La reconstruction économique primait. Elle ne pouvait se laisser entraver par des "détails humains mineurs". Il suffit alors d'orphelinats prisons sous couvert de bienfaisance pour camoufler ceux qui devinrent des laissés pour compte. Nos petits héros, ombres grises sur un tableau voulu optimiste et reconquérant, se devaient d'être cachés, oubliés de la mémoire collective. Place à un autre monde qui effaçait le passé. Le Breton se voulut, via l'évocation de son passé, la résurgence de faits têtus, un rappel aux bons souvenirs d'une société oublieuse de ses devoirs.

Paru en 1967, "Les Hauts murs" font remonter une des réalités sombres et peu reluisantes de l'entre deux guerres. Il nous parle sans détour d'une conséquence directe du conflit frappant les plus démunis. C'est un témoignage fort, têtu et dénonciateur. Il cible une démission collective d'état: sociale, politique, économique et religieuse. Elle bottait en touche un problème qui revint par la bande: Le Breton, par exemple, trouve dans le Milieu au sortir du système éducatif qui lui fut appliqué une nouvelle famille que ne lui offrit pas le système des orphelinats.

La forme est simple, alternant les dialogues en argot et l'académisme (un peu forcé) de descriptions efficaces et d'explorations intimes des êtres. le fond est prégnant, dénonciateur et militant. Le Breton a des choses à dire et les assène non seulement pour révéler aux yeux du monde mais aussi en guise d' exorcisme personnel.

A noter qu'en 2008, un long métrage signé Christian Faure adaptera le récit. Carole Bouquet y jouera le rôle d'une mère qui reviendra sur le destin qu'elle a offert à son fils. Prenant.

Lien : https://laconvergenceparalle..
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Tréguier s'inquiéta.
- Ils vous battent ici ?
Blondeau se demandait si le nouveau se foutait de lui.
- Quand les "gaffes" se mettent à trois, quatre sur un gniard et qu'ils le roulent à coups de godasses, si t'appelle pas çà être battu, alors, y nous battent pas. J' sais pas comment ils te traitaient dans ton orphelinat, mais ici, tu vas en baver. Serre les dents et évite les emmerdements. Y vont t' faire chier. C'est le poing qui fait la loi ici...Rien d'autre.
Tréguier frissonna. Son angoisse le reprenait.

Tirés de faits réels, Les hauts murs de Auguste le Breton fait référence aux bagnes pour enfants. Pour de simples fortaits, des enfants se retrouvaient placés en orphelinat, sous l'oeil acide de gardiens, gourdin en main, prêts à sanctionner au moindre écart. Après une tentative d'évasion, Yves Tréguier se voit transféré dans la colonie pénitenciaire de Belle-île-en-Mer dans le Morbihan. Dès son arrivée, il va vite comprendre que l'orphelinat était le paradis en comparaison de ce qui l'attend dans cet enfer, sous l'emprise de tortionnaires. Il y fait la connaissance de Blondeau et de son rival, Molino, connu pour ses abus sur les plus jeunes. le Rat et le Rouquin font également partie des groupes, ainsi que le jeune " Fil-de-fer " que le désespoir pousse à la pendaison. Dans ce lieu de vie, la terreur est omnis présente. Celle des gardiens, mais également des pensionnaires entre eux, animés par une haine farouche à force de mauvais traitements.
Yves Tréguier devra serrer les dents, jusqu'à sa majorité. Durant six années, il encaissera dans cette existence d'emmuré. Il laissera déferler des vagues d'insultes, de coups, Il courbera l'échine mais il aura le dernier mot pour gagner sa liberté.

Un roman dur, poignant, dans lequel les émotions du jeune Yves Tréguier se ressentent parfaitement. Les lieux de vie donnent froid dans le dos. le réfectoire, mais surtout le dortoir glacial, dans lequel les pensionnaires dorment sur des planches, en guise de matelas. Sans oublier le surveillant alcoolique, incapable d'effectuer correctement son travail et de protéger les plus jeunes de Molino, le cauchemar de leur nuit.
Dans ce récit, la révolte gronde en nous à chaque sanction et l'on mesure l'immensité de l'horreur vécue dans cette colonie pénitenciaire ou plus précisement, un bagne pour enfants.

En Août 1938, une mutinerie éclate sur l'île. Parceque l'un des enfants, avant de manger sa soupe dans le silence absolu, a ce jour-la osé mordre dans un morceau de fromage, les surveillants l'ont alors rossé de coups. A la suite de ces mauvais traitements administrés à leur camarade, une émeute éclate au sein de l'institution de Belle-ile-en-Mer, provoquant l'évasion massive de 55 pupilles.

Jacques Prévert, présent sur l'île au moment des faits, écrit le célèbre poème :
" Chasse à l'enfant ", dénonçant la " battue" organisée sur l'île. Une prime de 20 francs est offerte aux touristes et habitants de Belle-île pour chaque garçon capturé. Tous furent retrouvés et battus. Certains empochèrent jusqu'à 200 francs.
D'autres prétendent que l'on entend encore parfois leurs cris et leurs pleurs sur l'île.
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August Montfort dit Le Breton né en 1913 à Lesneven en Bretagne, a été emporté par un cancer du poumon après avoir vaincu un cancer de la gorge en 1999.
Ce livre est autobiographique il est suivi de "la loi des rues" qu'il faudra que je me procure.
Car que peut-on dire sinon quel homme !
Il a inventé l'argot moderne en 1954 après avoir au café de la poste à Paris fait naître le verlan en 1942.
Puis il invente le mot "rififi" qui entrera au dictionnaire, à la suite du film vedette polar à la française de série noire "du rififi chez les hommes".
Excusez du peu !!!
Tout cela après s'être retrouvé dans un orphelinat , puis une maison "de correction" où le moins que l'on puisse dire, il en a bavé et a beaucoup souffert.
Il s'est battu, il s'est endurci à force de coups et d'humiliations, mais il est devenu un homme hors du commun.
Quel parcours atypique.
Ce livre est dur, révoltant, insupportable souvent ; mais tellement criant de vérité qu'il est une douleur lancé à la face du monde pour dénoncer des injustices commises au nom de la Nation. Tous ces enfants oubliés et martyrisés par des adultes sans coeur qui prenaient plaisir à les brimer. Terrible.
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Roman largement autobiographique, le roman les hauts murs nous dévoile toute la réalité et la dureté d'une époque, d'un système éducatif, où rigueur et discipline occultaient souvent l'injustice et le diktat de la loi du plus fort. Auguste Breton avait été adopté par les Pupilles de la Nation et expérimenta dès ses huit ans un orphelinat de guerre, il fut ensuite transféré par la suite dans un Centre d'Éducation surveillée, un monde en soi, un univers terrible où les amitiés et les rivalités sont fécondes, où la violence règne. Savoir que ce roman tient beaucoup du vécu de l'auteur le rend particulièrement fort. On pressent que dans le personnage de Tréguier, c'est l'être profond de l'auteur qui parle et qui, sans fausse pudeur, livre un témoignage unique sur une époque, où l'apprentissage de la vie, pour les déshérités, les mal-lotis, n'était pas une sinécure. Les hauts-murs est un livre dur, âpre et riche à la fois, où l'argot foisonne et nous projette dans un passé touchant, par sa rudesse et sa vérité.
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Citations et extraits (8) Voir plus Ajouter une citation
" Chasse à l'enfant ' Poème de Jacques Prévert écrit en 1938, lors de la révolte des pensionnaires du bagne pour enfants à Belle-Ile-en-Mer

Bandit ! Voyou ! Voleur ! Chenapan !

Au-dessus de l'île on voit des oiseaux
Tout autour de l'île il y a de l'eau

Bandit ! Voyou ! Voleur ! Chenapan !

Qu'est-ce que c'est que ces hurlements ?

Bandit ! Voyou ! Voyou ! Chenapan !

C'est la meute des honnêtes gens
Qui fait la chasse à l'enfant

Il avait dit "J'en ai assez de la maison de redressement"
Et les gardiens, à coup de clefs, lui avaient brisé les dents
Et puis, ils l'avaient laissé étendu sur le ciment

Bandit ! Voyou ! Voleur ! Chenapan !

Maintenant, il s'est sauvé
Et comme une bête traquée
Il galope dans la nuit
Et tous galopent après lui
Les gendarmes, les touristes, les rentiers, les artistes

Bandit ! Voyou ! Voleur ! Chenapan !

C'est la meute des honnêtes gens
Qui fait la chasse à l'enfant
Pour chasser l'enfant, pas besoin de permis
Tous les braves gens s'y sont mis
Qui est-ce qui nage dans la nuit ?
Quels sont ces éclairs, ces bruits ?
C'est un enfant qui s'enfuit
On tire sur lui à coups de fusil

Bandit ! Voyou ! Voleur ! Chenapan !

Tous ces messieurs sur le rivage
Sont bredouilles et verts de rage

Bandit ! Voyou ! Voleur ! Chenapan !

Rejoindras-tu le continent ? Rejoindras-tu le continent !

Au-dessus de l'île On voit des oiseaux
Tout autour de l'île il y a de l'eau
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Des immenses tablées disposées en fer à cheval s'élevait à présent un brouhaha confus où dominait le cliquetis des couverts. Parfois, un rire fusait. Automatiquement, 1'une des blouses noires se dressait. La surveillante prenait un air soupçonneux et tragique, à croire qu'un crime était dans 1'air. Le responsable, baissant immédiatement la tête, enterrait sa gaieté sons une pelletêe de pois cassés.
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Pour ce jour tant désiré, pour ce jour où, enfin, il ne serait plus un numéro matricule, mais un être libre, il se promettait une chose: d'aller revoir la petite ferme de son enfance, surplombant la mer. Et une fois sur place, il irait dans le crépuscule silencieux s'étendre sur l'immense plage déserte.... Cette plage de sable fin apporté par l'Océan qui se fout de la méchanceté des hommes. Il creuserait ce sable de ses reins, laisserait le clapotis des vagues caresser ses pieds endurcis pas les nuits de pelote. Puis comptant les étoiles comme autant de raisons d'espérer, comme autant de morceaux de pain blanc à manger, à son tour il promènerait ses yeux ravis sur l'infini du ciel, sans crainte qu'ils ne se heurtent à de hauts murs gris.
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Puis, comptant les étoiles comme autant de raisons d'espérer, comme autant de morceaux de pain blanc à manger, il promènerait ses yeux ravis sur l'infini du ciel, sans crainte qu'ils ne se heurtent à de hauts murs gris.
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Ici, les traits paraissaient burinés par la misère et le vice. Même ceux qui n'avaient pas le crâne tondu n'offraient guère un meilleur aspect.
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