AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de GeorgesSmiley


Qu'y a-t-il à voir dans le Miroir aux Espions ? Vingt ans après…les héros de John le Carré, au tournant des « sixties », ne sont pas aussi fringants que ceux d'Alexandre Dumas. Ont-ils d'ailleurs vraiment été héroïques ? Certains oui, d'autres moins. Et, c'est la triste vérité, les morts sont plus nombreux dans la première catégorie. Alors ceux qui restent se congratulent en se rappelant qu'ils ont gagné la guerre en formant et envoyant des agents sur le continent occupé. Lorsque la rédaction et l'envoi de leurs notes de frais leur en laissent le loisir, ils expédient des affaires qui, pour être courantes et peu exaltantes, n'en sont pas moins suffisantes pour leur permettre de s'imaginer toujours comme les fers de lance de la lutte contre l'ennemi à présent soviétique. S'ils jetaient un oeil au Miroir, ils pourraient y voir les « has been » qu'ils sont devenus.
Avec le Carré, on est plus proche De Balzac que de Dumas. Sa Comédie Humaine se limite au monde des services secrets mais ce sont bien les peines, les travers et les bassesses de l'Humanité qui nous sont exposées.
Résumons l'intrigue : ce service de renseignement de l'armée, florissant pendant la guerre, végète tristement lorsque lui parvient une information indiquant que des fusées seraient en cours d'installation dans le nord de l'Allemagne de l'Est avec pour cible les îles britanniques. Un Cuba bis, en quelque sorte, avec Londres en ligne de mire plutôt que Miami. Scoop formidable ou intoxication habituelle ? Une première tentative de vérification, pur cocktail d'amateurisme et d'improvisation, ayant conduit à l'échec programmé et mérité, on décide, avec l'aval du Ministère, plutôt que de laisser l'affaire au MI6 mieux équipé et organisé, de faire cavalier seul pour récolter les hypothétiques lauriers et subsides, gages de la renaissance du Service.
On racle les fonds de tiroir, on ressort le matériel de vingt ans d'âge (ce qui est excellent pour le whisky ne l'est pas vraiment pour un poste émetteur) et on finit par trouver un volontaire assez fou pour être jeté seul dans la gueule du loup avec la grandiose mission d'aller vérifier sur place, derrière le rideau de fer. N'en disons pas plus et laissons John le Carré déployer quelques uns de ses thèmes de prédilection :
Pourquoi un homme, apparemment sain de corps et d'esprit, sans aucun besoin d'argent et n'étant aucunement susceptible de prêter le flanc à un quelconque moyen de pression ou de chantage accepte-t-il de risquer sa vie dans ce genre de mission ?
Comment de simples fonctionnaires, sans autre talent notable que leur aveuglement, peuvent-ils se persuader qu'ils sont capables de réussir, du jour au lendemain, une opération qu'ils n'ont plus tenté depuis vingt ans ?
Pourquoi les médiocres, dépourvus du moindre charisme, réussissent-ils toujours à trouver et à persuader des courageux de faire ce qu'ils trouvent beaucoup trop dangereux pour eux-mêmes ?
Comment parviennent-ils à effacer de leur mémoire les victimes de leurs bavures en quelques secondes ? Comment réussissent-ils à s'endormir paisiblement avec comme seul stimulant une infusion de camomille ?
John le Carré ne raconte pas seulement des histoires d'espionnage, de peur et de solitude. Il dépeint la nature humaine et des hommes, qui doivent affronter, comme ils peuvent, ce que les autres ne veulent ni voir ni savoir !
Si vous avez eu l'occasion, dans votre carrière professionnelle, de faire partie du clan des « opérationnels » plutôt que de celui des «administratifs ou fonctionnels, comme on dit à présent», et même si, Dieu merci, votre métier ne vous a jamais amené, comme le héros de ce roman, à ramper dans les fougères, quelque part du côté de Lübeck, au pied d'un mirador truffé de Vopos armés jusqu'aux dents, cette citation est pour vous :
« Ils s'en fichent bien, eux, et il se souvint que rien ne comblait jamais l'abîme qui séparait l'homme qui partait de celui qui restait en arrière, les vivants des mourants. »
Great…comme la langue (voir les citations) et l'oeuvre entière de ce génial écrivain !
Commenter  J’apprécie          122



Ont apprécié cette critique (9)voir plus




{* *}