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Citations sur Le miroir aux espions (16)

Une poignée de main hâtive et il s'éloigna vers la colline. Pas de belles paroles, cette fois, pas même de Leclerc. On aurait dit qu'ils lui avaient fait leurs adieux depuis longtemps. La dernière image qu'ils eurent de lui, ce fut le sac oscillant doucement tandis que Leiser disparaissait dans la nuit.
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La rangée de villas qui borde Western Avenue est comme une rangée de tombeaux roses se détachant sur un fond gris; l'image architecturale de la cinquantaine. Leur uniformité et la discipline des gens qui vieillissent, qui meurent sans violence et qui vivent sans réussir. Ce sont des maisons qui l'ont emporté sur leurs occupants, dont elles changent à leur gré sans changer elles-mêmes. Les camions de déménagement glissent respectueusement parmi elles, comme des corbillards, enlevant discrètement les morts et amenant les vivants. De temps en temps, un locataire lève la main , prodiguant les pots de peinture sur les charpentes, ou ses efforts dans le jardin, mais tout cela ne modifie pas plus la maison que des fleurs ne changent une salle d'hôpital, et le gazon pousse à sa guise comme l'herbe sur une tombe.
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Son sac était trop lourd. Trop lourd. Comme la valise. Il en avait âprement discuté avec Jack. "Il vaut mieux ne pas prendre de risque, Fred, avait expliqué Jack. Ces petits émetteurs sont délicats comme des pucelles; ils sont parfaits dans un rayon de quatre-vingt kilomètres et muets comme des carpes à cent kilomètres. Mieux vaut avoir une marge de sécurité, Fred, comme ça, on sait où on en est."
Il avait peur. Tout d'un coup, il ne pouvait plus penser à autre chose. Peut-être qu'il était trop vieux, peut-être qu'il en avait fait assez. Peut-être que l'entrainement l'avait fatigué. Il sentait son coeur battre dans sa poitrine. Son corps ne tenait plus le coup; il n'avait plus la force.
"C'est mon coeur, leur dirait-il. J'ai eu une crise cardiaque, patron, je ne vous ai jamais dit que j'ai le coeur fatigué ? Ca m'a pris pendant que j'étais couché là dans les fougères."
Il se leva, histoire de tenter le diable.
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Ils ne parlaient jamais de Sarah. On aurait dit que tous deux avaient la même attitude vis-à-vis de la femme d'Avery, comme des enfants qui veulent partager un jouet qui a cessé de les intéresser.
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La neige recouvrait le terrain d'atterrissage.
Elle était venue du nord avec la brume, poussée par le vent de la nuit, et elle sentait la mer. Elle resterait là tout l'hiver, en couche mince sur la terre grise, comme une poussière brillante et glacée ; sans fondre ni geler, mais immuable comme une année sans saison. La brume capricieuse (...) planerait au-dessus, avalant tantôt un hangar, tantôt la baraque du radar, (...), puis elle les libèrerait l'un après l'autre, délavés, comme autant de charognes noires au milieu d'un désert blanc.
C'était un paysage sans profondeur, sans recoin et sans ombre. La terre ne faisait qu'un avec le ciel ; les silhouettes des personnages étaient figées dans le froid comme des corps dans la glace.
Au-delà du terrain, il n'y avait rien ; pas de maison, pas de colline, pas de route ; pas même une barrière, ni un arbre ; rien que le ciel pesant sur les dunes, et la brume qui déferlait par vagues sur la côte boueuse de la Baltique.
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Il y eut un courant d'air puis le bruit de quelqu'un qui montait prudemment l'escalier. La silhouette d'un homme apparut sur le seuil du grenier. C'était Smiley.
"_ Qu'est-ce que vous venez faire ici ? dit enfin Leclerc. Qu'est-ce que vous me voulez ?
_ Je suis navré. On m'a envoyé.
_ C'est mon opération Smiley. Nous n'avons pas de place pour vous autres ici."
Le visage de Smiley n'exprimait rien que la compassion; sa voix, que cette terrible patience avec laquelle on s'adresse aux déments.
"Un avion militaire attend à Hambourg. Vous décollez dans deux heures; vous tous. Un camion viendra chercher le matériel. Vous ne devez rien laisser derrière vous, même pas une épingle. Telles sont mes consignes."
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Descendez la colline en courant, avaient-ils dit; avec ce vent, ils n'entendront rien. Courez vite parmi les fougères agitées par le vent, restez penché et vous vous en tirerez.
Il courait comme un fou. Il trébucha et le poids du sac le fit tomber, il sentit son genou lui heurter le menton, il sentit aussi la douleur lorsqu'il se mordit la langue, puis il se releva et la valise le fit chanceler. Il tomba à moitié sur le sentier et attendit la flamme d'une mine explosant. Il dévalait la pente, le sol se dérobait sous ses pas, la valise bringuebalait comme un vieux tacot. La douleur le saisit à la poitrine comme du feu, s'étendant sous les côtes, lui brûlant les poumons; il comptait chaque pas, il sentait la secousse de chaque enjambée ralentie toujours par le fardeau du sac et de la valise. Avery avait menti. Il avait menti sur toute la ligne.
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Il prit le couteau et fixa la gaine noire à la ceinture de son pantalon.
_ "Et mon pistolet ?
_ Vous n'en emportez pas, dit Avery.
_ Pas de pistolet ?
_ Ce n'est pas possible, Fred. Ils pensent que c'est trop dangereux.
_ Pour qui ?
_ Cela pourrait provoquer une situation dangereuse. Je veux dire sur le plan politique. Envoyer un homme armé en Allemagne de l'Est. Ils craignent un incident.
_ Ils craignent..."
Il dévisagea longuement Avery, ses yeux cherchant sur le visage jeune et lisse quelque chose qui n'y était pas. Il se tourna vers Haldane.
"_ C'est vrai ?"
Haldane acquiesça.
Il étendit soudain ses mains vides devant lui, en un geste terrible de pauvreté, les doigts recroquevillés et serrés les uns contre les autres comme pour recueillir la dernière goutte d'eau, ses épaules tremblant sous la veste de mauvais tissu, le visage crispé dans une expression à la fois suppliante et affolée.
"Mais John, le pistolet ! On ne peut pas envoyer un homme sans pistolet ! Je vous en prie, laissez-moi l'emporter !
_ Je regrette, Fred."
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Ils s'en fichent bien, eux, et il se souvint que rien ne comblait jamais l'abîme qui séparait l'homme qui partait de celui qui restait en arrière, les vivants des mourants.
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La partie la plus septentrionale de la frontière qui divise les deux moitiés de l'Allemagne est essentiellement une région d'une déprimante banalité. Ceux qui s'attendent à trouver des dents de dragon et des fortifications importantes seront déçus. La frontière traverse des paysages très variés : des ravins et de petites collines envahies de fougère et de bois poussant au hasard. Souvent les défenses du côté oriental sont installées si en arrière de la ligne de démarcation qu'on ne les distingue pas de l'ouest : seuls une casemate avancée, des routes défoncées, une ferme évacuée, ou de loin en loin un mirador excitent l'imagination.
C'est seulement la nuit, quand le faisceau d'un projecteur jaillit de l'obscurité pour promener son doigt hésitant sur la terre glacée qu'on songe, le coeur serré, au captif tapi comme un lièvre au creux d'un sillon et qui attend de surgir de sa cachette pour courir, terrifié, jusqu'à ce qu'il tombe.
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