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Critique de kielosa


+++++++ AGENT COURANT À TRAVERS CHAMP +++++++

Le grand maître a probablement voulu se faire un petit cadeau en publiant son 25e roman 2 jours avant son 88e anniversaire, le 19 octobre dernier.

Je dois admettre que j'ai la même fascination pour ce bonhomme que le légendaire Bernard Pivot qui l'avait invité à une de ses émissions "Apostrophes". Émission pour laquelle l'auteur avait demandé un petit délai, question de se rafraîchir son Français ! Voire mon billet du livre de Pivot "La mémoire n'en fait qu'à sa tête" (du 13-4-2017) et des mémoires de John le Carré "Le tunnel aux pigeons" (du 18-4-2017).

Je ne vais donc pas résumer un curriculum, qui je crois est de toute façon généralement fort connu et passer tout de suite à l'action.

Tout au début du récit le personnage principal se présente : Nat, 47 ans, marié à "Prue" (de Prudence) et champion local de badminton. En fait, la réalité est un brin plus compliqué. Il est né à Paris, où son père travaillait pour l'OTAN à Fontainebleau, comme Anatoly, plus tard anglicisé en Nathaniel. Sa mère, une Biélorusse de petite nobilité y fréquentait le cercle des Russes blancs exilés jusqu'à son affaire avec un riche Belge, trafiquant d'armes. Môme, il avait une gouvernante russe, Galina qui lui a apprenait les langues en lui racontant pendant quelques soirs le même conte de fées mais chaque fois dans une langue différente. À la mort de son père d'un cancer, lorsqu'il avait 12 ans, il fut expédié par sa mère en Écosse, où il fit des études de philologie slave. Depuis un quart de siècle maintenant, Nat a travaillé pour le "Secret Intelligence Service", SIS, surnommé par ses employés le Bureau ("The Office").

Pendant toutes ces années, il a été l'agent du Bureau à Moscou, Prague, Bucarest, Budapest, Tbilissi, Trieste, Helsinki et Tallinn à recruter et diriger des agents secrets de tout acabit sous couverture diplomatique ou consulaire. Et maintenant que sera sa vie ? Qui voudra d'un diplomate demeuré dans les grades subalternes ?

Un job lui est finalement offert comme responsable d'un sous-service de l'agence de Londres du Bureau, où l'on case les agents avec qui l'on ne sait pas très bien quoi faire et qu'en haut lieu l'on souhaite "dynamiser". "Haven" - refuge ou sanctuaire - comme cette unité, non sans ironie, s'appelle, permet à Nat de vivre avec sa femme Prue et sa fille de 19 ans, Stephanie, (Steff pour les amis), à Londres, tout en recevant un salaire et, sans enthousiasme, notre homme accepte le poste.

Dans ce dépôt des cas paumés, la jeune, brillante et dynamique Florence tranche avec ses collègues et elle a le dénommé Orson dans le collimateur. Ce soi-disant oligarque ukrainien, qui s'est acheté dans les quartiers chics de Londres un duplex de 75 millions de livres sterling (88 millions d'euros ), a ses entrées au Kremlin et fait partie du gang ukrainien à Kiev favorable à Poutine. Apparemment cette riche demeure dans l'exclusive Park Lane constitue la plaque tournante d'éléments non désirables appartenant au FSB - le successeur du KGB - ou à des groupes de businessmen mafieux, qui bénéficient de la confiance de l'entourage immédiat du Président russe. Quoi qu'il en soit, ce serait intéressant de savoir ce qui s'y trame au juste et l'opération Rosebud (bouton de rose), soit l'installation d'un système ultrasophistiqué électronique de surveillance, est décidée.

Peu d'écrivains savent aussi bien ce que ce genre d'opération de grande envergure et délicate dans une démocratie implique que John le Carré. La préparation de Rosebud se lit presque comme un article du journal le Monde mais en plus littéraire et avec beaucoup plus d'ironie britannique, bien entendu.

Puis, il y a l'apparition d'un jeune homme étrange, Ed Shannon, à peu près 25 ans et mesurant presque 2 mètres, qui défie Nat de jouer un match de badminton. Comme Ed est un excellent joueur, plusieurs matches ont lieu, suivis de discussions à bâtons rompus à la cafétéria, où le jeune homme vilipende les folies de Trump et du Brexit. Nat est impressionné par ses connaissances, mais se montre réservé. Ed, qui a une soeur handicapée mentale et physique, Laura, pour lui faire plaisir, demande à Nat de faire une partie de badminton à 4. Nat se déclare d'accord et mobilise Florence.

C'est le lendemain de ce 2 x 2 que la bombe éclate : Opération Rosebud a été annulé en haut lieu, pour des raisons de "risques" disproportionnés et Nat apprend que Florence à été renvoyée du service. Les chefs estiment qu'elle est trop émotionnelle pour ce travail.

L'histoire ne s'arrête pas là bien sûr, car à Moscou on n'a pas du tout abandonné les intrigues contre l'Occident et nos héros, Florence, Ed, Prue et Nat ne sont pas au bout de leurs aventures.

Ce roman est une histoire à suspense digne du grand spécialiste qu'est John le Carré depuis 1964 et son inoubliable "L'espion qui venait du froid" . le maître incontesté des intrigues, du double jeu et des fluctuations de loyauté.

Le contexte est très contemporain, puisqu'a un moment donné, un haut placé du Bureau, regrette que les alliés et voisins ne prennent plus l'Angleterre au sérieux, qui est gouverné par une poignée de nostalgiques de feu l'empire, mais incapables de même gérer une simple stalle de fruit. Mais que voulez-vous "nous sommes spéciaux. Nous sommes British. Nous n'avons pas besoin de l'Europe...Nous sommes des supermen".
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