Quand le disque du soleil jaillissait, un éclair aveuglant entrait dans ses yeux et emplissait tout son corps, c'était magique, douloureux. Alors la mer devenait transparente, couleur de topaze, un champ d'étincelles... et les grandes voiles semblaient se gonfler de cette lumière qui les poussait vers l'autre extrémité du monde.
Nassima était partie pour ne pas tomber. Si elle n’avait pas été celle qu’elle était, la fille d’une femme si dure qu’elle avait tué son chien quand elle avait décidé qu’elle ne pourrait plus s’en occuper, une femme au visage fermé pour toujours, obstinée dans sa solitude, si elle n’avait reçu cette leçon de souffrance de sa mère, Nassima aurait été perdue. Elle aurait été juste une forme humaine qui s’envole et d’écrase sur le pavé mouillé d’un hôtel à Medellin.
au point du jour, en prenant son quart, juan moguer eut son regard attiré par ce qu'il crut d'abord être un tas de chiffons posé sur le pont, à bâbord, contre le rebord du rouf.
la mer était calme, une vague lueur éclairait un nuage à l'est. la côte était déjà loin, seules les hautes montagnes enneigées étincelaient au soleil.
moguer ouvrit la porte du cockpit et pointa sa torche sur l'objet insolite. dans la pénombre, le tas de chiffons se défit un peu dans le vent et deux grands yeux noirs brillèrent dans un petit visage sombre qui paraissait celui d'un enfant.
Il se sentait à la fois très vieux et merveilleusement jeune.
Cet homme était incapable d'avoir une fille. Ou bien est-ce que tous les pères doivent être comme cela, d'abord amoureux de leurs filles ?