AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Citations sur Peuple du ciel - Les Bergers (11)

La route droite et longue traversait le pays des dunes. Il n'y avait rien d'autre ici que le sable, les arbustes épineux, les herbes sèches qui craquent sous les pieds et, par-dessus tout cela, le grand ciel noir de la nuit. dans le vent, on entendait distinctement tous les bruits, les bruits mystérieux de la nuit qui effraient un peu. Des sortes de petits craquements, que font les pierres qui se resserrent, les crissements du sable sous les semelles des chaussures, les brindilles qui se cassent. La terre paraissait immense à cause de ces bruits, à cause du ciel noir aussi et des étoiles qui brillaient d'un éclat fixe. Le temps paraissait immense, très lent, avec par instants de drôles d'accélérations incompréhensibles, des vertiges, comme si on traversait le courant d'un fleuve. On marchait dans l'espace, comme suspendu dans le vide parmi les amas d'étoiles.
(Les bergers)
Commenter  J’apprécie          110
Petite Croix aimait surtout faire ceci : elle allait tout à fait au bout du village et elle s'asseyait en faisant un angle bien droit avec la terre durcie, quand le soleil chauffait beaucoup. Elle ne bougeait pas, ou presque, pendant des heures, le buste droit, les jambes bien étendues devant elle. Quelquefois ses mains bougeaient, comme si elles étaient indépendantes, en tirant sur les fibres d'herbe pour tresser des paniers ou des cordes. Elle était comme si elle regardait la terre au-dessous d'elle, sans penser à rien et sans attendre, simplement assise en angle droit sur la terre durcie, tout à fait au bout du village, là où la montagne cessait d'un seul coup et laissait la place au ciel.
(Peuple du ciel)
Commenter  J’apprécie          110
Avant la nuit, les enfants construisirent une maison. Abel était l'architecte. Il avait coupé de longs roseaux et des branches. Avec l'aide des autres garçons, il avait formé la carcasse en ployant les roseaux en arc et en les liant au sommet avec des herbes. Puis il avait bouché les interstices avec de petites branches. Pendant ce temps, la petite Khaf et Augustin, l'un des jeunes garçons, accroupis au bord du lac, fabriquaient de la boue.
Quand la pâte fut prête, ils l'étalèrent sur les murs de la maison en tapotant avec les paumes de la main. Le travail avançait vite, et au coucher du soleil, la maison était finie. C'était une sorte d'igloo en terre, avec un côté ouvert pour entrer. Abel et Gaspar ne pouvaient y entrer qu'à quatre pattes, mais la petite Khaf pouvait s'y tenir droite. La maison était sur le bord du lac, au centre d'une plage de sable. Autour de la maison, les hautes herbes formaient une muraille verte. De l'autre côté du lac vivaient les hauts palmiers. Ce sont eux qui fournirent les feuilles pour le toit de la maison.
(Les bergers)
Commenter  J’apprécie          60
Petite Croix écoute le bruit des pas du soldat. Il vient chaque jour à la même heure, quand le soleil brûle bien en face et que la terre dure est tiède sous les mains. Petite Croix ne l'entend pas toujours arriver, parce qu'il marche sans faire de bruit sur ses semelles de caoutchouc. Il s'assoit sur un caillou, à côté d'elle, et il la regarde un bon moment sans rien dire. Mais Petite Croix sent son regard posé sur elle, et elle demande :
"Qui est là?"
C'est un étranger, il ne parle pas bien la langue du pays, comme ceux qui viennent des grandes villes, près de la mer. Quand Petite Croix lui a demandé qui il était, il a dit qu'il était soldat, et il a parlé de la guerre qu'il y avait eu autrefois, dans un pays lointain. Mais peut-être qu'il n'est plus soldat maintenant.
Quand il arrive, il lui porte quelques fleurs sauvages qu'il a cueillies en marchant le long du sentier qui monte jusqu'en haut de la falaise. Ce sont des fleurs maigres et longues, avec des pétales écartés, et qui sentent comme les moutons. Mais Petite Croix les aime bien, et elle les serre dans ses mains.
(Peuple du ciel)
Commenter  J’apprécie          50
Il n'y a personne en haut du promontoire. Les enfants du village ne viennent plus ici, sauf de temps en temps, pour chasser les couleuvres. Un jour, ils sont venus sans que Petite Croix les entende. L'un d'eux a dit : ""On t'a apporté un cadeau." "Qu'est-ce que c'est?" a demandé Petite Croix. "Ouvre tes mains, tu vas savoir", a dit l'enfant. Petite Croix a ouvert les mains, et quand l'enfant a déposé la couleuvre dans ses mains, elle a tressailli, mais elle n'a pas crié. Elle a frissonné de la tête aux pieds. Les enfants ont ri, mais Petite Croix a laissé simplement le serpent glisser par terre, sans rien dire, puis elle a caché ses mains sous sa couverture.
(Peuple du ciel)
Commenter  J’apprécie          50
(...) Le soldat plaisante, et pourtant il sent cela, lui aussi, et le bruit des réacteurs dans la stratosphère fait battre son coeur plus vite.
Il voit le vol du Stratofortress au-dessus de la mer, vers la Corée, pendant des heures longues ; les vagues sur la mer ressemblent à des rides, le ciel est lisse et pur, bleu sombre au zénith, bleu turquoise à l'horizon, comme si le crépuscule n'en finissait jamais. Dans les soutes de l'avion géant, les bombes sont rangées les unes à côté des autres, la mort en tonnes.
Puis l'avion s'éloigne vers son désert, lentement, et le vent balaie peu à peu le sillage blanc de la condensation. Le silence qui suit est lourd, presque douloureux, et le soldat doit faire un effort pour se lever de la pierre sur laquelle il est assis. Il reste un instant debout, il regarde la petite fille assise en équerre sur la terre durcie.
"Je m'en vais", dit-il.
"Revenez demain", dit Petite Croix.
Le soldat hésite à dire qu'il ne reviendra pas demain, ni après ni aucun autre jour peut-être, parce qu'il doit s'envoler lui aussi vers la Corée. Mais il n'ose rien dire, il répète seulement encore une fois, et sa voix est maladroite :
"Je m'en vais."
(Peuple du ciel)
Commenter  J’apprécie          40
Les nuages sont tellement loin, ils viennent de si loin, froids comme le vent, légers comme la neige, et fragiles : ils ne font pas de bruit quand ils arrivent, ils sont tout à fait silencieux comme les morts, plus silencieux que les enfants qui marchent pieds nus dans les rochers, autour du village.
Commenter  J’apprécie          40
Devant les garçons, la tête un peu inclinée, la petite Khaf faisait bouger ses hanches en cadence, le buste bien droit, les mains écartées le long de son corps. Puis elle frappa le sol avec ses pieds nus, d'un mouvement rapide de la plante des orteils et des talons, et cela faisait un roulement qui résonnait à l'intérieur de la terre, comme des coups de tambour. Les garçons se levèrent à leur tour, et ils continuèrent à jouer de la flûte en frappant le sol de leurs pieds nus. Ils jouèrent et la petite Khaf dansa ainsi, jusqu'à ce que le soleil se couche sur la vallée.
Commenter  J’apprécie          20
L'ainé des enfants s'amusa un instant avec le reflet du soleil, puis il se regarda dans le miroir.
Seule la petite fille restait un peu à l'écart. Elle était assise sur ses talons, les genoux et le bout de ses orteils couverts par sa trop grande chemise bleue.
Le soleil brillait fort maintenant.
Commenter  J’apprécie          20
Petite Croix entend le murmure qui grandit, qui s'élargit autour d'elle [...] il jaillit en tous sens comme des gouttes, il fait des nœuds, des étoiles, des espèces de rosaces.
Commenter  J’apprécie          10






    Lecteurs (130) Voir plus



    Quiz Voir plus

    Voyage au pays des arbres

    Quel est le personnage principal ?

    Jules
    Pierre
    Mathis

    3 questions
    8 lecteurs ont répondu
    Thème : Voyage au pays des arbres de J.M.G. Le ClézioCréer un quiz sur ce livre

    {* *}