Tempête, deux novellas de JMG le Clézio. le titre, les quelques lignes de la quatrième de couverture et un soupçon de je ne sais quoi me décidèrent à commencer la lecture de ce livre. Je n'eus pas à regretter ce choix.
L'action de la première novella, intitulée "Tempête", se situe en mer du Japon, sur la petite île d'Udo. Ici, de nombreuses femmes de tous âges plongent en apnée chaque jour sous l'eau, plusieurs heures durant, souvent au risque de leur vie, pour y chercher des ormeaux, des coquillages marins. June est la fille d'une de ces femmes. Adolescente de 13 ans, solitaire et rêveuse, elle ne sait rien de celui qui fut son père. Lui est américain, homme âgé, ancien reporter de guerre, écrivain raté, il est revenu sur l'île d'Udo à la recherche de la mémoire de son amie Mary, disparue dans les eaux, il y a de nombreuses années de cela. Auprès d'elle, il tentait d'oublier le drame d'un viol collectif commis durant
la guerre, sur une jeune femme auquel il a assisté sans lui prêterle moindre secours. Il fut pour cela condamné à plusieurs années de prison ferme. Philip Kyo (c'est son nom) et June vont se rencontrer et leurs histoires se lier.
"Une femme sans identité" est le titre de la seconde novella. Ici, l'intrigue débute à Takoradi au Ghana (dans l'ouest du continent africain). Ici, vit Rachel, une jeune adolescente. Abandonnée à sa naissance par sa mère, elle est recueillie quelque temps plus tard par son père, Derek Badou. Ce dernier vit avec son épouse Chenaz et leur petite fille Abigaïl (Bibi). Ensemble, les deux filles vont devenir complices mais le couple va sombrer dans de grandes difficultés et se déchirer. La famille est contrainte à l'exil et part pour la France, Paris. Rachel, devenue adulte, va connaître dans la capitale des désillusions, le déracinement, l'abandon des siens, la solitude, va même tenter de mettre fin à ses jours. C'est dans ce moment difficile qu'elle apprend qu'une femme, une inconnue souhaite la rencontrer : sa mère
Deux novellas au ton assez sombre où se tisse le portrait séparé de deux femmes (June et Rachel) en quête de construction, de légitimité (absence du père pour l'une, de la mère pour l'autre), d'un amour absolu. Deux récits deux femmes déracinées, que leur histoire a mené loin de leurs origines, loin d'elles-mêmes, de l'essai qu'elles font l'un et l'autre pour se construire, pour retrouver, inventer un amour qu'elles ne peuvent que toucher du bout des doigts.
Deux novellas au ton assez sombre, tragique et nostalgique mais où perlent, ici et là, quelques instants de grâce (le passage où Rachel rend visite à la sage-femme, devenue une femme âgée, qui l'a mit au monde est magnifique), comme de petites lumières restées allumées la nuit, durant la tempête.
Un livre vraiment saisissant.