Je tire l'aiguille…
Je tire l'aiguille
Je cherche la phrase qui a été écrite pour moi
Un monsieur petit et une dame grande se promènent
rue Maître-Albert
Les bobines roulent à toute vitesse avec le vent de surface
Une rose en papier bat des ailes
C'est une stanza, une maison, une demeure lyrique, un
camion, cinq comédiens, la voix de Dorothée
— Mon idéologie poétique : une immense inquiétude
« C'est quand on ne sait pas ce qu'on va dire qu'on en vient
à dire ce qu'on n'aurait jamais pensé dire » (Novalis)
La pluie tombe en tornades sur le gazon du parc et sur les
pierres entaillées
Monsieur Petit allume une bougie, Madame Grande regarde
au loin
Je donne des petits coups de klaxon dans le langage, tandis
que les chiens de la ville aboient
Le ciel est peint blanc vif avec une nuance vert malachite
entre les bâtiments
La phrase s'écoule oui non
Le livre tracé dans le cristal devient flou avec des éclats
d'azur profonds, profonds, et de larges transparences
de décembre
Il y avait un coteau…
Il y avait un coteau
et un bois sauvage
de la musique
une guitare
des pommes sur les pommiers
et aussi des perdrix
des vachers
un cornouiller blanc
des loups garous
p.10
Hier la lune était très blanche…
Hier la lune était très blanche
avec des corbeaux qui volaient tout autour
Une rivière coulait devant la fenêtre
Le gardénia de Billie trempait dans un vase
— Crois-tu que la parole et les choses parlent
la même langue ?
Bleu, plus bleu et plus pâle que le geai,
un merle colporte ses marchandises
Un chapeau de soie
s'envole avec la neige
Une branche tombe
dans un pot d'argent
Chaque mot est un flocon mimosa
p.5
Ours jette des étoiles…
Ours jette des étoiles
dans le ciel
les diamants coulent
dans les ruisseaux
les forêts tremblent
(j'ai mis mon pull couleur torrent)
où t'ai-je vue pour la dernière fois ?
on montait un escalier sans fin
à l'ombre d'une fleur d'angélique
l'obconica en pot
fermait les yeux
une noix de gingko en jade
sur chaque marche
le cou de l'enfant sentait
comme un papillon
(j'ai vu ses petits pieds)
une table peinte de roses
était chargée d'emballages colorés
& de rubans verts
la lèvre ébréchée d'une tasse
brillait
silence à cinq pattes d'une fourmi
p.7
Une goutte de larmes…
Une goutte
de larmes
tombe
je suis
dans la douleur
Pour ouvrir
le chemin des paroles
il faut prendre
les doigts de ses oreilles
changer
ses oreilles en fenêtres
— naviguer dans une barque
qu'il n'est loisible de réparer
que
si déjà
l’on vogue
Pour écrire
il faut jeter
un collier de perles
dans l'eau du lac
— et parfois
s'y jeter
p.6
Merci pour le petit déjeuner…
Merci pour le petit déjeuner
la fleur de miel l'œuf de glace
la belle orange
Mon nom est Madame de
« Passez le sel »
J'ai rêvé la nuit dernière
d'un bâtiment en feu
et
d'un ourson aux yeux diamants
Chaque soir je vois la nuit se lever
de la rampe de secours
d'un réverbère
Je suis dans la forêt
avec des roses gothiques
aux pétales blancs
et au verticille central
J'ai oublié :
• un cahier 8 x 11 bleu royal
• une enveloppe monogrammée
• un petit garçon qui me demande la direction
Dimanche arrive
avec des petits oiseaux
Un drapeau rouge
bat
dans le vent
Deux patineurs dansent
sur un médaillon de glace
en discutant du Cogito
la neige fume
la fièvre du Capital
p.9
Une rose s’envole…
Une rose s’envole à l’envers de la rue
Les mots se posent sur ma fenêtre
Un papillon sur le bord d’un chapeau
Il faut respirer à travers la rose
. émuler les motifs du papillon
Les brumes extatiques nous entraînent
Des voix venteuses nous parlent
Les rideaux se soulèvent entre le soleil et la lune
Laissons le vent souffler sur la fenêtre
Chantons de plus en plus fort
Ne cessons pas de chanter
Sans aucun sentiment
Le ciel est d’or…
Le ciel est d’or, les rues d’argent
Erato parle en agitant des feuilles, des flûtes, des cordes
Il y a des millions de secondes où tu dors les yeux ouverts
la tête bourdonnante, comme au bief de la rivière
-Penses-tu qu’il pleuve, et que la pluie fasse dériver
les larmes des choses ?
L’arbre se charge de rouge, puis s’efface dans la brume
le graphe de la mer est comme une fleur géante de →Georgia
O’Keefe
Un oiseau est tombé dans le terminal
La politique apporte-t-elle des améliorations ?