- Solitude- de Frédéric Plessis
Bretagne, ce que j'aime en toi, mon cher pays,
Ce n'est pas seulement la grâce avec la force,
Le sol âpre et les fleurs douces, la rude écorce
Des chênes et la molle épaisseur des taillis;
Ni qu'au brusque détour d'une côte sauvage
S'ouvre un golfe où des pins se mirent dans l'azur;
ou qu'un frais vallon vert, à midi même obscur
Pende au versant d'un mont que le soleil ravage.
ce n'est pas l'Atlantique et ton ciel tempéré,
Le chemin creux courant sous un talut doré,
Les vergers clos d'épine et qu'empourpre la pomme;
C'est que, sur ta falaise ou ta grève, souvent,
déjà triste et blessé lorsque j'étais enfant,
J'ai passé tout un jour sans voir paraître un homme
(La lampe d'argile, p.180)
La mer adorante – Joachim Gasquet
Tu regardais la mer… Couché sur la falaise,
Je te voyais debout au bord de la fournaise
Où brûlaient, au-dessus des flots, les rocs épars.
Pas un souffle. Les pins craquaient. De toutes parts,
Un soleil dévorant s’abattait sur les choses,
Et toi, qui respirais une touffe de roses,
Distraitement, sur les rochers tu l’effeuillas…
On voyait sous les pins scintiller les villas ;
L’herbe sèche cherchait l’ombre maigre des branches
Et le sable enflammé buvait les vagues blanches.
Rien ne pouvait subir la fureur de l’éther.
Tout dormait. Et toi seule, au-dessus de la mer,
Tu te dressais, sauvage, avec ta chevelure
A moitié déroulée, et tendant ta figure
Aux rayons enflammés de l’astre, tu parus
Un moment, tant l’air chaud tremblait sur tes bras nus,
Etre l’autel vivant de l’ardent paysage,
Et je voyais la mer adorer ton visage.
(Les Chants séculaires)
:
O printemps de Bretagne, enchantement du monde!
Sourire virginal de la terre et des eaux!
C'est comme un miel épars dans la lumière blonde:
Viviane éveillée a repris ses fuseaux.
File, file l'argent des aubes aprilines!
File pour les landiers ta quenouille d'or fin!
De tes rubis, Charmeuse, habille les collines;
Ne fais qu'une émeraude avec la mer sans fin.
Charles Le Goffic, Printemps de Bretagne
Marine – André Lemoine
Au fond d’un lointain souvenir
Je revois, comme dans un rêve,
Entre deux rocs, sur une grève,
Une langue de mer bleuir.
Ce pauvre coin de paysage
Vu de très loin apparait mieux,
Et je n’ai qu’à fermer les yeux
Pour éclairer la chère image.
Dans mon cœur les rochers sont peints,
Tous verdis de criste-marine
Et je m’imprègne de résine
Sous le vent musical des pins ;
L’œillet sauvage, fleur de sable,
Exhale son parfum poivré,
Et je me sens comme enivré
D’une ivresse indéfinissable.
De longs groupes de saules verts,
A l’éveil des brises salées,
Mêlent aux dunes éboulées
Leurs feuillages, blancs à l’envers.
Je revois comme dans un rêve
Au fond d’un lointain souvenir
Une langue de mer bleuir
Entre deux rocs, sur une grève.
(Les Charmeuses)
Paul Fort -"Puisqu'il faut toujours que l'on parte"
La femme est aux varechs, l'homme est à la Guyane, et la petite maison est seule tout le jour.
Seule ? Mais à travers les persiennes vertes, on voit luire dans l'ombre comme une goutte de mer.
Quand le bagne est à l'homme, la mer est à la femme, et la petite maison au chat borgne tout le jour. (...) (p.279 / La Petite Vermillon, juin 1999)