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Citations sur Danser au bord du monde (15)

Quand l'écrivaine que je suis relit son texte et s'apprête à le refondre, le remanier, le réviser, la conscience que j'ai du lecteur, de ma collaboration avec lui, est tout à fait pertinente et, je crois, indispensable. Au bout du compte, je dois faire un acte de foi et partir du principe qu'ils existeront, ces inconnus qui, si ça se trouve, ne sont même pas encore nés - mes chers lecteurs. L'arrogance aveugle et magnifique de l'instant créatif, doit alors se faire subtile, attentive à elle-même, lucide. Elle doit se poser des questions, telle que : cette phrase, ce paragraphe disent-ils bien ce que je voulais leur faire dire ? A ce stade, l'écrivaine, en moi, devra interroger la nature de sa relation avec ses lecteurs, telle qu'elle se manifeste dans ses livres. Je dois me demander si je les bouscule, si je les manipule. Si je les traite avec condescendance ou si j'essaie de leur en mettre plein la vue. Si je les punis. Si je m'en sers comme d'une décharge où larguer mes toxines psychiques accumulées. Si je leur intime de me croire sous peine de représailles. S'ils sont bluffés et s'ils y prennent plaisir. Si je leur flanque la frousse et si telle était bien mon intention. Si ça les intéresse et si, dans le cas contraire, je ne ferais pas mieux d'y remédier. Si je les amuse, si je les provoque, si je les charme. Si je flirte avec eux. Si je les hypnotise. Si je leur donne quelque chose, si je les tente, invite et incite à entrer dans l'œuvre pour y travailler avec moi - à être l'élu, LE lecteur qui complètera ma vision.
En effet, l'auteur ne peut y arriver seul. (p 237)
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L'avion ne représente pas l'avenir du transport de passagers. L'époque du gaspillage est définitivement révolue dans ce pays ; loin d'être progressiste, tout effort pour le prolonger est profondément réactionnaire. C'est l'avion et sa formidable inefficacité en tant que transport de passagers rentable qui est anachronique. Il est dépassé. Tout état aspirant à une économie saine doit, (comme le Japon et la plupart des pays européens *) réinjecter des capitaux dans son système ferroviaire, l'étendre et l'améliorer. Et non le détruire par manque de financement puis le jeter comme l'enfant gâté jette le jouet qu'il ne comprend pas.

*Note - Dans ce texte écrit en 1985, Ursula K. Le Guin est malheureusement bien trop optimiste en ce qui concerne les pays européens, la France en particulier !
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Nous savons où est l'avenir : devant nous. N'est-ce pas ? Il s'ouvre devant nous - nous avons un grand avenir - nous y entrons d'un pas assuré à chaque début d'année universitaire ou électorale. Nous savons aussi où est le passé : derrière nous, n'est-ce pas ? Si bien que pour le voir, nous devons nous retourner ; comme cela interrompt notre continuelle progression vers l'avenir, notre continuel progrès, c'est une chose que nous n'aimons pas beaucoup faire.
Il semble que les peuples des Andes de langue quechua, aient de tout cela une perception très différente. Pour eux, le passé est ce qu'on connait déjà, il est donc devant, sous notre nez. C'est un monde de perception, plus que d'action, une intuition plus qu'une progression. Comme ils sont tout aussi logiques que nous, ils disent que l'avenir est derrière - derrière votre dos, par dessus votre épaule, car l'avenir est ce qu'on ne peut pas voir, à moins de se retourner, le temps d'un coup d'œil en quelque sorte. Parfois, vous le regrettez, parce que vous avez vu ce qui était sur le point de vous sauter dessus... Aussi, tandis que nous entrainons les peuples andains dans notre monde de progrès, de pollution, de soap operas et de satellites, eux reviennent vers l'arrière - ils regardent par dessus leur épaule pour voir où ils vont.
Il me semble que c'est une attitude intelligente et pertinente. Elle a au moins le mérite de nous rappeler que la formule "aller de l'avant" pour parler de l'avenir est une métaphore, un élément de pensée mythique interprété au pied de la lettre, voire un bluff fondé sur une crainte mâle d'être inactifs, réceptifs, ouverts, tranquilles, immobiles. Nos horloges intranquilles nous font croire que nous fabriquons le temps, que nous le maîtrisons...
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Pourtant, je vois bien des livres de fantasy ou de science-fiction déserter le terrain de nos véritables besoins en la matière [l'espoir]. Là où un Tolkien prophétique affrontait le fait majeur de l'époque, notre capacité d'autodestruction, il est évident que la recrudescence actuelle de récits d'heroic fantasy (puisque c'est ainsi qu'elle-même se nomme) dans lesquels le Bien vainc le Mal à coups d'épées, de pieux et d'autres objets phalliques, n'a d'autre but que la gratification immédiate et le contournement de l'inconfort, avec pour décor un passé médiéval fantasmé où la magie remplace la technologie et où l'art de prendre ses désirs pour la réalité donne des résultats concrets. Mais les fictions à base d'interminables guerres spatiales où la technologie joue le même rôle que la magie et où l'on tue sans justification morale ou psychologique de quelque espèce que ce soit, procèdent du même désespoir inavoué. L'avenir est devenu inhabitable. Et à mon sens, cette disparition de l'espoir ne peut provenir que d'une incapacité à affronter le présent, à vivre dans le présent, à vivre en individu responsable parmi d'autres êtres dans le monde sacré de l'ici et maintenant, c'est-à-dire tout ce que nous possédons, tout ce qu'il nous fait, pour fonder notre espoir.
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Je veux apprendre à traduire à partir de langues que personne ne connaît, que personne ne parle. Ces textes traduits ne seront pas aussi bons que les originaux, mais de toute façon, ce n’est jamais le cas.
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L'ascenseur d'Einstein, le chat de Schrödinger et mes Gethéniens ne sont qu'un artifice au service du concept. Des interrogations et non des réponses ; le processus plutôt que la stase. Et il me semble qu'une des fonctions essentielles de la science-fiction est justement de formuler ce genre de questionnement : un renversement de l'approche ordinaire, une métaphore de ce que le langage ne sait pas encore traduire, une expérience en imagination.
(In : L'identité de genre est-elle une nécessité ?)
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Si l'on pense comme moi que les mots sont des actes, alors on doit tenir les auteurs responsables des effets de leurs écrits.
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L'avenir est devenu inhabitable. Et à mon sens, cette disparition de l'espoir ne peut provenir que d'une incapacité à affronter le présent, à vivre dans le présent, à vivre en individu responsable parmi d'autres êtres dans le monde sacré de l'ici et maintenant, c'est-à-dire tout ce que nous possédons, tout ce qu'il nous faut, pour fonder notre espoir.
(In : Faire face)
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Nous n'y arriverons qu'en empruntant notre propre voie, en l'habitant, en vivant jusqu'au bout de la nuit dans notre propre contrée. Aussi, ce que j'espère pour vous, c'est que vous y viviez, non pas en prisonnières, en captives consentantes d'un système sociétal psychotique, mais en indigènes. J'espère que vous vous y sentirez chez vous, que vous y ferez votre maison, que vous y serez votre propre maîtresse, que vous y aurez une chambre à vous. Que vous y ferez votre travail, quel que soit votre domaine de compétences, arts, sciences, technologie, diriger une entreprise ou balayer sous les lits, et quand ils vous diront que c'est un travail de seconde zone parce qu'il est accompli par une femme, j'espère que vous les enverrez paître (en veillant d'abord à ce qu'ils vous versent un salaire égal pour un travail égal). J'espère que vous vivrez sans le besoin de dominer, sans celui d'être dominées. J'espère que vous ne serez jamais des victimes, mais que vous n'aurez pas non plus de pouvoir sur autrui. Et quand vous échouerez, que vous serez vaincue, que vous souffrirez, que vous serez dans les ténèbres, alors, j'espère, vous vous rappellerez que les ténèbres sont votre pays, là où vous habitez, là où nulle guerre ne se livre et nulle guerre ne se gagne, mais là où se trouve l'avenir. Nos racines plongent dans le noir ; la terre est notre contrée. Pourquoi cherchons-nous la récompense dans les hauteurs au lieu de regarder vers le bas, au lieu de regarder autour de nous ? C'est là que gisent nos espoirs. Pas dans le ciel arsenal et ses yeux espions en orbite, mais dans la terre que nous avons regardée de haut. Ils ne viendront pas d'au-dessus mais d'en-dessous. Ils ne seront pas dans la lumière qui aveugle, mais dans l'obscurité qui nourrit, là où les humains acquièrent une âme humaine.
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Nul n'a encore réussi à me démontrer de manière convaincante – et pour ma part, je suis tout à fait incapable de l'imaginer – qu'une future avancée technologique, quelle qu'elle soit, nous conduirait à former une société soucieuse avant tout de préserver sa propre existence, une société observant un niveau de vie modeste et protégeant les ressources naturelles, une société qui connaisse un taux de natalité et une activité politique fondées sur le consentement, qui se soit bien adaptée à son environnement et qui ait appris à vivre sans s'anéantir ni anéantir ses voisins. Pourtant, c'est la société que je veux pouvoir imaginer – que je dois pouvoir imaginer, car on ne peut pas s'en sortir sans espoir.
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