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Critique de Charybde2


Loin de tout ou presque, une femme et son chien. La magnifique transcription poétique d'une expérience autobiographique, aussi discrète que fondamentale.

Sur le blog Charybde 27 : https://charybde2.wordpress.com/2023/03/24/note-de-lecture-la-fille-du-chien-perrine-le-querrec/

Publié en janvier 2023, presque en même temps – hasard des calendriers éditoriaux – que les puissants « Warglyphes » et « Les mains d'Hannah », « La fille du chien », aux éditions des Lisières, apparaît d'emblée comme une oeuvre pour l'instant atypique au sein du travail passionnant conduit par Perrine le Querrec depuis ses premiers « Coups de ciseaux » en 2007.

Ce recueil-ci, elle l'a construit à distance aussi bien de ses investigations poétiques au coeur des chairs et des esprits malmenés par une société toujours prompte à ignorer et réduire ce qui la gêne (par exemple dans « le prénom a été modifié » en 2014, dans « Rouge pute » en 2018, ou dans « Jeanne L'Étang », a.k.a. « Les trois maisons », en 2013 puis en 2021) que de son intense re-travail de vies artistiques à complications (par exemple dans « Ruines » en 2017 à propos d'Unica Zürn, dans « Bacon le cannibale » en 2018 à propos de Francis Bacon, ou dans le tout récent « Les mains d'Hannah », donc, à propos de Hannah Höch) et de ses parcours endiablés parmi ce qui nous consume en tant que civilisations (ce dont les emblèmes seraient notamment son « Feux » de 2021 et son « Warglyphes » de 2023, précisément).

Travail à distance de l'oeuvre préalable, donc, mais surtout travail où la distance physique et la distance métaphorique viennent se mêler presque inextricablement puisque ce poème quasiment autobiographique renvoie dans ses creux et dans ses lisières à l'expérience personnelle du confinement, de la mise au vert et du départ.

Il y a certainement eu beaucoup – peut-être trop – de contributions littéraires autour du confinement de 2020 face à la pandémie, mais bien peu atteignent l'acuité intime et pourtant si farouchement pudique de celle de Perrine le Querrec, qui joue avec un immense talent de l'éloignement même de son objet pour mieux le ramener à une essence – une jeune femme et son chien, soutien et truchement de la possibilité même d'un départ plus radical qu'il ne le semble tout d'abord – où l'intime et le politique, dans cette fusion poétique, se confondent sans confusion.

Par touches subtiles mais toujours méticuleusement agencées, l'autrice poétesse construit une narration à géométrie variable, orchestre une ligne ramifiée de fuite possible (qui ne sera jamais capitulation) face à un réel devenu mur d'autant plus solide et vindicatif qu'il semblait revendiquer une forme rare de brume et d'évanescence, parmi les injonctions si volontiers contradictoires des autorités, des proches, du bon sens et de la dignité. Entre préoccupations prosaïques indispensables qu'un mince et précieux voile de mystère vient toutefois recouvrir et discrets épisodes de chamanisme qui n'ont alors plus rien de paradoxal, quelque chose de puissant émerge d'un souterrain ressenti. Entre nature et culture, entre urbain enfui et ensauvagé heurté, entre difficultés de décryptage de signes mal connus et familiarités désormais potentiellement trompeuses, on entend des échos, ténus mais essentiels, du côté de la yourte de Fred GriotCabane d'hiver », 2017), du côté des lisières d'Anna Milani (« Géographies de steppes et de lisières », 2022), voire du côté des étranges échappées de Claude FavreCeux qui vont par les étranges terres les étranges aventures quérant », 2022) ou de Lou DarsanL'arrachée belle », 2020). Mais cette expérience bien particulière d'une immersion en des confins si personnels est magnifiée, davantage que tout, par la langue de plus en plus unique et tranchante, sous le feutre, que manie ici Perrine le Querrec.
Lien : https://charybde2.wordpress...
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