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EAN : 9782362294365
84 pages
Editions Bruno Doucey (06/01/2023)
4.07/5   7 notes
Résumé :
« Cette guerre comment l’écrire ? » Les mots par lesquels s’ouvre Warglyphes en disent long sur les intentions de Perrine Le Querrec. Face à la sidération dans laquelle nous plonge la guerre, face aux silences de l’Histoire et à la tentation de l’oubli, l’écrivaine tente de décoder le langage de la guerre. Elle analyse sa grammaire, scrute ses manifestations, inventorie ses formes, parcourt son atlas, et déchiffre une partition que la folie meurtrière des hommes int... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (5) Ajouter une critique
Certains textes en brodent de nouveaux_répondre à Warglyphes de Perrine le Querrec qui comme toujours a l'humanité au couteau, sensible et fort
et la mémoire suinte et les guerres s'assemblent
trahison
et certains jours les oiseaux trillent
d'autres défigurent les obus
les sexes transpercent
armes de corps
de poing
de langues
la brutalité sans printemps
à l'horizontal mort
à la verticale guerrière
cassé les os putrides
lambeaux
et ca ne dit pas vraiment pourtant
on cherche dans les fosses des tas d'humains en bouillie
attendent qu'on parle d'eux
je transmets dit la voix
Napoléon en symbole de gloire écrasée sous
les sabots de ceux
qui souffrent tu pleures ?
tu dois continuer de dire
les entrailles vrac
et la petite robe à fleurs de tourner tourner tourner
la guerre même sans bruit dans les tas au sol dans le froid
tu n'y crois pas ? observe et dit
Marilyn pose plein sourire dans l'usine d'armement
se défendre dit l'idée
contre quoi ? on a le droit ? qui ?
des pierres des tondeuses et de la salive dans les yeux
un défilé de langues mortes
en dedans en désordre des naissances réitèrent
ça continue t'entends ?
alors quoi ?
les corps face aux flammes
nous sommes les petites filles de survivantes
la peur attire l'espoir de grimper
et les ventres gras et les ventres mous de prendre les bonnes décisions
pour la nation
c'est facile
un colis abandonné souhaite son anniversaire à l'orphelin
il croira au vertu du conflit et la mort aux oreilles de dire encore
le dépeçage sans abri
« les vies inutiles » à broyer à payer à consommer
je te mutile tu m'échappes
à la surface un rictus s'en balance
je suis l'absence et le désagrément la lutte et l'onguent
tu existes si je te passe en bouche
il faut ruser pour le souvenir
il faut prier pour l'inconfort
silence on tue on dézingue et on désosse
bruit on oublie pas on considère
et l'enfant court sous la brûlure et je tais le gras et je caresse le tortueux
pour dire le devenir des monuments en insomnie qui crépitent l'enfance
ça existe et l'honneur de sangloter
plus plus plus plus de corps de tas de bouches de manque
et saisir ce qui compte
se souvenir
la terre rouge et les machettes les vagins troués et les enfants repeuplement
se souvenir
les dents brillent au ciel partagé
se souvenir et lister
se souvenir et pleurer


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Une paradoxale lecture, poétique et cruelle, des images de la guerre imprégnant nos imaginaires, telles que les ont construites culture savante et culture populaire à travers le film et la photographie. Un travail saisissant, brutal et beau.

Sur le blog Charybde 27 : https://charybde2.wordpress.com/2023/02/21/note-de-lecture-warglyphes-perrine-le-querrec/

En 2013, Perrine le Querrec publiait aux confidentielles, artisanales et magnifiques éditions Derrière la salle de bains un texte de 107 vers libres, « de la guerre », qui parvenait à saisir dans son extrême concision certaines des essences filmiques du conflit armé, dans beaucoup de ses dimensions éventuellement contradictoires. Dix ans plus tard, nous apprenions, lors d'une rencontre avec l'autrice à la librairie Charybde (car c'est aussi à cela que servent ces rencontres : offrir un accès aux conditions d'écriture et à leur mise en perspective), que dès cette époque un recueil complet existait, dont « de la guerre » constituait une extraction de moelle (ô combien substantielle et substantifique). Après un long cheminement souterrain, voici donc que paraît en janvier 2023, chez Bruno Doucey, ce « Warglyphes », incroyable synthèse d'une traduction en mots et en poésie paradoxale, hautement distillée, de centaines d'images arrachées aux films de guerre, aux bandes d'actualité, aux documentaires de propagande, aux reportages télévisuels ou cinématographiques, couvrant la plupart des grands conflits armés du vingtième siècle.

Très récemment, avec son « Tueurs », Jean-Michel Espitallier avait extrait de diverses images contemporaines d'actualités la réalité du sadisme ordinaire se dissimulant dans la guerre (et tout particulièrement dans la guerre dite « civile »). Plus anciennement, avec son « B-17 G » (2001), mais surtout avec son « Baiser de sorcière » (2010), Pierre Bergounioux avait tenté avec son brio coutumier d'inscrire la guerre dans une « Forteresse volante » américaine, ou (en puissance) dans un char JS-3 soviétique. Pour se comparer à l'ampleur saisissante et à l'ambition dévorante du « Warglyphes » de Perrine le Querrec, il n'y aurait peut-être toutefois que la performance au long cours de « L'Encyclopédie des Guerres » de Jean-Yves Jouannais, condensée dans la monumentale extraction de « MOAB » (2018). Mais là où l'érudition incisive du maître en castellologie littorale s'exprime sous forme principalement encyclopédique, justement, le métier d'origine de Perrine le Querrec (la recherche documentaire approfondie pour le cinéma et la télévision à visée historique, maniant ainsi avec familiarité et précision les archives écrites, sonores et visuelles), mais surtout sa détermination poétique toute personnelle, lui permettent un effet extraordinaire de condensation de l'Histoire et du Réel. Comme elle le montre également, par exemple, dans son « Feux » de 2021, à propos de l'usage de la combustion, physique ou métaphorique, par l'humanité – pour le meilleur et pour le pire -, elle sait inscrire des épopées inimaginables, d'une taille dantesque s'il en est, en fort peu de mots et de pages, in fine. L'organisation méticuleuse des rushes d'un montage cinématographique imaginaire devenant poésie paradoxale, qui s'inscrit au coeur de ces « Warglyphes », en constitue un témoignage particulièrement éclatant, brutal et beau.

Lien : https://charybde2.wordpress...
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Pas sûr qu'un recueil de poésie dans lequel l'autrice cherche à saisir les manières d'écrire la guerre soit le premier livre qu'on pense à emporter dans ses valises quand on part en vacances. Pourtant, c'est bien dans cette optique que j'ai acheté Warglyphes de Perrine le Querrec et c'est sous le soleil de Beauziac que j'ai lu ses poèmes.

"Cette guerre comment l'écrire ?
Combien de temps va-t-elle sillonner ma chair retourner mes sens creuser mes peurs avant de s'emparer de la feuille ?"

Comme de nombreuses personnes, Perrine le Querrec est démunie face à la guerre. Qu'importent les périodes, les lieux, les raisons, toutes les guerres se ressemblent : partout la même désolation, partout l'incompréhension, la mort et son injustice sont universelles. Pourtant, l'autrice a trouvé une arme pour dépasser la sidération : le langage. Et elle l'utilise pour inventorier les mécanismes de la guerre, pour en consigner chaque élément, où la violence se glisse jusque dans l'anodin.

"Sur une pierre creuse
du sang s'épaissit
Ça luit au soleil"

S'intéresser au(x) langage(s) de la guerre pour mieux la comprendre n'est pas anodin : la langue est un des outils qui lui permettent d'exister. Les rapports assomants, les noms et formules scientifiques incompréhensibles, les discours, l'émotion de celles et ceux qui vivent la guerre en y mourant, les mots utilisés pour déshumaniser l'autre... Tout n'est que langage et pourtant, la guerre s'impose à nous, qui ne la vivons que dans la lumière réconfortante de nos écrans, en images. Perrine le Querrec, grâce à la poésie, cherche donc un nouvel angle pour dire la guerre.

"Une femme est un homme est un enfant est un animal est un guerrier est un soldat est une proie est un meurtrier est un mort est une victime est un enfant est une femme"

S'il me semble comprendre la démarche, si j'ai été impressionné par de nombreux poèmes du recueil, il m'a semblé cependant lire l'ensemble avec un certain détachement. Décortiquer les mots de la guerre m'ont donné l'impression d'une mise à distance supplémentaire. On change de grille de lecture, mais la grille est toujours là. Et que faire une fois la dernière page tournée, si ce n'est de reprendre nos vies là où on les a laissées le temps d'une lecture ?

"Il prend son arme il la pose
Il l'épaule il la pose
Il vise il la pose
Il rampe son corps il se fige
Il court il se fige
Il charge il se fige
Il crève il se fige"
Lien : https://www.instagram.com/p/..
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Merci à la maison d'édition et à Babelio pour ce service presse. Vous savez que j'adore la maison d'édition. J'achète quasiment toute leur nouveauté et mon objectif et d'avoir tout leur catalogue un jour (ce n'est pas gagné). C'est la première fois que je lis un recueil sur plusieurs jours. Au regard de la thématique, je comprends très bien pourquoi.

Rien que le titre aurait du m'alerter mais je n'ai pas du tout pensé à l'anglais. Il est parfait pour ce recueil. La poétesse y parle de la guerre de différente manière. J'ai été marqué par ceux du point de vue des médias. Rien qu'en lisant, ça me rappelait des images que l'on a pu voir partout et certaines si connues. L'écriture est presque inhumaine tant c'est une accumulation.

Paradoxalement, cette accumulation se retrouve aussi dans d'autres poèmes pour montrer toutes les personnes touchées par la guerre ou l'horreur qui s'y passe. En parlant d'humains, Perrine le Querrec montre aussi de rares moments plus calmes et posés comme pour nous permettre de respirer. Il n'empêche que la poétesse met en avant toutes les conséquences de la guerre y compris celles auxquelles on ne pense pas.

En bref, à l'heure actuelle, ce recueil de poésie nous rappelle l'horreur sous toutes ces formes de la guerre et nous rappelle aussi que nous avons la chance de vivre dans un pays qui ne subit pas la guerre.
Lien : https://lessortilegesdesmots..
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Un beau coup de coeur pour ce recueil qui fait réfléchir sur les stigmates de la guerre, sa folie, ses victimes. Cette guerre fil conducteur de l' humanité qui broie tout sur son passage. Merci pour la masse critique, j ai apprécié la force et l écriture de l'auteure. La suite de mon avis sur mon blog en lien, bonne future lecture.
Lien : http://eirenamg.canalblog.co..
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Citations et extraits (3) Ajouter une citation
L’oeil de la caméra

Usine
Travail quotidien
(beau) travail à la chaîne
une femme suit son balai

Défilé
PANORAMIQUE
militaire à cheval au trot
foule, pancartes à l’effigie
passage des chars

Récolte et sourires
incendie d’une ferme
animaux calcinés
haut-parleur
attroupement, discours, foule compacte

« Camarades citoyens, frères et sœurs, combattants de notre armée et de notre marine, c’est à vous que je m’adresse »

Sur un chemin
chariots abandonnés
TRAVELLING au milieu des réfugiés
routes et quais bondés
assis, attendre

Transférer
dans les plus brefs délais
évacuer
des millions d’habitants

Chantiers PLAN LARGE
hommes et femmes
pelles et pioches
campements de tentes
Fabrication des chars
métal en fusion
soudeurs
grues élévatrices
chaînes de montage

Saluer les blindés
départ dans la neige
Un très jeune garçon entre dans une caserne
un très jeune garçon travaille dans une usine
son père venant de décéder
les souvenirs tragiques

Impacts de bombes sur statues
Murs
Écoles
Torses

Prisonniers de guerre
la foule jette des pierres
crache aux visages
(70 individus environ)

Images en couleur
la même foule
recueillement devant le mémorial

Les blessés
jeune homme livide
brancard
chariot rempli de paille
amputé tenu par deux infirmières
bloc opératoire
jeune homme sans mains
dans son lit d’hôpital
un groupe d’enfants visite les blessés
ils dansent devant eux habillés
en petits infirmiers
un enfant tire sur la manche d’un des blessés
lui indique où se trouve la caméra

Passage d’une longue file de camions
scènes de liesse autour des chars vainqueurs
jeunes femmes fleurs enfants
drapeau
défilé militaire
monuments aux morts
cendres rapatriées
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Cette guerre comment l’écrire ?
Combien de temps va-t-elle sillonner ma chair retourner mes sens creuser mes peurs avant de s’emparer de la feuille ?
Où sera ma voix ?
Aucune guerre n’est différente alors qui va parler je vais parler pour qui ?
Femmes, armes, chair, terre, enfants, animaux, tous ceux qui ont vu vécu survécu. Cadavres désastres stratégies folies les ensevelis les atrophiés les traumatisés les reniés.
Aucune guerre n’est différente mais les femmes plus dures les enfants plus vieux la terre d’une autre couleur.
Aucune guerre n’est différente mais les hommes en foule la violence organisée l’histoire rayée.
Si je parle d’une je ne parle de rien, si je parle de toutes j’en oublie si je parle de toi je tais les millions si les milliards me hantent je te perds.
Alors devenir toi les milliards la terre la tranchée les armes le sang les tripes la crevasse l’obus le ciel l’abri le camp le Maître l’orphelin le déserteur l’uniforme le barbelé la mine le napalm le masque le cheval la mer l’image le fracas la fureur la fatigue la haine la croyance l’éclair la charge la mort.
Jaillir du sol de la bouche des yeux du poing
Manger les pierres le vide le gras la chair le rat
Engraisser le sol la fosse la démence
Reposer sur l’obscur
Dormir plus jamais
Devenir l’homme légion
La femme entière

Redistribuer les possibles
plus de bras lire avec sa bouche
Inventer des membres
plus d’yeux lire avec ses doigts
En couper d’autres
un cheval galope sur trois pattes
chacune reçoit sa part de mort
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Tu as cinq ans une robe à fleurs trop petite
dans tes bras une arme lourde
Tu as cinq ans une robe à fleurs une arme lourde
Tu as cinq ans une robe une arme
Cinq ans l’arme froide pèse
Entre le métal et ta peau
Le billet du photographe
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Vidéo de Perrine Le Querrec
Accompagnée par Nemo Vachez Rencontre animée par Mélanie Leblanc Qu'elle publie de la poésie, des romans ou des pamphlets, Perrine le Querrec écrit par chocs successifs, fait parler les silences, travaille l'espace de la page, entraînant ses lecteurs dans des univers d'une grande singularité.
Elle propose ce soir une lecture musicale portant sur des extraits de deux recueils publiés en ce début d'année. Dans Warglyphes, l'écrivaine tente de décoder le langage de la guerre. Elle analyse sa grammaire, scrute ses manifestations, inventorie ses formes, parcourt son atlas. Tout autre programme avec La fille du chien : « le chien pour guide, quitter la ville. Apprendre une vie lente, foisonnante. Chaque jour en inventer la langue. »
À lire – Perrine le Querrec, Warglyphes, éditions Bruno Doucey, 2023 – La fille du chien, éditions Les lisières, 2023.
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