J'ai pour les bêtes, toutes les bêtes, un coeur de concierge, et de vieille concierge. Si j'avais l'habitude des phrases poétiques, je dirais que je me sens le frère de ces vieilles femmes à cabas qui portent le soir à manger, aux grilles des jardins publics, aux chats sans patrons. Je ne donne jamais un centime aux pauvres, le spectacle des gens écrasés m'est indifférent, les gens qui pleurent aux enterrements me semblent très laids, et quand ma chère bien-aimée est malade, je vais me promener. Mais mon chat est le maître chez moi, mes fenêtres sont pleines de pain pour les oiseaux, je pars chaque matin avec des provisions de pain que je distribue à tous les moineaux de ma route, je donne du sucre aux chevaux de fiacre dont la misère finira par m'empêcher de sortir, j'achète de la viande aux chiens perdus que je rencontre, et si je m'écoutais, et si je le pouvais, ma maison serait pleine de bêtes, au lieu que j'y sois seul, car vous pouvez vous en douter, vous, un de ses oncles ! est bigrement loin d'être une bête. Que de cochers de fiacres j'ai dans mes relations, pour bavarder de temps en temps avec eux, et que de bonnes bêtes, dans mon quartier, qui me connaissent.
Les actrices se croient généralement obligées, dès qu'elles jouent des personnages antiques ou mythologiques, de prendre des poses plastiques, hiératiques, de psalmodier comme des prêtresses. Elles veulent jouer aux vases grecs, et font les cruches.
Les histoires d'amour et de rupture c'est comme les histoires de chasse : assommant.
Les imperfections de la spontanéité valent souvent mieux que les perfections de l'étude.
... Mme Angèle m'a raconté qu'un aveugle à canne blanche, dans les couloirs du métro, faisait peine aux passants qui lui cédaient le pas et le regardaient avec tristesse. Soudain on le surprend qui, lunettes relevées, déchiffre un plan sur un mur. Ce n'était qu'un myope un peu poseur. Ceux qui le plaignaient, qui l'aidaient, se précipitent sur lui, le giflent, le houspillent. En somme, et tout compte fait, ils le punissaient d'y voir...
Il y a une chose qui est bien supérieur au talent: c'est la bonté, c'est l’entr'aide, même d'humains à animaux.
On se traîne au petit bonheur, passant son temps à se dire demain, en pensant à hier.
Il est si bien, si salutaire aussi, de ne pas avoir une idée trop sérieuse de ce que l'on fait.
J’ajouterai que la nouvelle du passé et la nouvelle menace dans lesquelles nous venons d’être mis du fait des américains, bien qu’elles ne soient que le pendant de l’après-guerre 1914-1918, ne me les rend pas sympathiques. Dans la guerre comme dans la paix, ils ne sont que des hommes d’affaires, (les leurs). L’aide qu’ils nous donnent, soyez tranquille, ils sauront en retirer de grands avantages. Nous n’avons vraiment rien de commun avec eux.
Ne me croyez pas dévoué uniquement à la souffrance animale. La misère humaine ne me touche pas moins. Il est un plaisir égal pour moi à celui de secourir un animal en péril: c'est d'offrir, quand je ne peux faire mieux, une petite douceur à un de ces enfants qu'on en devine privés.