La mémoire du temps

Elle était si mature pour son jeune âge que Christine se demandait parfois si sa fille ne vivait pas un genre d’existence en accélérée. Certes son corps était celui d’une enfant de son âge, qui plus est la maladie l’avait rendue un peu plus chétive que la moyenne, mais ses réflexions, sa compréhension des choses étaient plutôt celles d’une adulte.

On disait qu’en Amérique tout était plus facile et qu’il suffisait de se baisser pour ramasser de l’argent. Alors, c’est ce qu’elle ferait et lorsqu’elle serait devenue riche, elle embaucherait des hommes pour tuer son père et sauver sa petite sœur d’un destin probablement aussi funeste que le sien. C’était son plan et grâce à lui elle avait réussi à reprendre le dessus.

Adolf Hitler a utilisé un vent vieux comme le monde. Le refus, la stigmatisation de l’autre pour revenir à une pureté chimérique. Il a sublimé ce courant, car nous sommes dans le malheur, mais il n’a fait qu’utiliser nos bas instincts.

L’amour n’existe pas, il n’existe que les preuves d’amour. Et cet homme t’en donne une. Il est riche, puissant, et surtout il veut de toi !

L’hypnose est juste un léger sommeil qui court-circuite certains processus cérébraux d’éveil afin d’atteindre plus facilement votre mémoire inconsciente. Cependant, même en état de conscience modifiée, vous restez vous-même. Vous gardez vos convictions, vos principes, et vous êtes toujours en mesure d’accepter ou de refuser ce que je vous suggère.

y avait des jeunes, des vieux, des gens élégants, des démunis, et surtout beaucoup d’uniformes. L’avantage des uniformes, pensait-elle, c’est qu’on pouvait les repérer de loin. L’inconvénient, c’est que depuis quelques mois, on en voyait de plus en plus, on en voyait partout. Des gris, des noirs, des beiges, il y en avait de toutes les couleurs. Parfois, elle avait l’impression qu’en Allemagne tout le monde portait un uniforme, un brassard, ou une marque d’autorité particulière. Son père disait que c’était pour leur sécurité, qu’il n’y avait jamais suffisamment de policiers et que seules les personnes malhonnêtes devaient redouter les uniformes. Elle n’était pourtant pas malhonnête, mais ce matin-là, elle les redoutait.

Sur Internet, on trouve beaucoup de bêtises. Ce n’est pas sérieux tout ça. Il ne faut pas partir dans ces délires… Et puis pour qu’un traitement réussisse, il faut d’abord croire au médecin, alors il faut faire un effort et lui faire confiance !

Sans parler correctement le français, ils devraient rapidement trouver du travail pour pouvoir manger. Mais ils n’étaient pas inquiets, ils étaient jeunes, en bonne santé et accepteraient tout ce qui se présenterait. Ils n’avaient jamais quitté l’Allemagne, ni l’un ni l’autre, mais on disait que Paris était la ville de toutes les audaces, alors c’est là qu’ils voulaient installer leur amour.

Les gens mal instruits se croient toujours autorisés à raconter n’importe quoi. Rapidement, ils sortirent du village puis s’engagèrent sur un chemin de halage qui longeait les champs de roses et les rives du Rhin. Là même où le vieux Reimund lui avait appris à conduire sa Ford A. C’était une fierté car aucune de ses amies n’avait jamais conduit une voiture. L’humidité glaciale s’insinua encore davantage au plus profond de ses chairs. À plusieurs reprises, elle crut défaillir, mais la peur de son père lui permit de maintenir malgré tout la cadence.

La porte était entrouverte, elle ne put s’empêcher de regarder. Le clair-obscur des lueurs de la lune permettait de deviner les formes. De dos, son père ronflait, comme à son habitude. De face, sa mère reposait paisiblement. Elle était belle, Lisa l’avait toujours trouvée belle. Même avec le temps, les rides des efforts répétés, son visage restait fin et harmonieux. Elle allait lui manquer, un peu, au début.