- Je ne sais pas ce que c'est ou ce qui pourrait arriver, dit-il en passant son pouce sur mon lobe d'oreille. Mais je suis une chose.
Je ne pouvais toujours ni bouger ni parler. J'étais paralysée, hypnotisée par ses yeux, ses lèvres, ses mots. Puis mes mains finirent par retrouver leur vigueur et glissèrent sur son torse et ses épaules. Il frémit sous mes paumes.
- Je sais que je veux sentir mes lèvres sur les tiennes, dit-il avec une conviction telle qu'elle me fit l'effet d'une envolée de papillons dans mon ventre. Tu le sais, toi aussi ?
La culpabilité et le regret sont des sentiments puissants. Ils peuvent détruire une vie. Mais il faut trouver le moyen de pardonner pour pouvoir continuer à avancer.
— Ça doit être difficile pour toi de parler à une étrangère. (J’ajustai ma position sur ma chaise.) Mais tu as certainement une bonne raison de passer ce coup de téléphone et je suis là pour t’écouter.
Il finit par prendre la parole, d’une voix basse et sans défense qui me fit frissonner. Peut-être parce qu’il paraissait jeune et vulnérable. Comme mon frère, qui était décédé à l’époque du lycée.
— Je… je ne sais pas pourquoi j’ai appelé. C’était une erreur, je ne suis pas…
— Ce n’est jamais une erreur, le coupai-je d’une voix ferme et assurée. Même si tu n’appelles que pour entendre une autre voix que la tienne.
Tu ne pourras jamais en être sûr, répliqua-t-elle. Même avec quelqu'un qui semble équilibré, on ne peut jamais prévoir les autres facteurs qui peuvent entrer en ligne de compte. L'état des routes et l'état d'esprit, la conduite et les réactions des autres véhicules. Ce sont tous ces éléments réunis qui créent les circonstances. C'est ce qui rend la vie si mystérieuse, si fragile et si précieuse.
- Comment tu fais pour vivre avec des "et si" ?
- Aucun de nous ne saura jamais si nos actes auraient changé quelque chose. Ou ne serait-ce que retardé l'inévitable, répondis-je. On ne saura jamais. Et on doit apprendre à vivre avec ça.
- Tu as faim ou soif ?
Il me tira par la main pour m'asseoir à côté de lui sur le canapé.
- Seulement soif de toi.
Comment faire quand un seul événement pouvait enterrer toutes nos qualités dans les abysses de notre âme ? Était-il possible qu'un seul acte puisse ruiner le reste de sa vie, la gâcher, l'ébranler, l'empoisonner et la faire basculer ? C'était le cas pour moi.
Quand on s'imprégnait de la souffrance de quelqu'un, il était presque impossible d'en ressortir intact. Et, parfois, il suffisait d'une personne pour vous transformer à vie.
Je ne sais même pas pourquoi je pensais encore à lui. Probablement à cause de sa voix. Elle avait quelque chose de désespéré, de vide, de brisé. Peut-être que Christopher aurait eu le même ton, le soir où il a mis fin à ses jours. Si seulement il y avait eu quelqu'un à la maison pour l'écouter.
Comme ça devait être merveilleux de trouver quelqu'un qui vous désire tellement qu'il revendique ses droits sur vous !