Disclaimer :
Je me décide à poster ma chronique sur ce roman au moment où la maison d'édition,
Noir d'Absinthe, annonce qu'elle ferme ses portes. Donc, si vous voulez lire ce livre et l'avoir dans son édition présente (qui deviendra collector), avec sa superbe couverture, c'est maintenant où jamais !
Mon avis :
Une belle réécriture de conte féministe, à la fin douce-amère, qui évoque un peu certaines nouvelles de
Tanith Lee (qui a beaucoup réécrit ce conte, de Perce-neige à
White as snow), avec le symbolisme des couleurs, le rôle des loups, de la neige, des pommes, des épées, etc. En cela, la ME a fait un très beau boulot en confiant la couverture à une illustratrice qui a tout à fait capté l'ambiance du roman, Amaryan, tout en faisant référence à la sorcière de Disney (c'est clairement celle-là qui sert de référence ici). L'idée du miroir est merveilleusement exploitée (je l'avais un peu vue venir, mais ça n'enlève en rien la façon habile dont c'est traité : c'était, d'ailleurs, l'un des éléments qui m'avait le plus intrigué dans le dessin animé). L'histoire d'amour, poignante et émouvante, entre Ciaran et Violaine est très belle. Les émotions sont bien présentes et j'avoue avoir versé ma petite larme plusieurs fois dans le roman (surtout vers la fin).
J'avoue qu'au début, je me suis demandé où l'autrice voulait nous emmener. le démarrage, la mise en place, sont plutôt lents, et certains choix narratifs peuvent paraître déroutants, comme les éléments — discrets cela dit — de SF qui m'ont semblé un peu déplacés dans ce décor. Pour moi, toute l'intrigue politique entre les royaumes de Rosehaÿ et Talamh Dorcha n'a présenté que peu d'intérêt et j'ai eu du mal à en venir à bout. le roman m'a paru démarrer véritablement lorsque Violaine rencontre Ciaran, ce qui n'arrive pas avant la deuxième partie. Par ailleurs, j'ai eu du mal à saisir pourquoi l'autrice avait fait de la reine-sorcière de Blanche-Neige une guerrière venue d'un autre monde, et je me demandais quand exactement (et comment) elle allait raccrocher les wagons avec le conte original. J'ai parfois eu l'impression de lire un roman de fantasy qui n'avait rien à voir avec la réécriture de conte, ce qui est assez déroutant lorsqu'on s'attend à découvrir une redite du matériau original.
Mais en lisant les cent dernières pages, j'ai enfin compris où l'autrice voulait en venir. Toutes les péripéties de la future «
bad queen », y compris la longue intrigue préalable à la romance entre Ciaran et Violaine (qui a une réelle utilité dans l'histoire), étaient nécessaires pour que certaines choses prennent tout leur poids à la fin. Donc, chapeau pour la construction, même si je pense que le roman aurait gagné à être un poil ratiboisé dans sa première partie, et, au contraire, développé vers la fin. Finalement, cette reine-sorcière que nous connaissons et attendons n'apparaît que dans les cinquante dernières pages. J'ai eu la même impression pour sa relation avec la princesse Blanche, qui, de par sa subtilité, aurait mérité un peu plus de détails et de développement.
Dans ce roman, il faut accepter que la reine-sorcière soit un personnage radicalement différent de celle qui apparaît dans Blanche-Neige. le trait de caractère principal de cette mauvaise reine dans l'histoire originale est sa vanité, symbolisée par son recours au miroir (« Miroir, miroir, dis-moi qui est la plus belle... »). Ici, l'autrice en a fait complètement autre chose. Violaine n'est pas vaine, et l'origine de sa jalousie envers la princesse se situe autre part.
J'ai d'ailleurs trouvé cette thématique mature, intéressante et audacieuse : c'est rare que l'on évoque ce genre de thèmes en fantasy, et là encore, ce choix d'une écriture très féminine (qui se prête très bien avec le genre du conte) m'a rappelé
Tanith Lee. J'aurais aimé en lire un peu plus là-dessus...
Bad Queen est sans doute un roman qui ne parlera pas à tout le monde : ce n'est pas un page-turner, et encore moins une romantasy comme c'est la mode en ce moment. En tant que réécriture de conte, il peut aussi décevoir les attentes. Mais il m'a touché, de par ce destin de femme tragique, qui exploite avec justesse la figure de la sorcière (une femme libre, indépendante et incomprise, qui s'autorise tous les sentiments, même les mauvais) et le plot-twist audacieux et novateur qu'il propose à la toute fin. Désolé pour ce manque de détails, mais c'est le type de bouquin qu'il ne faut pas spoiler ! Lisez-le, surtout si vous croyez tout savoir de Blanche-Neige : vous serez surpris.