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Citations sur Par les armes (66)

La frontière entre ce qui est possible et ce qui ne peut pas l'être relève de la norme sociale, des règles et des lois que chaque société se donne. La guerre n'y échappe pas.
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Intégrons les temps les plus anciens, globalement le Paléolithique, pour suivre les dynamiques sur la longue durée. Les hommes vivent ensemble mais sans que l'on puisse entrer dans leur intimité. Les traces de violence sont attestées, comme celles du soin, de la prise en charge. Dès que l'altérité est reconnue, intégrée à des pratiques récurrentes (et donc normées), on peut dire que l'homme vit en société. Cela ne dit rien des modalités précises, de ses choix et du détail de son organisation sociale.
p. 277
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Nul doute que des règles et des normes dictent les comportements et les pratiques dans tous les domaines de la vie. Cette réalité, si difficile à nommer, ou même à qualifier dans les détails, se donne à voir au travers de la guerre, presque en négatif : les données archéologiques démontrent qu'elles n'ont pas pu exister hors de ce type de société. Donc, celle-ci est.
Les modes de conflit disent la société, et inversement. La société est la clef de compréhension de la guerre. En un mot, l'une ne peut être envisagée sans l'autre. Il ne suffit pas de compter les armes : il faut aller au-delà de l'objet.
p. 276
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L'invention de l'épée — et celle de la guerre, qui lui est associée — doit être entendue comme un moment clef qui a des airs de précipité, comme une réaction chimique. Les réalisations matérielles indiquent à la fois une organisation des fabrications, un contrôle des circuits d'approvisionnement en matières premières, une intégration de la dimension militaire. Difficile de concevoir ici, au regard des données archéologiques et de ce qu'elles impliquent, des systèmes « bricolés ». Il faut un minimum d'anticipation et d'organisation, sans préjuger des modalités précises de gouverne-ment. Il faut sans doute admettre des formes de pouvoir, de gouvernement, centralisé entre les mains d'un petit nombre, un renforcement des hiérarchies sociales et de divisions des tâches, une place dédiée aux hommes en armes, etc. L'écrit n'y joue aucun rôle car le besoin ne s'en est pas fait sentir. L'Europe n'est pas uniforme en tout point dans ses évolutions. Le Nord n'est pas en retard ou plus “primitif”. Il a choisi d'autres modes de vie et de fonctionnement au sein desquels l'écrit ne s'est pas avéré nécessaire. Cela ne signifie pas que les sociétés de l'Âge du bronze puissent être qualifiées de “primitives”, ou de “traditionnelles”, si tant est que ces termes aient encore un sens.
p. 275
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Le premier mot clef est « État ». Le terme a une histoire et un sens qui a évolué au fil du temps. Il a été fixé au XIXe siècle, désignant une réalité qui n'est pas celle d'aujourd'hui, et qui n'était plus celle qui était en débat à l'époque moderne, au moment où la définition glisse de la notion de territoire à celle de pouvoir. L'État est, dans sa définition la plus générale, une entité politique constituée d'un territoire délimité par des frontières, une population et un pouvoir institutionnalisé. Il peut recouvrir plusieurs régimes en fonction de la nature de la souveraineté du pouvoir, classiquement aristocratique, monarchique, oligarchique, démocratique. Selon les cas, les modalités de légitimité du pouvoir et les modalités d'accès aux différentes fonctions de gouvernement de l'État varient. Une différence clef tient dans la dissociation, ou non, entre l'individu qui incarne le pouvoir et la fonction. En démocratie, c'est la puissance publique qui détient la souveraineté, au-delà des différents hommes qui incarnent les fonctions (dont celle de chef d'État), tandis que dans une monarchie le roi ou la reine sont eux-mêmes, et individuellement, le pouvoir hérité et transmis. L'État peut se décliner dans ses différents volets, politique, sociologique, juridique, organisationnel. Cette entité a un pouvoir d'autorité et de contraintes collectives dans le cadre d'un intérêt général (dans le maintien de la cohérence de l'ensemble) qui est supérieur à l'intérêt individuel (et même à l'individu qui l'incarne, ce qui explique qu'on peut justifier de déposer un roi). Dans le domaine de la guerre, l'État (quelle qu'en soit sa nature précise) revendique (et depuis longtemps) le monopole et l'usage légitime de la force.
p. 270
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La frontière entre le pouvoir politique et le pouvoir religieux est souvent perméable. Étienne de La Boétie, théorisant au XVIe siècle les mécanismes de l'acceptation de la domination de la part des dominés, y voyait même une explication clef. Dans ses déclinaisons les plus extrêmes, la justification religieuse a été invoquée en guerre pour éliminer des races, des positions politiques, des pratiques sexuelles, des comportements et des agissements variés. Pour les périodes les plus anciennes, rien ne permet aux archéologues d'aller aussi loin. Il est revanche certain que la guerre à partir de l'Âge du bronze entre bien dans cet ensemble, conduite, justifiée et décidée par des hommes détenant pouvoir politique et pouvoir religieux.
p. 268
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Parallèlement à ce volet économique et territorial, il faut également s'interroger sur la question du nombre des hommes. Les archéologues restent encore timides sur les chiffres et la démographie. Durant le Paléolithique, l'Europe reste peu peuplée. La néolithisation, le développement de l'agriculture s'accompagnent d'une augmentation des populations. La pression n'est sans doute pas immédiatement très forte mais on peut imaginer qu'elle l'a été dans des zones stratégiques, dans des secteurs agricoles clefs. C'est un argument « classique » pour expliquer des conflits anciens. À l'Âge du bronze, la population européenne augmente de manière exponentielle. Certains chercheurs estiment qu'elle double entre — 2000 et — 1500, durant ces cinq siècles cruciaux, pour atteindre environ 14 millions de personnes.
p. 267
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On ne peut également éviter de s'interroger sur les conséquences des modes nouveaux de production, la création des surplus déclenchée par le développement de l'agriculture, l'augmentation des productions et la diversification toujours croissante des denrées et des matériaux en circulation. Ces derniers, dans un circuit économique complexe, constituent un attractif appât, si ce n'est une raison de guerre en tant que telle. Dans ce cadre, dominer les échanges et les territoires de circulation des matériaux stratégiques — à commencer par le métal — est un enjeu majeur. L'économie comme moteur de la guerre occuperait une place grandissante avec le temps et l'augmentation des richesses.
p. 266-67
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La deuxième raison qui pousse les hommes à s'affronter s'inscrit dans le registre économique au sens large. On se bat pour avoir plus, pour prendre à l'autre ce que l'on n'a pas et que l'on convoite. C'est ce qui recouvre partiellement la compétition de Hobbes. Ces intérêts économiques peuvent prendre plusieurs formes : des biens matériels mobiliers (objets divers, argent) mais aussi des biens immobiliers incluant des territoires ou même des personnes (femmes, esclaves). Ce type de motivation est en général évoqué dans de nombreux conflits comme un des moteurs fondamentaux des causes de guerre, qui pourrait également être l'un des plus anciens à l'échelle des groupes humains organisés. Pour le Néolithique ancien, avec la mise en valeur des terres et la sédentarisation, la question du contrôle des territoires et des espaces devient centrale. Peut-être prend-elle une place dans les explications sur les affrontements que l'on identifie désormais en différents lieux.
p. 266
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La première d'entre elles se rattache à cette lancinante interrogation sur la nature humaine, également soulevée par Hobbes : l'homme se bat car il est naturellement violent. Ce serait donc poussé par son instinct qu'il est amené à se battre, à attaquer comme à se défendre en fonction des situations. Ainsi s'expliqueraient les violences les plus anciennes de l'humanité, celles du Paléolithique dont on a quelques témoignages sur les restes osseux. L'explication est ici d'ordre biologique. Chaque Homo, tout sapiens qu'il est, porte en lui cette forme d'agressivité. Sans doute est-il difficile de le nier... Deux remarques s'imposent néanmoins : premièrement, se battre en tant qu'individu ne signifie pas faire la guerre. Le registre est très différent. Deuxièmement, l'homme en société est un homme vivant dans des règles qui l'obligent donc à se contrôler, y compris dans ses relations aux autres. S'affranchir des normes, y compris pour un acte de violence, revient à s'exposer aux conséquences et sentences que la société applique, selon les cas. L'instinct de violence, s'il explique des dispositions physiques et psychologiques individuelles permettant la réalité de l'affrontement, ne saurait se confondre avec le conflit en tant qu'acte communautaire, voire sociétal. Ce n'est pas une motivation en tant que telle.
p. 265
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