Miroir de nos peines

Trois jours après le début de l'offensive allemande, un journaliste lui demanda naïvement :
_ Si notre armée et les Alliés sont aussi efficaces qu'on le dit, pourquoi les Boches continuent-ils d'avancer ?
_ Ils n'avancent pas, répliqua Désiré, ils font mouvement vers l'avant, c'est très différent.

Les confidences sont comme un collier de perles, quand le fil cède, tout défile.

Louise l'avait même entendu professer qu'en réalité "cette guerre, personne n'y avait jamais vraiment cru". Selon lui, ce conflit n'était rien d'autre qu'une immense tractation diplomatique à l'échelle de l'Europe, avec des discours patriotiques spectaculaires, des annonces tonitruantes, une gigantesque partie d'échecs dans laquelle la mobilisation générale n'avait été qu'un effet de manches supplémentaire.

S'il fallait défendre Paris, lui, garde mobile depuis vingt-deux ans, avait-il le droit de détaler comme un lapin et de partir se cacher chez sa sœur aînée ? Il s'était donné jusqu'au 10 juin, date de son anniversaire.
C'était absurde, on voyait mal pour quelle raison une fuite entamée le jour de ses quarante-trois ans aurait eu d'avantage de légitimité que la veille ou le lendemain, mais l'époque elle-même était absurde.

Trois jours après le début de l'offensive allemande, un journaliste lui demanda naïvement :
— Si notre armée et les Alliés sont aussi efficaces qu'on le dit, pourquoi les Boches continuent-ils d'avancer ?
— Ils n'avancent pas, répliqua Désiré, ils font mouvement vers l'avant, c'est très différent.

"Madeleine", venait-elle de se souvenir. Ce prénom était celui de la soeur d'Édouard Péricourt, le jeune soldat à la gueule cassée que Mme Belmont avait eu comme locataire à la fin de la Grande Guerre.

Évidemment, à la réprobation des femmes répondit l'intérêt des hommes.

Désiré développa l'idée selon laquelle, rien n'étant plus crédible qu'une parole officieuse, les Français seraient portés à croire ce que leur dirait une autorité... à condition qu'elle le fasse sous le manteau.

Je dois me cacher pour pleurer. Toutes mes larmes sont a vous.

Tous deux avaient espéré être aimés par une femme que sa passion portait ailleurs.

Non, s'il souriait aussi joliment à sa sœur Cécile, c'était uniquement pour gagner du temps. Non pas le temps bref qui sépare la question de la réponse, mais celui, bien plus conséquent, que, homme ou femme, on accorde toujours aux gens qui nous séduisent. Leur charme suspend pour un moment notre incrédulité, on rejette à plus tard l'examen des raisons que l'on aurait de douter au profit du plaisir de l'instant.

- Ma fille, vous avez le cœur plein de l’amour de Jésus, c’est bien, mais ce cœur, faites attention tout de même à ne pas lui en demander trop.

Face à l’égoïsme, à la peur de manquer, au réflexe de ne penser qu’à soi, notre seule force, notre véritable dignité, c’est d’être ensemble.

Il se joignit à elle, ah, comme il aurait aimé l'embrasser... Ou la toucher, juste ça, poser un doigt sur ces lèvres qui étaient un monde entier à elles seules, il en aurait pleuré.