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Critique de Levant


Difficile de passer à côté de Pierre Lemaître quand il s'agit de littérature contemporaine. Après la valse des masques sur les gueules cassées d'Au revoir là-haut, avec Sacrifices je me suis confronté à l'univers tout aussi sombre et torturé de ses polars. Je sais qu'il y a des trous dans la raquette, que le goncourisé 2013 a produit plus que je n'ai lu, mais demain sera un autre jour.

J'ai commencé par la fin de la trilogie Verhoeven. Il me manque donc d'avoir lu les deux autres tomes pour mieux connaître le commissaire à la taille de nain. On apprend dans cet ouvrage que ce limier doit cette obligation de lever la tête pour croiser le regard des autres au tabagisme de sa mère. Cela ne nous dit pas pourquoi Pierre Lemaître a fait de son héros un nain. Sans doute parce qu'une taille de 1,45m imposera à celui qui en est affublé un surcroit de volonté et de détermination pour s'imposer à son entourage, mais aussi et surtout aux géants de la délinquance que son métier met sur sa route.

La nature a fait des différences, l'homme en a fait des inégalités nous dit Tahar Ben Jelloun. Inégalités qui requièrent des prouesses de caractère pour être combattues. le commandant Verhoeven de la brigade criminelle semble ne pas en manquer tout en conservant une certaine sensibilité. Il faut dire que la vie ne l'a pas épargné en lui prenant sa bien aimée quatre ans auparavant. Avec Sacrifices, celle qui comble sa solitude de temps à autres est elle aussi menacée. Quel métier !

Ce flic, petit par la taille mais grand par la conscience professionnelle, n'échappe pas au sort des héros : il est solitaire. C'est donc dans un déficit de soutien qu'il devra conduire cette enquête dont il fait une affaire personnelle en dépit de la règle du métier selon laquelle un enquêteur ne peut travailler sur un cas qui le touche de près. le sentiment est forcément mauvais conseiller dans les affaires professionnelles. Verhoeven le sait mieux que quiconque. Il persiste. Il met sa carrière en jeu. Advienne que pourra, il se fait un devoir de coffrer le tortionnaire de celle qui partage sa vie. Autant que puisse être partagée une vie de flic.

Seul face à la hiérarchie. Seul face à la justice. Seul face aux truands. Mais au fait, pourquoi ces derniers ont-ils épargné celle qu'il tenait au bout de leur canon de fusil, au risque d'être reconnus, après l'avoir copieusement maltraitée au point de la rendre méconnaissable ? Verhoeven est seul pour échafauder les hypothèses. Seul mais déterminé.

Le temps est compté pour le flic qui se lance sur les traces des voyous sans avoir l'aval de la hiérarchie, policière autant que judiciaire. le roman est minuté. Les cruautés ne manquent pas au tableau. Autant physiques que psychologiques. Sans doute une marque de fabrique chez Pierre Lemaitre, chez qui la compromission se paye cher. A héros atypique, polar atypique. Anti héros serait-on tenté de dire. Pierre Lemaitre nous offre un beau baroud d'honneur pour ce flic qui ne veut pas d'une sympathie compatissante.

J'ai fait une infidélité à Adamsberg de Fred Vargas avec ce polar. Mais l'un comme l'autre me font prendre goût au polar. Nos yeux courent sur les lignes comme le flic aux fesses des truands. le suspens y est habilement dosé, la qualité des énigme, construction et dialogue n'a pas besoin des effets spéciaux qu'on se croit obligé de nous servir trop souvent désormais pour compenser certaines pauvretés. Avec un épilogue comme je les aime. Un épilogue qui ouvre l'avenir autant qu'il le ferme.
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