Dans une série policière, il est des tomes plus réussis que d'autres :
Brunetti en trois actes est de ceux-là. Guido Brunetti a une particularité : il est un policier qui, en dépit de son travail, parvient à avoir une vie de famille équilibrée. Cela ne veut pas dire qu'il rentre chez lui tous les soirs à dix-huit heures et surveille les devoirs de ses (grands) enfants tout en mettant le couvert pour le dîner (quoique…. c'est parfois vrai). Non, cela veut dire que Paolo, sa femme, sait qu'elle a épousé un policier qui prend son métier à coeur (ne l'a-t-elle pas épousé pour cette raison ?) tout comme elle adore le sien et profite des moments qu'ils passent ensemble, sans se soucier de ceux qu'ils auraient pu passer.
Il faut dire aussi que Venise est une ville presque paisible, dans laquelle on peut se promener le soir jusque fort tard sans risque d'être agressé. Elle est certes minée par la corruption, sans aucun doute. Plus adaptée aux touristes qu'à ses habitants, aussi. Elle n'est plus ce qu'elle était, mais les vénitiens font avec, sans presque se plaindre. Les parents
De Paola, ou son meilleur ami, Freddy, marquis d'Istria ont trop d'élégance et de savoir-vivre pour se comporter ainsi, ou soupirer « c'était mieux avant ».
Comme à la Fenice, finalement, dont les techniciens ne vont pas hésiter à se mettre en grève, menaçant les dernières représentations de la Tosca. Ce n'est pas le plus grave, ce qui l'est, c'est le harcèlement dont est victime Flavia Petrelli. Elle est une diva moderne, c'est à dire qu'elle a eu un mari, qu'elle a des enfants – et qu'elle a eu une compagne. L'étalage de sa vie privée n'a guère duré, pourtant, et si les divas sont encore couvertes de fleurs sur scène, si les fans les attendent à la sortie des théâtres, elles ne font plus que très rarement la une des magazines à sensation – et ce n'est pas plus mal pour leur art et pour leur vie privée.
Le harcèlement étonne, les conséquences sur ses proches aussi – et si la machine judiciaire se met en branle, c'est aussi parce qu'elle est Flavia Petrelli, et non une obscure choriste ou une quelconque étudiante. La machine est lente, non seulement à cause des luttes de pouvoir dont Brunetti se passerait bien, mais encore à cause du caractère inédit du mobile de l'agresseur, de sa folie. Brunetti, en homme raisonnable, comprend le raisonnement du harceleur, tout en démontrant l'absurdité cruel de son comportement : « Quel degré de raison accorder à une personne qui s'imagine pouvoir recouvrer son ancien amour en tuant la personne désormais aimée ? Est-il possible de conquérir l'amour de quelqu'un sous la menace ? »
Il ne s'agit pas de jouer serré, lorsque l'ennemi est invisible. Il faut utiliser toutes les ressources qui sont à sa disposition – et même celles qui ne le sont pas. Quand on vous dit qu'enquêter est difficile. Même les fleurs jaunes, maladives, signes de tromperie pour peu que l'on pratique un peu le langage des fleurs, ne sont pas des plus réjouissantes.
Tous les fans de Brunetti se retrouveront dans ce livre.
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