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Citations sur Blanchot -Les Cahiers de l'Herne (21)

REFUSER L'ORDRE ETABLI


réponse de Maurice Blanchot à un questionnaire de Catherine David dans le nouvel Obs (spécial littérature mai 1981) le questionnaire avait pour thème l'engagement de l'écrivain


Comment répondre à votre questionnaire alors que l'écrivain est toujours à la recherche d'une question qui ne lui est pas posée d'avance et qui l'oblige, lorsqu'il croit se satisfaire d'une réponse, à se mettre lentement, patiemment, en question face à la question perdue qui n'est plus la même et qui le détourne de lui-même? La littérature engagée : il me semble que je me retrouve trente ans en arrière, lorsque Sartre, par défi polémique (...) plus que par conviction théorique, donna à cette expression un éclat qui la rendit indiscutable, c'est-à-dire la mit hors de toute discussion. D'une manière générale, presque tous les écrivains, j'entends les écrivains de gauche, y étaient opposés et en étaient irrités, qu'il s'agisse d'André Breton, de Georges Bataille, de Roland Barthes (...) Pour m'en tenir à l'histoire que je connais, Sartre lui-m^me fut très surpris lorsque la décision la plus importante de l'après-guerre et qui pesa le plus sur les événements (avant Mai 68), j'entends la "Déclaration des 121" sur le droit à l'insoumission dans la guerre d'Algérie, apparut être l'oeuvre d'écrivains qui pouvaient passer pour non engagés et qui cependant ne pouvaient qu'affirmer et non sans risque une exigence de refus, lorsque le pouvoir tendait à un forme détestable d'oppression. Il s'y rallia d'ailleurs aussitôt, avec l'autorité qui lui était propre, mais je crois qu'il fut amené (il me l'a dit) à remettre en question les formules trop simples par lesquelles il voulait heurter (et avec raison) la bonne conscience littéraire.

Qu'ajouter donc ? Il y a peut-être un pouvoir culturel, mais il est ambigu et il risque toujours, perdant cette ambiguïté, de se mettre au service d'un autre pouvoir qui l'asservit. Ecrire est, à la limite, ce qui ne se peut pas,
donc toujours à la recherche d'un non-pouvoir,refusant la maîtrise, l'ordre et d'abord l'ordre établi, préférant le silence à une parle d'absolue vérité, ainsi contestant et contestant sans cesse.

S'il fallait citer des textes qui évoquent ce qu'aurait pu être une littérature d'engagement, je les trouverais aux époques anciennes où la littérature n'existait pas. Le premier et le plus proche de nous, c'est le récit biblique de l'Exode. Là tout se trouve : la libération de l'esclavage, l'errance dans le désert, l'attente de l'écriture, c'est-à-dire l'écriture législatrice à laquelle on manque toujours, de telle sorte que seules sont reçues les tables brisées qui ne sauraient constituer une réponse complète sauf dans leur brisure, leur fragmentation même; enfin, la nécessité de mourir sans achever l'oeuvre, sans atteindre la Terre promise qui en tant que telle est inaccessible, cependant toujours espéré et par là déjà donnée,. Si, dans la cérémonie de la pâque juive, il est d e tradition de réserver une occupe de vin pour celui qui précédera et annoncera l'avènement messianique du monde juste, on comprend que la vocation de l'écrivain (engagé) n'est de se croire prophète ni messie mais de garder la place de celui qui viendra, d'en préserver l'absence contre toute usurpation, et aussi de maintenir le souvenir immémorial qui nous rappelle que nous avons été esclaves, que, même libérés, nous restons et resterons esclaves aussi longtemps que d'autres le seront, qu'il n'y a donc (pour le dire trop simplement) de liberté que pour autrui et par autrui : tâche certes infinie qui risque de condamner l'écrivain à un rôle didactique et d'enseignement et, par là même, de l'exclure de l'exigence qu'il porte en lui et qui le contraint à n'avoir pas de place, pas de nom, pas de rôle et pas d'identité, c'est -à-dire à n'être jamais encore écrivain.
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Onze ans après la mort de Maurice Blanchot en 2003, le moment est sans doute venu de reprendre collectivement la mesure d’une oeuvre immense dont l’influence est indiscutable. Ce Cahier ne se veut ni un bilan ni un hommage, mais un parcours de toutes les complexités qui aimantent une écriture et une pensée dont il importe de saisir les mouvements, les inflexions, les avancées ou les silences.
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"Vous allez m'en vouloir mais c'est la règle? On échappe pas au spectacle du bonheur."

L'Idylle de Maurice Blanchot, par Vivian Liska.
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L'avoir su que Autrui cherche en vain à recueillir me montre mon visage désormais immobile.

Maurice Blanchot, Lettre à Roger Laporte, 26/07/1981
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Lettre de Nathalie Sarraute


Cher Maurice Blanchot

Il m'a semblé, en terminant la lecture de "A rose is a rose", que mon livre était arraché à toute mesquinerie et la vulgarité dont il était recouvert, et transporté très loin, là où il fait bon exister, là seulement où cela en vaut la peine.
Vous avez éclairé comme vous savez le faire ce qui m'est toujours apparu comme l'essentiel. Vous m'avez donné envie de me joindre au dialogue, juste pour dire, très grossièrement, qu'il me semble qu'écrire c'est jeter et jeter encore sa ligne pour ramener quelque chose qui glisse et se dérobe,et, lorsqu'on la hissé, quand c'est là, étalé au grand jour, cela meurt. Et toujours on recommence. En fin de compte, c'est dans ce mouvement acharné à ramener quelque chose qui est en train de mourir que se concentre "la vie".
Mais vous avez su voir, mettre au point, justifier ce que je ne voyais pas ou n'entrevoyais que confusément. Rien ne m'intéresse davantage que ce que vous dites sur les "vraies pensées" qui ne sont pas des "mouvements de l'existence illogique", qui sont "repris de la pensée naturelle, de l'ordre légal et économique, lequel s'impose comme une seconde nature", de "la spontanéité qui n'est qu'un mouvement d'habitude sans recherche, sans précaution", sur les vraies pensées qui sont "des pensées d'éveil", "des pensées qui questionnent". Et sur l'impossibilité de les développer, et sur ces refus des ressources du développement. Et sur la répétition...
Je voudrais tout répéter.
Et comme vous avez su, en peu de mots, éclairer à mes yeux mes tentatives dans "les fruits d'or". Que vous rapprochiez ce livre de Tropismes me touche beaucoup, car c'est vers eux que j'avais l'impression de revenir en écrivant ce dernier livre, renonçant à m'efforcer, comme dans mes romans précédents, de saisir les pensées et aussi de les suivre dans leur mort.
Il est difficile de paraître sincère dans une lettre. Tout se fige aussitôt en formules convenues. Il faut donc me résigner à vous dire que vous m'avez donné une grande joie, une de celle auxquelles on retourne souvent, auxquelles on demande de l'aide dans les moments d'abattement.
Je vous remercie, et je vous prie de croire, Cher Maurice Blanchot, à mon admiration et à ma sympathie.
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lettre à Marguerite Duras

Chère Marguerite,

Je lis votre livre, je le lis sans cesse, la nuit il m'est si proche que tout m'est donné par lui, en lui. Et Alissa est toujours là, dans la jeunesse du rapport mortel, et moi son compagnon dans la mort qu'elle donne, qu'elle rejoint éternellement.
Nous allons tous vers la destruction capitale : que chacun y aille comme il peut, avec courage, avec lâcheté, en ouvrant, en fermant les yeux, mais si possible dans l'amitié.

(...)
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Seule la poésie laisse le séjour être un séjour. (...) Mais par quoi parvient-on à l'habitation ?(...) Poésie est donc "Bauen"

(...)

Les mérites que s'acquiert l'h, en cultivant et en soignant la terre n'épuisent pas l'essence de son séjour. C'est que cultiver et édifier, les deux sens de "Bauen" ne sont qu'une suite de l'essence du séjour en non ce qui la fonde.



notes de lectures de Blanchot sur texte de Heiddeger
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La poésie et la pensée ne se rencontrent que lorsqu'elles restent décidément dans la distinction de leur essence. Elles visent le même, mais le même ne se confond pas avec le pareil l'identique. Le même est l'appartenance commune du distinct rassemblé de par la différence même. Le même ne se laisse dire qui si le différent est pensé
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"Sur cette terre" : la poésie ne dépasse pas et ne survole pas la terre, mais au contraire établit l'h sur terre, le fait ainsi séjourner.




notes de lectures de Blanchot sur texte de Heiddeger
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L'homme ne commence à parler que pour autant qu'il répond au langage, en écoutant son interpellation. Réponse qui est ce dire qui parle de l'élément de la poésie.




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