Tu ne t'étonnais pas de te sentir inadapté au monde, mais tu t'étonnais que le monde ait produit un être qui y vive en étranger.
Mais il t'arrivait de parler de Dieu, comme si c'était une entité abstraite, un sujet de conversation, une curiosité réservée aux autres.
Tu pensais qu'une cure t'aurait normalisé, ou aurait banalisé l'étrangeté que tu cultivais.
Je me suis souvent demandé, après ta mort, si ce sourire, le dernier que je t'ai vu, était une moquerie, ou au contraire une bienveillance portée par celui qui sait que, bientôt, il ne prendra plus part aux plaisirs terrestres. Tu ne regrettais pas de les quitter, mais tu ne déplorais pas de les goûter encore.
Son imagination lui était tout, mais il lui fallut faire le voyage pour comprendre cette évidence.
On ne peut pas dire que tu dansais. La musique avait beau résonner autour de toi, les corps être emportés par le tourbillon des basses, elle ne te pénétrait pas. Tu esquissais des pas, mais tu mimais la danse plutôt que tu ne l'exécutais. Tu dansais seul.
Tu te prétendais plus petit le soir que le matin, parce que la pesanteur tassait tes vertèbres. Tu disais que la nuit rendait à ton corps ce que le jour lui avait pris.
Un homme t'a dit un jour « Je t'aime ». Ce n'était pas moi. De ton vivant, je n'y pensais pas, mais aujourd'hui, je peux te dire la même chose, bien qu'il ne s'agisse pas du même amour que celui qu'on te déclara. Mes paroles viennent trop tard. Elles n'auraient pas changé ta décision, mais elles auraient changé mon souvenir.
Le plus beau est ce qui reste dressé malgré l'affaissement.
Ton suicide fut la parole la plus importante de ta vie, mais tu n'en cueilleras pas les fruits.